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13/07/2022 | FRANCE | N°22PA01240

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 juillet 2022, 22PA01240


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a prononcé son transfert aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2202388/8 du 8 mars 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à M. B... un dossier de demande d'asile en procédure normale et une attestation de dema

nde d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a prononcé son transfert aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2202388/8 du 8 mars 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de Seine-et-Marne de délivrer à M. B... un dossier de demande d'asile en procédure normale et une attestation de demande d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête n° 22PA01240 enregistrée le 16 mars 2022, le préfet de Seine-et-Marne demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la circonstance que la décision de transfert ne mentionne pas explicitement que les autorités autrichiennes ont accepté la reprise en charge de l'intéressé, la base sur laquelle ces dernières ont été saisies et l'article au regard duquel ces autorités ont accepté la prise en charge de l'intéressé, n'est pas de nature à faire regarder la décision de transfert comme insuffisamment motivée ;

- le jugement doit être annulé dès lors qu'il prévoit la délivrance d'un dossier de demande d'asile en procédure normale alors même que l'annulation de l'arrêté de transfert pour vice de forme impliquait seulement un réexamen de la situation de l'intéressé ;

- les moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés, à savoir, l'incompétence du signataire de la décision, la méconnaissance du principe du contradictoire, la méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement (UE) n°604/2013, la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 dudit règlement, le défaut de saisine des autorités autrichiennes dans les délais prévus à l'article 23 du règlement, l'erreur manifeste d'appréciation des faits pertinents pour déterminer l'Etat responsable, la violation de l'article 17 du règlement et la violation des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête n° 22PA01241 enregistrée le 16 mars 2022, le préfet de Seine-et-Marne demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2202388/8 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Paris.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Heers, présidente-rapporteure,

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant afghan né le 8 février 1996, a sollicité le bénéfice de la protection internationale par une demande déposée le 25 novembre 2021. Par un arrêté du 20 décembre 2021, le préfet de Seine-et-Marne a décidé son transfert aux autorités autrichiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par la requête n° 22PA01240, le préfet de Seine-et-Marne relève appel du jugement du 8 mars 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer à M. B... un dossier de demande d'asile en procédure normale et une attestation de demande d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, par la requête enregistrée sous le n° 22PA01241, il demande à la Cour d'en prononcer le sursis à exécution.

Sur la jonction :

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le préfet de Seine-et-Marne sont formés contre un même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 22PA01240 :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, et désormais codifié à l'article L. 572-1 du même code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susmentionné, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

5. Pour annuler l'arrêté du 20 décembre 2021 portant transfert de M. B... aux autorités autrichiennes en tant qu'il est insuffisamment motivé en droit, le premier juge s'est fondé sur la circonstance que l'arrêté en litige ne mentionne pas de manière explicite l'article sur la base duquel les autorités autrichiennes ont été saisies, ni le fondement juridique sur lequel les lesdites autorités ont accepté la prise en charge de l'intéressé.

6. Toutefois, selon l'avis n° 420900 du 7 décembre 2018 du Conseil d'Etat, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI du règlement (UE) n° 604/2013. Cet avis expose en outre qu'est suffisamment motivée, au sens des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. L'avis précise à titre d'exemple que, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

7. L'arrêté en litige vise les stipulations applicables, notamment la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté mentionne également les éléments de fait pertinents relatifs à la situation de M. B.... Il précise qu'il est entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il s'y est maintenu sans être muni des documents et visas exigés par les textes en vigueur. Il indique également qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de M. B..., sa situation ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Enfin, il relève que l'intéressé ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France et qu'il n'établit pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités responsables de l'examen de sa demande d'asile. En outre, l'arrêté contesté fait référence à la consultation du fichier Eurodac, selon lequel M. B... était connu des autorités autrichiennes auprès desquelles il avait sollicité l'asile. Il précise que ces dernières, qui doivent être regardées comme responsables de sa demande d'asile, ont été saisies d'une requête le 2 décembre 2021 en application du règlement UE n°604/203, et qu'elles ont fait connaître leur accord le 13 décembre 2021. Une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement, l'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

8. Par suite, le préfet de Seine-et-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 décembre 2021.

9. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Melun.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Paris :

10. En premier lieu, par un arrêté n° 21/BC/072 du 19 juillet 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, le préfet de Seine-et-Marne a donné à M. Cyrille Le Vély, secrétaire général de la préfecture, délégation de signature aux fins de signer l'arrêté en litige. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable (...); /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune (...). Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. / 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est vu remettre, le 25 novembre 2021 contre signature, la brochure d'information sur le règlement " Dublin III " contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (brochure A) ainsi que la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin III " (brochure B), dans leur intégralité, lesquelles lui ont été communiquées en langue pachtou, langue que M. B... a déclaré comprendre. En outre, à supposer que l'intéressé n'ait pas été destinataire de la brochure intitulée " les empreintes digitales et EURODAC " (brochure C) ni du " guide du demandeur d'asile ", cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision de transfert, dès lors que seules les brochures A et B constituent la brochure commune au sens des dispositions de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013, permettant aux demandeurs d'asile de bénéficier d'une information complète sur l'application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'intéressé n'a pas reçu l'ensemble des éléments d'information requis par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté comme manquant en fait.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'état membre responsable, l'état membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...). 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié, le 25 novembre 2021, d'un entretien individuel, en présence d'un interprète en langue pachtou, langue qu'il a déclaré comprendre, au cours duquel il a été informé que la consultation du système " Eurodac " a fait apparaître que ses empreintes avaient été relevées par l'Autriche, et a pu présenter l'ensemble des observations relatives à sa situation. Il ressort du compte-rendu de cet entretien que l'intéressé a été reçu par un agent de la préfecture de Seine-et-Marne, lequel doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national pour mener cet entretien au sens du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors que cet entretien a été mené par une personne qualifiée, laquelle n'avait en tout état de cause pas à justifier d'une délégation de signature, l'intéressé n'a pas été privé de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Il ne résulte, en tout état de cause, d'aucune disposition que le préfet de police était tenu de mentionner, en fin de compte-rendu, la durée de l'entretien, la possibilité de procéder à une relecture et, pour un conseil, d'en solliciter la communication, ni d'en remettre une copie, ni qu'il était tenu de communiquer au demandeur le relevé " Eurodac " afin qu'il puisse présenter ses observations. Enfin, la circonstance que la qualité et le nom de la personne qualifiée ayant mené l'entretien individuel ne sont pas mentionnés dans le compte rendu de cet entretien, est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doivent être écartés.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (" hit "), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) no 603/2013. / (...) / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) ". Aux termes de l'article 25 du même règlement, " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ". Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

16. Il ressort des pièces produites en première instance que le préfet de Seine-et-Marne a été informé par un courrier du directeur de l'asile du 25 novembre 2021, que les empreintes de M. B..., identifiées sous la référence FR 1 9930522703, figuraient dans le fichier Eurodac comme ayant déjà été relevées en Autriche le 8 novembre 2021. Ont également été produits le formulaire adressé aux autorités autrichiennes en vue de la reprise en charge de M. B... comportant la référence de l'intéressé en France, l'accusé de réception électronique délivré par l'application informatique " Dublinet " du 2 décembre 2021, et l'accord des autorités autrichiennes datant du 13 décembre 2021. Dans ces conditions, le préfet de Seine-et-Marne établit que les autorités autrichiennes ont été saisies d'une requête aux fins de reprise en charge de M. B..., conformément aux dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et dans les délais prévus par son article 25. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles 23 et 25 dudit règlement, doit être écarté.

17. En cinquième lieu, les dispositions de l'article 24 du règlement n° 604/2013 régissent la procédure applicable aux requêtes aux fins de reprise en charge lorsque aucune nouvelle demande d'asile n'a été introduite dans l'Etat membre procédant au transfert de l'intéressé. La situation de M. B... ne relevant pas de ces dispositions dès lors qu'il a présenté une demande d'asile aux autorités françaises, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 du règlement n° 604/2013 comme inopérant.

18. En sixième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable ".

19. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué, qui a été notifié à M. B... avec la présence d'un interprète en langue pachtou, comporte l'énoncé des voies et délais de recours, en mentionnant que l'intéressé peut demander l'annulation de la décision devant le tribunal administratif de Melun et le délai de quinze jours qui lui est ouvert, ainsi que le caractère suspensif d'un tel recours. Il est également précisé que l'intéressé peut demander la désignation d'office d'un avocat et solliciter le concours d'un intreprète. Si M. B... soutient qu'il n'a pas été informé des modalités concrètes permettant l'exécution spontanée de la mesure de transfert, il n'allègue pas avoir avisé les autorités françaises de son intention de se rendre, par ses propres moyens, dans l'Etat responsable du traitement de sa demande d'asile. Par suite, alors que les dispositions citées au point précédent n'imposent pas la mention systématique des informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter mais précisent uniquement que ces informations sont indiquées " si nécessaire ", le moyen tiré de ce que le préfet de Seine-et-Marne aurait méconnu l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté comme manquant en fait.

20. En septième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". De plus, l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipulent que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

21. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

22. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations. L'Autriche est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les documents généraux de divers organismes sur la situation des demandeurs d'asile en Autriche et les allégations de M. B... sur les mauvais traitements qu'il y aurait subis ne suffisent pas à eux seuls pour établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Autriche dans la procédure d'asile ou que sa demande ne sera pas traitée dans les conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile à la date de la décision attaquée. Par suite, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013, ni entaché son arrêté d'une méconnaissance des stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

23. Pour les mêmes motifs qu'exposés au point précédent, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'appliquer les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

24. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de Seine-et-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 décembre 2021, lui a enjoint de délivrer à M. B... un dossier de demande d'asile en procédure normale et une attestation de demande d'asile dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance. Il est dès lors fondé à demander l'annulation de ce jugement et le rejet des conclusions de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la requête n° 22PA01241 :

25. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 22PA01240 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Paris, les conclusions de la requête n° 22PA01241 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22PA01241 du préfet de Seine-et-Marne tendant au sursis à exécution du jugement n° 2202388/8 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Paris.

Article 2 : Le jugement n° 2202388/8 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à M. C... B....

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 juillet 2022.

La présidente-rapporteure,

M. A...

L'assesseure la plus ancienne,

C. BRIANÇON

La greffière,

O. BADOUX-GRARELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01240, 22PA01241 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01240
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. BARONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-13;22pa01240 ?
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