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13/07/2022 | FRANCE | N°20PA01601

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 juillet 2022, 20PA01601


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 2 mai 2018 par laquelle la sous-préfète de l'Hay-les-Roses a décidé d'accorder à la société C... le concours de la force publique pour l'expulser du logement qu'elle occupe au 5 impasse Emile Zola au Kremlin-Bicêtre (94).

Par un jugement n°1804747 du 2 avril 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2020, Mme

B..., représentée par Me Quiene demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2020...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 2 mai 2018 par laquelle la sous-préfète de l'Hay-les-Roses a décidé d'accorder à la société C... le concours de la force publique pour l'expulser du logement qu'elle occupe au 5 impasse Emile Zola au Kremlin-Bicêtre (94).

Par un jugement n°1804747 du 2 avril 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2020, Mme B..., représentée par Me Quiene demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 2 mai 2018 par laquelle la sous-préfète de l'Hay-les-Roses a décidé d'accorder le concours de la force publique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions du deuxième alinéa de

l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1500 euros à verser à Me Quiene, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ou à défaut une somme de 1500 euros à verser à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) qui doit rendre son avis avant que le concours de la force publique ne puisse être autorisé, dans un délai adapté aux situations d'urgence qui, en ce qui concerne la réquisition de la force publique, ne peut être inférieur à trois mois, n'a pas été saisie par le préfet ;

- aucune démarche n'a été effectuée afin de lui proposer une solution de relogement ou d'hébergement .

Par un mémoire enregistré le 14 juin 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit d'observations en défense.

Par décision du 14 janvier 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande de Mme B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation,

- le code des procédures civiles d'exécution,

- la loi n°90-449 du 31 mai 1990,

- le décret n° 2015-1384 du 30 octobre 2015,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., était locataire d'un logement situé 5, Impasse Emile Zola au Kremlin Bicêtre (94270) appartenant à la société d'H.L.M. C... devenue CDC habitat social pris à bail par l'intéressée le 2 mars 2007 pour un loyer de 427,75 euros. Par un jugement en date du 8 juin 2017, le tribunal d'instance de Villejuif a prononcé la résiliation du bail, a condamné Mme B... à payer à son bailleur la somme de 13.479,15 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation dus au 5 avril 2017 et lui a ordonné de libérer les lieux. Par une décision du 2 mai 2018, la sous-préfète de l'Hay-les-Roses a accordé le concours de la force publique afin de procéder à l'expulsion de l'intéressée. Mme B... relève appel du jugement du 2 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 mai 2018.

2. Aux termes de l'article 7-2 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, dans sa version issue de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 : " Une commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives est créée dans chaque département. Cette commission a pour missions de : / (...) 2° Délivrer des avis et des recommandations à tout organisme ou personne susceptible de participer à la prévention de l'expulsion, ainsi qu'aux bailleurs et aux locataires concernés par une situation d'impayé ou de menace d'expulsion. / Pour l'exercice de cette seconde mission, elle est informée par le représentant de l'Etat dans le département des situations faisant l'objet d'un commandement d'avoir à libérer les locaux lui ayant été signalés conformément à l'article L. 412-5 du code des procédures civiles d'exécution. (...) Le représentant de l'Etat dans le département informe la commission de toute demande de concours de la force publique mentionné au chapitre III du titre V du livre Ier du code des procédures civiles d'exécution en vue de procéder à l'expulsion. (...) La commission est informée des décisions prises à la suite de ses avis. (...) ". Aux termes de l'article L. 412-5 du code des procédures civiles d'exécution : " Dès le commandement d'avoir à libérer les locaux, l'huissier de justice chargé de l'exécution de la mesure d'expulsion en saisit le représentant de l'Etat dans le département afin que celui-ci en informe la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l'article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, et qu'il informe le ménage locataire de la possibilité de saisir la commission de médiation en vue d'une demande de relogement au titre du droit au logement opposable. (...) ". L'article 2 du décret du 30 octobre 2015 relatif à la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévoit que : " I. - Dans le cadre de la mission d'examen et de traitement des situations individuelles des ménages menacés d'expulsion prévue par le 2° de l'article 7-2 de la loi du 31 mai 1990 susvisé, la commission ou, le cas échéant, ses sous-commissions mentionnées à l'article 5 du présent décret, peut, pour tout motif, formuler et adresser des avis et recommandations au bailleur et à l'occupant concernés, ainsi le cas échéant qu'à tout organisme ou toute personne susceptible de contribuer à la prévention des expulsions locatives, et notamment : - à la commission de médiation prévue à l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation ; II. - Lorsqu'elle est saisie ou alertée dans les conditions prévues à l'article 7-2 de la loi du 31 mai 1990 susvisée, elle émet son avis ou sa recommandation dans des délais adaptés aux situations d'urgence, fixés dans son règlement intérieur. En tout état de cause, pour les alertes mentionnées aux septième à neuvième alinéas de cet article, le délai fixé par le règlement intérieur est inférieur à trois mois. (...) ".

3. Toute décision de justice ayant force exécutoire peut donner lieu à une exécution forcée, la force publique devant, si elle est requise, prêter main forte à cette exécution. Toutefois, des considérations impérieuses tenant à la sauvegarde de l'ordre public ou à la survenance de circonstances postérieures à la décision judiciaire d'expulsion telles que l'exécution de celle-ci serait susceptible d'attenter à la dignité de la personne humaine, peuvent légalement justifier, sans qu'il soit porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, le refus de prêter le concours de la force publique. En cas d'octroi de la force publique, il appartient au juge de rechercher si l'appréciation à laquelle s'est livrée l'administration sur la nature et l'ampleur des troubles à l'ordre public susceptibles d'être engendrés par sa décision ou sur les conséquences de l'expulsion des occupants compte tenu de la survenance de circonstances postérieures à la décision de justice l'ayant ordonné, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. En revanche, si, en vertu des dispositions de l'article 7-2 de la loi du 31 mai 1990 et de l'article 2 du décret du 30 octobre 2015, la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives doit être informée par le représentant de l'État, l'octroi du concours de la force publique en vue de l'exécution d'une décision de justice ordonnant l'expulsion d'occupants d'un local n'est pas subordonné aux avis ou recommandations que cette commission peut, pour tout motif, formuler et adresser au bailleur et à l'occupant concernés. Enfin, aucune démarche administrative tendant à l'hébergement de la personne expulsée ne saurait être exigée préalablement à l'octroi du concours de la force publique par l'Etat, sauf à ce que soit méconnue la force exécutoire des décisions de justice et, par suite, le principe de la séparation des pouvoirs.

4. Il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions que le représentant de l'Etat doit informer la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) de toute demande de concours de la force publique. Toutefois, comme il a été rappelé au point 3, l'examen du dossier par la commission n'est pas un préalable obligatoire à la mise en œuvre de la procédure d'expulsion. Ainsi, la circonstance que la commission qui a été saisie le 11 avril 2018, n'a rendu son avis que le 19 juin 2018, soit après que le concours de la force publique soit accordé, ne peut être regardée comme ayant entaché d'irrégularité la procédure d'octroi du concours de la force publique. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme B... aurait été privée d'une garantie, ne peut en tout état de cause qu'être écarté.

5. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que depuis la réquisition en date du 30 octobre 2017, Mme B... a été reçue en présence de son conseil le 14 décembre 2017 à la préfecture de police de Paris en vue notamment de lui donner les coordonnées des services sociaux pouvant l'accompagner dans ses démarches. Par ailleurs, par courrier du 5 mars 2018, le préfet du Val-de-Marne a invité l'intéressée à trouver avec son bailleur un accord pour l'établissement d'un plan d'apurement de la dette et l'a informée que ces démarches sont essentielles pour un éventuel sursis à la demande de concours de la force publique. Dans ce courrier, le préfet invitait aussi l'appelante à contacter l'espace départemental des solidarités du conseil départemental, à s'inscrire au fichier départemental des demandeurs de logement et à saisir la commission de médiation instituée dans le cadre du droit au logement opposable.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision contestée. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme B... présentées au titre des frais d'instance doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. A...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01601
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : QUIENE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-13;20pa01601 ?
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