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05/07/2022 | FRANCE | N°21PA02728

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 juillet 2022, 21PA02728


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 mai 2017 par lequel la maire de Paris lui a infligé la sanction disciplinaire de la révocation à compter du 19 juin 2017, ainsi que la décision du 4 août 2017 rejetant son recours gracieux, et de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1715421/2-3 du 26 septembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a reje

té sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 mai 2017 par lequel la maire de Paris lui a infligé la sanction disciplinaire de la révocation à compter du 19 juin 2017, ainsi que la décision du 4 août 2017 rejetant son recours gracieux, et de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1715421/2-3 du 26 septembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 mai 2021 et 24 novembre 2021,

M. E..., représenté par M. A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 26 septembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mai 2017 par lequel la maire de Paris lui a infligé la sanction disciplinaire de la révocation à compter du 19 juin 2017, ensemble la décision du 4 août 2017 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la Ville de Paris de le réintégrer dans ses précédentes fonctions et de reconstituer sa carrière, notamment en ce qui concerne les rémunérations non perçues ;

4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit pour n'avoir pas relevé les vices de légalité externe affectant les décisions querellées ;

- l'arrêté du 29 mai 2017 et la décision du 4 août 2017 sont entachés d'incompétence faute que leurs signataires justifient d'une délégation régulière de signature ;

- la décision de sanction est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors notamment que la matérialité des faits n'est pas établie, que cette sanction est disproportionnée, que ses absences étaient justifiées par son état de santé ou par l'exercice du droit de grève, que sa hiérarchie aurait dû prendre en compte son état de santé et son syndrome anxio-dépressif, ainsi que les troubles de l'humeur susceptibles de résulter de ses traitements médicamenteux plutôt que de lui infliger des sanctions, qu'il est victime de harcèlement de sa hiérarchie depuis plusieurs années, et que l'administration a sanctionné plusieurs fois les mêmes faits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2021, la Ville de Paris, représentée par Me Magnaval, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de M. E...,

2°) de mettre à la charge de M. E... une somme de 2 000 euros en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens tirés de l'illégalité externe des décisions attaquées sont irrecevables car relèvent d'une cause juridique nouvelle en appel.

- en tout état de cause ni ces moyens de légalité externe, ni les autres moyens de la requête ne sont fondés.

Par une ordonnance du 29 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

29 décembre 2021 à 12 heures.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le Code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,

- et les observations de Me Safatian pour la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., recruté par la Ville de Paris le 7 août 2000 en qualité d'éboueur stagiaire, puis titularisé le 1er janvier 2001, et nommé éboueur principal le 1er janvier 2017, a fait l'objet, par arrêté du 29 mai 2017, d'une sanction disciplinaire de révocation, qui faisait suite à plusieurs autres sanctions prononcées au cours des années précédentes. Il a dès lors formé un recours gracieux, qui a été rejeté par décision du 4 août 2017, puis il a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de ces deux décisions. Mais le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 26 septembre 2019 dont il relève appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Si M. E..., qui n'a soulevé devant les premiers juges aucun moyen de légalité externe, leur fait grief en appel de n'avoir pas " relevé les vices de légalité externes entachant les décisions querellées", un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors qu'il n'appartient au juge administratif de soulever d'office, le cas échéant, que les seuls moyens d'ordre public et lorsque l'illégalité ressort des pièces du dossier. Or le requérant n'apporte aucune précision de nature à établir que le tribunal aurait dû, en l'espèce, soulever un tel moyen, puisqu'il se borne à soutenir ensuite qu'il ne serait pas justifié d'une délégation régulière de signature consentie par la maire de Paris aux signataires de l'arrêté du 29 mai 2017 et de la décision du 4 août 2017. Or l'absence éventuelle d'une telle délégation ne ressortait pas des pièces du dossier et, dès lors, alors même que la contestation de la compétence de l'auteur ou du signataire d'un acte administratif constitue un moyen d'ordre public, il n'y avait pas lieu pour le tribunal de soulever d'office un tel moyen.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen relatif à la compétence du signataire d'une décision administrative est d'ordre public. Par suite, alors même qu'il relève d'une cause juridique nouvelle en appel, ce moyen est recevable. Toutefois il résulte de l'arrêté de délégation de signature du 24 juin 2016, publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 1er juillet suivant, tel que modifié par l'article 3 de l'arrêté modificatif du

20 juillet 2016, publié au bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 29 juillet, tous deux produits par la Ville de Paris, que la maire de Paris avait donné délégation de signature à Mme D... C..., adjointe au sous-directeur des carrières, et signataire de l'arrêté du 29 mai 2017, pour signer tous arrêtés, actes et décisions préparés par les services placés sous l'autorité de ce sous-directeur. De même, par l'arrêté sus évoqué du 24 juin 2016, la maire de Paris avait également donné délégation à Mme G..., directrice adjointe des ressources humaines et signataire de la décision du 4 août 2017 rejetant le recours gracieux du requérant, à l'effet de signer " dans la limite des attributions de la direction des ressources humaines, tous arrêtés, actes et décisions, ordre de mission des personnels de la DRH préparés par les services placés sous leur autorité ". Ainsi le moyen, tiré de ce que les deux décisions en litige auraient été incompétemment signées, manque en fait.

4. En deuxième lieu il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Or il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêté litigieux du 29 mai 2017, ainsi que du rapport devant le conseil de discipline, que la sanction se fonde sur le fait pour l'appelant de n'avoir pas respecté la tenue règlementaire lors de sa prise de service le 3 mars 2016 en portant un turban lui couvrant l'essentiel du visage et en s'emportant lorsqu'il lui a été demandé de le retirer, d'avoir le 21 mars 2016 proféré des menaces et des accusations de discrimination et de racisme à l'égard de la mairie de Paris, d'avoir menacé et insulté un responsable lors d'une conversation téléphonique le 12 août 2016 tout en proférant des propos diffamatoires à l'égard de la Ville de Paris, de s'être montré irrespectueux et menaçant à l'égard d'un de ses encadrants les 7 septembre et 16 octobre 2016, et plus généralement de demeurer " un agent imprévisible dans ses réactions, constamment en opposition vis-à-vis des règles et notoirement irrespectueux aussi bien à l'égard de sa hiérarchie que de ses collègues ". Ainsi, la sanction litigieuse ne se fonde pas sur des absences du requérant et, par suite, celui-ci ne peut utilement soutenir qu'on lui reprocherait à tort des absences dues à des congés maladies ou à l'exercice de son droit de grève. Par ailleurs s'il conteste la matérialité des faits reprochés, celle-ci est établie par les rapports concordants, établis par plusieurs agents différents, et qui, tous, relèvent la violence des propos et du comportement de l'intéressé. De plus il ne ressort d'aucune pièce du dossier que sa hiérarchie aurait fait preuve à son égard d'une quelconque hostilité, ni qu'il aurait fait l'objet de " harcèlement " par quiconque, alors surtout, d'une part, que le même comportement a été constaté tant avant qu'après son changement de service, et, d'autre part, qu'en dépit de ses manquements il a été nommé éboueur principal en janvier 2017. Par ailleurs, s'il tente de limiter le caractère fautif des manquements reprochés en les imputant à des médicaments prescrits en 2012 en raison de douleurs dorsales, et qui seraient susceptibles d'altérer l'humeur et de provoquer des troubles du comportement, le certificat médical produit, en date du 18 mai 2021, atteste de cette prise de médicaments uniquement en 2012 et 2013, donc plusieurs années avant les faits reprochés, sans qu'il établisse en avoir repris en 2016. De plus, il ressort du rapport disciplinaire, qui n'est pas contesté sur ce point, que, dès 2006, soit six ans avant ces prescriptions médicales, il lui était déjà reproché un manque de maitrise de soi et des accès de colère, ainsi qu'un irrespect envers sa hiérarchie, lui ayant occasionné deux baisses consécutives de notes, puis une première sanction en 2009. Par ailleurs, s'il ressort également des pièces du dossier qu'il a dû être hospitalisé après avoir menacé le 21 octobre 2016 de se suicider par défenestration à l'issue d'un entretien, au cours duquel lui avait été signifié un changement de service, et si par ailleurs il produit un certificat médical de son médecin généraliste du 28 février 2017 indiquant qu'il " présente un syndrome anxio-dépressif justifiant une prise en charge " et un certificat du 20 janvier 2017 d'un psychiatre attestant qu'il a été hospitalisé du 21 au 24 octobre 2016 et présente des " troubles anxio-dépressifs pour lesquels il est traité, qui sont liés à son activité professionnelle ", il ne résulte ni de ces documents, ni d'aucune pièce du dossier, qu'il souffrirait de troubles tels qu'il ne pourrait être tenu pour responsable des faits qui lui sont reprochés. Ainsi la matérialité des faits reprochés et leur caractère fautif sont établis. Si le requérant tente de minimiser chacun des incidents qui lui sont reprochés, il appartient à l'administration, pour déterminer la sanction à prononcer, de prendre en compte la manière de servir antérieure de l'agent, et notamment l'existence de précédentes mesures disciplinaires. Or, en raison d'un comportement colérique et irrespectueux dénoncé depuis 2006, M. E... a déjà fait l'objet d'une exclusion de fonctions de trois mois dont deux avec sursis en avril 2009, et d'une exclusion de deux ans dont un avec sursis en décembre 2014, sans que ces mesures aient conduit à une amélioration durable de son comportement. Dès lors la sanction d'exclusion définitive, qui a d'ailleurs été votée à l'unanimité par les membres du conseil de discipline, n'apparait pas disproportionnée. Par suite M. E... n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées seraient entachées d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation.

6. En troisième lieu il résulte de ce qui précède que la sanction contestée se fonde sur des faits tous commis à partir de 2016 et, par suite, alors que la précédente sanction prononcée à l'encontre de M. E... l'avait été en décembre 2014, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige aurait pour effet de le sanctionner deux fois pour des mêmes faits et méconnaitrait dès lors le principe " non bis in idem ".

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'injonction.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme demandée par la Ville de Paris sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Ville de Paris présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., à Me A... et à la Ville de Paris

Délibéré après l'audience du 21 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.

La rapporteure,

M-I. F...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au préfet de Paris, préfet de la région île de France en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21PA02728


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02728
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : SELARL CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-05;21pa02728 ?
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