Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Travel Planet a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant dans le dernier état de ses écritures à la condamnation de Sorbonne Université à lui verser la somme de 87 681,29 euros, à l'issue du marché prolongé jusqu'au 31 décembre 2018 correspondant aux factures impayées et aux indemnités moratoires et frais de recouvrement sur les factures payées au-delà de l'échéance contractuelle de 30 jours, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 2019, outre des conclusions au titre de l'article
L. 761 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1926410/3-1 du 15 février 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 avril 2021, et un mémoire en réplique, enregistré le
30 novembre 2021, la société Travel Planet représentée par Me Peyronne, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 février 2021 du Tribunal administratif de Paris;
2°) de condamner Sorbonne Université à lui verser la somme de 11 284,31 euros au titre des factures impayées et la somme de 76 396,98 euros au titre des factures réglées au-delà de l'échéance, sommes portant intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre à Sorbonne Université de lui régler ces sommes, sous astreinte de
150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de Sorbonne Université la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour méconnaissance des dispositions de l'article
R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est irrégulier car il a retenu à tort la tardiveté de sa réclamation ;
- elle est fondée à demander que Sorbonne Université lui verse la somme de
21 529, 39 euros au titre des factures impayées et la somme de 49 272, 44 euros au titre des factures réglées au-delà de l'échéance contractuelle.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 novembre 2021 et 8 mars 2022, Sorbonne Université, représentée par Me Michelin, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Travel Planet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Travel Planet sont infondés.
Par une ordonnance du 9 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
5 avril 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et services annexé à l'arrêté du 19 janvier 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique ;
- les observations de Me Peyronne pour Travel Planet ;
- et les observations de Me Michelin pour Sorbonne Université.
Considérant ce qui suit :
1. L'Agence de mutualisation des universités et établissements d'enseignement supérieur et de recherche (AMUE) est un groupement d'intérêt public qui organise la coopération entre ses membres et sert de support à leurs actions communes en vue d'améliorer leur gestion, notamment au travers de sa centrale d'achat. Elle a décidé de conclure un accord-cadre mono-attributaire SAJ-PAM 13-46 avec la société Travel Planet pour les lots 1 et 2, le lot n° 1 ayant pour objet des services d'agence de voyages de prestations de transport et de services associés, d'une durée maximum de 48 mois. L'université Pierre et Marie Curie a conclu, le
4 juin 2015, un marché subséquent à cet accord-cadre avec la société Travel Planet. Par un avenant n° 3 à l'accord-cadre, avenant signé le 26 juin 2018, le lot n° 1 de l'accord-cadre a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2018, cette prolongation entraînant prolongation du marché subséquent passé avec l'université Pierre et Marie Curie, intégrée, depuis le 1er janvier 2018, au sein de Sorbonne Université. La société Travel Planet a demandé au Tribunal administratif de Paris la condamnation de Sorbonne Université à lui verser la somme totale de 87 681,29 euros, correspondant à des factures impayées et des intérêts moratoires et frais de recouvrement à raison de factures réglées après échéance. Elle relève appel du jugement du 15 février 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) approuvé par l'arrêté du 19 janvier 2009 : " Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. ". Il résulte de ces stipulations que lorsque le titulaire d'un marché a adressé à la personne responsable du marché une mise en demeure fixant la date au-delà de laquelle il considèrera l'absence de réponse à sa réclamation comme signifiant un rejet de celle-ci, cette date doit être regardée comme étant celle de la naissance du différend entre les parties.
3. Il n'est pas contesté que les dispositions précitées du CCAG-FCS s'appliquent au marché subséquent passé entre Sorbonne Université et la société Travel Planet. Par un courrier du 24 avril 2019 dont Sorbonne Université a accusé réception le 2 mai suivant, la société Travel Planet a mis en demeure Sorbonne Université de lui verser la somme totale de 92 827,27 euros, au titre de prestations impayées, des intérêts moratoires et au titre des frais de recouvrement, sous quinzaine, faute de quoi elle sera dans l'obligation de saisir le tribunal administratif. Il ressort ainsi des termes de ce courrier, en l'absence de réponse de Sorbonne Université, que le différend entre les parties est né à l'échéance fixée par la société Travel Planet. La société Travel Planet devait donc adresser un mémoire en réclamation à Sorbonne Université dans les deux mois suivant le 17 mai 2019. Or, la société Travel Planet produit, pour la première fois en appel, son mémoire de réclamation du 22 mai 2019 et l'accusé de réception correspondant du
28 mai 2019, le mémoire en réclamation du 9 septembre 2019 seul produit en première instance n'étant qu'un mémoire rectificatif. Ce mémoire doit être considéré, dans les circonstances de l'espèce, comme un mémoire en réclamation au sens des stipulations contractuelles précitées alors même qu'il demande un décompte de résiliation. Enfin, si Sorbonne Université soutient que le différend était né antérieurement par le refus opposé par un courriel du 13 novembre 2018 à un courrier du 6 novembre 2018 du service de recouvrement de la société Travel Planet, qui demandait le paiement de 328 factures, la réponse de l'université demandant de procéder à des vérifications ne caractérisait pas, dans les circonstances de l'espèce, l'existence d'un différend au sens de l'article 37.2. du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services. Par suite, c'est à tort que les premières juges ont rejeté la demande comme irrecevable pour tardiveté de la réclamation.
4. Il résulte de ce qui précède que la société Travel Planet est fondée à soutenir que, pour ce motif, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen afférent à sa régularité.
5. Il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société Travel Planet devant le Tribunal administratif de Paris et sur ses conclusions d'appel.
Sur l'évocation :
6. La société requérante demande, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation indemnitaire de Sorbonne Université à lui verser la somme de 11 284,31 euros au titre des factures impayées et la somme de 76 396,98 euros au titre des factures réglées au-delà de l'échéance contractuelle.
7. S'agissant des factures impayées, la société requérante ne détaille nullement dans ses écritures de première instance et d'appel lesdites factures. A l'initiative de Sorbonne Université un tableau " Excel partagé " comportant 460 lignes a certes été créé entre les parties, chaque ligne de ce tableau correspondant à une facture en litige, et les parties étant invitées à le compléter de leurs observations. Toutefois, ce tableau, dans sa dernière mouture actualisée au
10 novembre 2020, demeure inexploitable car comme le souligne Sorbonne Université dans son second mémoire en défense devant la Cour, de nombreuses factures ne correspondent à aucun bon de commandes, d'autres sont relatives à des commandes annulées ou non réalisées, beaucoup de factures ont d'ores et déjà été payées, ou encore le titulaire n'a pas rapproché ses factures d'avoirs précédemment émis. Cela ressort effectivement de la lecture de ce tableau qui ne comporte d'ailleurs aucun montant global permettant d'appréhender la différence entre les factures dues et les avoirs. Or, la requérante, qui n'a pas répliqué à ce dernier mémoire en défense, n'a donc fourni aucune précision supplémentaire à la Cour. Les factures qui demeureraient impayées ne sont ainsi pas justifiées ni dans leur principe ni dans leur montant.
8. S'agissant des factures qui auraient été réglées au-delà de l'échéance contractuelle de 30 jours, la société Travel Planet produit en appel un tableau portant détail des refacturations pour les intérêts moratoires et frais de recouvrement mentionnant pour chaque facture la date de la facture, son échéance et la date de paiement et calculant les intérêts moratoires et les frais de recouvrement. Toutefois, Sorbonne Université soutient en défense que la requérante n'apporte pas d'élément de preuve sur la réalité du paiement des factures au-delà d'un délai de 30 jours par ce seul tableau, et ce alors que cette dernière s'est fondée notamment sur la date d'envoi de la facture et non sur la date de réception. La société requérante ne justifie donc pas plus, en l'état du dossier, des factures qui auraient été réglées au-delà de l'échéance contractuelle. Dès lors, les conclusions indemnitaires de la société Travel Planet doivent être rejetées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la demande indemnitaire de la société Travel Planet devant le Tribunal administratif de Paris doit être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
Sur les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des deux parties au titre des dispositions susvisées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1926410/3-1 du 15 février 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de la société Travel Planet devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de Sorbonne Université au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Travel Planet et à Sorbonne Université.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01982