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05/07/2022 | FRANCE | N°21PA01774

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 juillet 2022, 21PA01774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 novembre 2018 par laquelle la maire de Paris l'a informée de son placement en congé de longue maladie d'office pour une période de six mois ou, à titre subsidiaire, de désigner un expert médical aux fins de l'examiner et d'apprécier son état de santé ainsi que son aptitude à exercer ses fonctions.

Par un jugement n° 1900750/2-3 du 4 février 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
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Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 avril 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 novembre 2018 par laquelle la maire de Paris l'a informée de son placement en congé de longue maladie d'office pour une période de six mois ou, à titre subsidiaire, de désigner un expert médical aux fins de l'examiner et d'apprécier son état de santé ainsi que son aptitude à exercer ses fonctions.

Par un jugement n° 1900750/2-3 du 4 février 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 avril 2021 et 13 octobre 2021,

Mme A..., représentée par Me de Prittwitz, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 4 février 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 13 novembre 2018 de la maire de Paris l'informant de son placement en congé de longue maladie d'office pour une période de six mois ;

3°) à titre subsidiaire de désigner un expert médical aux fins de l'examiner et d'apprécier son état de santé et son aptitude à exercer ses fonctions d'enseignante ;

4°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- la décision attaquée n'est pas motivée ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle n'a pas été en mesure, en raison d'un délai de convocation trop court, de se faire accompagner ou représenter lors de l'examen de son dossier par le comité médical, elle n'a pu consulter son dossier médical que postérieurement à cet examen, les rapports des deux médecins, dont le second ne l'a pas directement examiné, sont contradictoires, son état dépressif résulte de la suspension prononcée à son encontre en juin 2018 et le médecin de la médecine préventive a émis un rapport se terminant par la mention " sans avis ".

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2021, la Ville de Paris, représentée par Me Magnaval, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de Mme A... ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

15 décembre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,

- et les observations de Me Safatian pour la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., professeure de la Ville de Paris, spécialité arts plastiques dans les écoles élémentaires, a, à la suite de plaintes de parents d'élèves, été suspendue de ses fonctions à titre conservatoire du 11 juin 2018 au 10 octobre 2018. Elle a parallèlement fait l'objet d'une procédure de placement en congé longue maladie d'office à la suite d'une visite médicale d'aptitude en cours de carrière ayant eu lieu le 14 septembre 2018. Après avis du comité médical du 5 novembre 2018, elle a été placée en congé de longue maladie d'office pour une période de six mois et a été informée de cette décision par courrier du 13 novembre 2018. Elle a dès lors saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, mais le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 4 février 2021 dont elle relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée ". Aux termes de l'article 14 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Sous réserve des dispositions de l'article 17 ci-dessous, en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie ". Aux termes de l'article 24 du même décret : " Lorsque l'autorité territoriale estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs d'un fonctionnaire, que celui-ci se trouve dans la situation prévue à l'article 57 (3° ou 4°) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée, elle peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 25 ci-dessous. Un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive attaché à la collectivité ou établissement dont relève le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier ". L'article 4 du décret du 30 juillet 1987 prévoit, dans sa rédaction alors applicable, que " (...) Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; - de ses droits concernant la communication de son dossier et de la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; - des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur. ". L'information ainsi donnée par le secrétariat du comité médical doit permettre à l'agent d'avoir connaissance de la date de la réunion du comité médical et de le mettre en mesure d'exercer, s'il le souhaite, ses droits, en demandant la communication de son dossier ou en faisant entendre tout médecin de son choix. L'administration a donc une obligation d'informer l'intéressé de cette possibilité avant la réunion du comité médical et de lui laisser un délai suffisant pour lui permettre d'exercer effectivement ses droits.

3. Mme A... fait valoir qu'elle n'a été informée de la réunion, le 5 novembre 2018, du comité médical qui devait examiner si elle était atteinte d'une affection pouvant entraîner son placement en congé de longue maladie, que par lettre du 30 octobre précédent, qu'elle n'aurait reçue que le 5 novembre, et qu'elle n'aurait ainsi pas été mise à même d'y être représentée par un médecin de son choix. Alors même qu'elle fait état de cette irrégularité à l'appui de son moyen de légalité interne tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la décision attaquée, elle doit, compte tenu de la précision du grief et de ses termes, être regardée comme ayant entendu soulever un moyen de légalité externe, tiré d'un vice de procédure, qui n'est pas inopérant.

4. Si un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie, l'impossibilité pour un agent, si elle est établie, de se faire représenter par un praticien de son choix devant le comité médical devant se prononcer sur un éventuel placement en congé longue maladie d'office prive l'intéressé d'une garantie, et est, par suite, de nature à entacher d'illégalité la décision prise.

5. Or, en l'espèce, Mme A... n'a été informée de la réunion du comité médical du

5 novembre 2018 que par la lettre datée du 30 octobre précédent, dont ni la date de réception, ni même la date d'envoi, ne ressortent des pièces du dossier. Dès lors, alors que le jeudi 1er novembre était férié et que les 3 et 4 novembre correspondaient à un week-end, elle est fondée à soutenir qu'elle a nécessairement reçu ce courrier trop tardivement pour être à même de pouvoir se faire représenter devant ce comité médical, sans que l'administration puisse utilement invoquer la connaissance qu'elle avait de la procédure de placement en congé longue maladie d'office engagée à son encontre, laquelle ne lui permettait pas de connaitre la date de réunion du comité médical. Par suite, elle a été privée d'une garantie et ce vice de procédure entache d'illégalité la décision querellée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Elle est par suite fondée à en demander l'annulation, ainsi que celle de la décision du 13 novembre 2018 par laquelle la maire de Paris l'a informée de son placement en congé de longue maladie d'office pour une période de six mois.

Sur les conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la désignation d'un expert médical et à la réalisation d'un examen médical :

7. Le présent arrêt faisant droit aux conclusions principales de la requête, tendant à l'annulation de la décision attaquée plaçant Mme A... en congé longue maladie, il n'y a, en tout état de cause, pas lieu de faire droit à ses conclusions présentées à titre subsidiaire, tendant à la désignation d'un expert ou à la réalisation d'un examen médical.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la Ville de Paris au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 1 500 euros à verser à

Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1900750/2-3 du tribunal administratif de Paris du 4 février 2021 est annulé.

Article 2 : La décision de la maire de Paris du 13 novembre 2018 plaçant Mme A... en congé de longue maladie d'office est annulée.

Article 3 : La Ville de Paris versera à Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.

La rapporteure,

M-I. C...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au préfet de Paris, préfet de la région île de France, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01774
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : KARBOWSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-05;21pa01774 ?
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