La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/07/2022 | FRANCE | N°20PA02464

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 05 juillet 2022, 20PA02464


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... et la société par actions simplifiée Anaïs Production ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 mai 2018 par laquelle le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a refusé de leur octroyer une aide financière pour la production de leur court-métrage intitulé " 4 roues ", ainsi que la décision par laquelle le CNC a implicitement rejeté leur demande, datée du 22 mai 2018, tendant à la communication des motifs de cette décision.

Par un

jugement n° 1818065/5-2 du 2 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... et la société par actions simplifiée Anaïs Production ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 mai 2018 par laquelle le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a refusé de leur octroyer une aide financière pour la production de leur court-métrage intitulé " 4 roues ", ainsi que la décision par laquelle le CNC a implicitement rejeté leur demande, datée du 22 mai 2018, tendant à la communication des motifs de cette décision.

Par un jugement n° 1818065/5-2 du 2 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2020, Mme A... et la société Anaïs Production, représentées par Me Lebrun, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 2 juillet 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 14 mai 2018 par laquelle le CNC a refusé de leur octroyer une aide financière pour la production de leur court-métrage, ainsi que le rejet implicite de leur demande de communication des motifs du 22 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre au CNC de réexaminer leur dossier dans un délai d'un mois et de leur accorder la subvention demandée ;

4°) de mettre à la charge du CNC une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elles soutiennent que :

-le jugement attaqué est irrégulier, l'instruction n'ayant pas été rouverte alors qu'elles ont versé aux débats, après la clôture de l'instruction, un mémoire complémentaire contenant des éléments de fait dont elles n'étaient pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui étaient susceptibles d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire ;

- le jugement est insuffisamment motivé, en ce qu'il n'explique pas en quoi la " notice explicative ", imposant au CNC de communiquer sur demande la motivation des avis du comité de lecture, serait dépourvue de valeur contraignante ;

- la décision du 14 mai 2018 est entachée d'insuffisance de motivation, le CNC ne leur ayant pas communiqué les motifs pour lesquels le comité de lecture a émis un avis négatif, en méconnaissance des énonciations de la notice explicative ;

- l'examen de leur dossier n'a pas été impartial ;

- elles se réfèrent aux éléments présentés devant le tribunal administratif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2020, le Centre national du cinéma et de l'image animée, représenté par Me Frölich, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme A... et de la société Anaïs Production sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... et la société Anaïs Production ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 28 octobre 2021, Mme A... et la société Anaïs Production concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 29 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au

29 novembre 2021.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée et le règlement général des aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions Mme Mach, rapporteure publique,

- les observations de Me Mindren, pour Mme A...,

- et les observations de Me Deubel, pour le Centre national du cinéma et de l'image animée.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 février 2018, Mme A..., gérante de la société Anaïs Production, a déposé une demande de subvention auprès du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) pour réaliser un court-métrage intitulé " 4 roues ". Par une décision du 14 mai 2018, elle a été informée de ce que le comité de lecture avait émis un avis défavorable à sa demande, et de ce que l'aide sollicitée lui était refusée. Par un courrier du 22 mai 2018, Mme A... a sollicité la communication des motifs du rejet de sa demande, et des motifs ayant conduit le CNC à choisir d'autres dossiers. Cette demande est restée sans réponse. Par un jugement du 2 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A... et de la société Anaïs Production, tendant à l'annulation de la décision du 14 mai 2018, ainsi que du rejet implicite de leur demande de communication des motifs de cette décision. Mme A... et la société Anaïs Production font appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le vice-président de la 2ème section du Tribunal administratif de Paris a clos l'instruction le 2 janvier 2020, et que Mme A... et la société Anaïs Production ont produit le 15 juin 2020 un mémoire complémentaire accompagné de l'avis favorable à leur demande de communication des documents ci-après, émis par la commission d'accès aux documents administratif le 19 décembre 2019, notifié le 13 février 2020, ainsi que de la liste des membres de la commission des aides avant réalisation aux films de court métrage pour l'année 2018-2019, de la liste des attributions d'aides sélectives avant réalisation, de la liste des personnes composant le comité de lecture et de la liste des résultats par groupes de lecture pour l'année 2018, que le CNC n'établit pas leur avoir communiquées avant cet avis. Si Mme A... et la société Anaïs Production n'étaient pas en mesure de faire état de ces pièces avant la clôture de l'instruction, celles-ci, dans les circonstances de l'espèce, ne pouvaient exercer une influence sur le jugement de l'affaire.

Mme A... et la société Anaïs Production ne sont donc pas fondées à soutenir que les premiers juges étaient tenus de rouvrir l'instruction et de les soumettre au débat contradictoire.

4. En second lieu, en relevant, pour répondre au moyen soulevé par Mme A... et par la société Anaïs Production, tiré de l'absence de réponse à la demande de communication des motifs de la décision du 22 mai 2018, que la notice explicative relative aux aides à la production avant réalisation était dépourvue de valeur contraignante, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés à l'appui de ce moyen, ont suffisamment motivé leur jugement.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 14 mai 2018 :

5. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 14 mai 2018 et de l'absence de réponse à la demande de communication des motifs de cette décision, présentée le 22 mai 2018, doit être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 111-2 du code du cinéma et de l'image animée : " Le Centre national du cinéma et de l'image animée a pour missions : (...) / 2° De contribuer, dans l'intérêt général, au financement et au développement du cinéma et des autres arts et industries de l'image animée et d'en faciliter l'adaptation à l'évolution des marchés et des technologies. A cette fin, il soutient, notamment par l'attribution d'aides financières : / a) La création, la production, la distribution, la diffusion et la promotion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles et des œuvres multimédia, ainsi que la diversité des formes d'expression et de diffusion cinématographique, audiovisuelle et multimédia et la formation professionnelle (...) ". Aux termes de l'article D. 311-3 du même code : " Les aides financières sélectives du Centre national du cinéma et de l'image animée sont attribuées en considération d'une demande soumise à appréciation ".

7. Aux termes de l'article 411-25 du règlement général des aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée, annexé au code du cinéma et de l'image animée : " Des aides financières sélectives sont attribuées avant réalisation aux entreprises de production pour la production d'œuvres cinématographiques de courte durée de qualité et, le cas échéant, la réécriture du scénario de ces œuvres ". Aux termes de l'article 411-29 de ce même règlement, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " La décision d'attribution d'une aide est prise après avis de la commission des aides à la production avant réalisation. Toutefois, sont seuls soumis à l'avis de la commission les projets qui n'ont pas fait l'objet d'une décision de refus à l'issue d'une sélection préalable effectuée par des comités de lecture ".

8. Il ne ressort ni de ces dispositions, ni de la notice explicative du CNC relative aux demandes d'aide à la production de films de court-métrage, ni des autres pièces du dossier, que la commission des aides à la production avant réalisation et les comités de lecture seraient tenus par une enveloppe financière limitative ou par un contingentement par session du nombre de projets pouvant bénéficier de l'aide sollicitée. Ainsi, les projets présentés ne se trouvent pas placés en situation de concurrence pour l'attribution et le montant de cette aide. Dans ces conditions, les deux membres du comité de lecture du mois de mai 2018, dont les projets ont obtenu une aide, d'ailleurs sans qu'il ne soit établi qu'ils étaient présents lors des séances du comité au cours desquelles ces projets ont été examinés, ne peuvent être regardés comme ayant eu un intérêt personnel les contraignant à s'abstenir de participer aux délibérations concernant le projet de Mme A... et de la société Anaïs Production. Si le président de la commission a également obtenu une aide pour deux de ses projets, il n'a en tout état de cause pas examiné leur projet. Enfin, la circonstance que trois autres projets ayant fait l'objet d'un refus définitif au cours de sessions antérieures du comité de lecture se seraient vu accorder une aide au cours de l'année 2018, et que quatre autres projets se seraient vu attribuer, également en 2018, contrairement aux prévisions de la notice explicative mentionnée ci-dessus, à la fois une aide à la réécriture et une aide à la production avant réalisation, n'est en tout état de cause pas de nature à démontrer que le principe d'impartialité aurait été méconnu. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe et, donc, de l'irrégularité de la procédure suivie, doit être écarté.

9. En troisième lieu, à supposer que Mme A... et la société Anaïs Production aient entendu les faire valoir de nouveau en appel, les moyens tirés en première instance de l'incompétence de la signataire de la décision du 14 mai 2018, de l'absence de publication de la composition du comité de lecture et du non-respect du quorum lors de la réunion de ce comité, doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 411-70 du règlement général des aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée : " Les comités de lecture chargés de la sélection des projets sont constitués de trois à cinq lecteurs choisis sur une liste établie par le président du Centre national du cinéma et de l'image animée. / La composition et l'ordre du jour des réunions de chaque comité de lecture sont fixés par le secrétariat de la commission ". Il ressort des pièces produites en première instance par le CNC que la composition du comité de lecture qui a, le 27 avril 2018, examiné le projet de Mme A... et de la société Anaïs Production, a, contrairement à ce qu'elles ont soutenu devant le tribunal administratif, été fixée à partir de la liste établie par la présidente du CNC le 1er juin 2017, et que ce comité était régulièrement composé.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision rejetant implicitement la demande de communication des motifs :

11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, les conclusions mentionnées ci-dessus ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... et la société Anaïs Production ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CNC qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... et la société Anaïs Production demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le CNC sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... et de la société Anaïs Production est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le CNC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C..., à la société par actions simplifiée Anaïs Production, à Me Lebrun et au président du Centre national du cinéma et de l'image animée.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

Le rapporteur,

J.C B...

Le président,

T. CELERIER La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 20PA02464 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02464
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : CABINET LAURENT FROLICH

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-07-05;20pa02464 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award