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30/06/2022 | FRANCE | N°22PA01211

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 30 juin 2022, 22PA01211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une période de deux ans.

Par un jugement n° 2115750/3 du 11 mars 2022, le Tribunal administratif de

Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une période de deux ans.

Par un jugement n° 2115750/3 du 11 mars 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête et un mémoire à fin de production de pièces, enregistrés les 15 mars et 9 mai 2022 sous le n° 22PA01211, M. C..., représenté par Me Abdel Alouaini, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2115750/3 du 11 mars 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté devant le tribunal ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour " salarié " dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir ;

4°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'erreurs de fait, dès lors qu'il n'est pas l'auteur des infractions qui lui sont reprochées par le préfet, et qui fondent sa décision de rejet au motif qu'il constituerait une menace à l'ordre public ; il reçoit régulièrement des amendes et des avis de contravention alors qu'il n'est pas à l'origine des infractions ; il a manifestement fait l'objet d'une usurpation d'identité.

La requête et le mémoire présentés par M. C... ont été communiqués au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit en défense.

II- Par une requête et mémoire à fin de production de pièces, enregistrés les 15 mars et 9 mai 2022 sous le n° 22PA01212, M. C..., représenté par Me Abdel Alouaini, demande à la Cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 11 mars 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de suspendre en conséquence l'exécution de l'arrêté contesté devant le tribunal ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens qu'il invoque sont sérieux et de nature à justifier, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, outre l'annulation du jugement attaqué, l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

La requête et le mémoire présentés par M. C... ont été communiqués au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

On été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Alouaini pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tunisien né le 14 novembre 1976, qui soutient être entré sur le territoire français en 2007 et qui bénéficiait d'un titre de séjour portant la mention " salarié " depuis le 22 avril 2015, régulièrement renouvelé jusqu'en 2019, a sollicité le renouvellement de ce titre. Par un arrêté du 26 octobre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par une ordonnance n° 2115751 du 7 décembre 2021, le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil, saisi par M. C..., a prononcé la suspension de cet arrêté et enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de l'intéressé. Toutefois, par un jugement n° 2115750/3 du 11 mars 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté. Par ses deux requêtes susvisées, qu'il y a lieu de joindre, M. C... sollicite l'annulation de ce jugement et demande à ce qu'il soit sursis à son exécution.

Sur la requête n° 22PA01211 :

2. Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la date de l'arrêté contesté : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. "

3. Pour rejeter, sur le fondement de ces dispositions, la demande de renouvellement de son titre de séjour " salarié " présentée par M. C..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a considéré que la présence de l'intéressé sur le territoire national constituait une menace pour l'ordre public, dès lors qu'il avait été condamné le 17 mars 2015 à 500 euros d'amende par le Tribunal correctionnel de Paris pour recel de biens provenant d'un vol, le 13 mars 2019 à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis par le Tribunal correctionnel de Saint-Brieuc pour vol avec destruction ou dégradation entre les périodes du 8 avril au 21 juin 2018 et du 15 au 16 juin 2018, et le 8 août 2019 à 400 euros d'amende par le Tribunal de grande instance de Bourges pour conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique, et qu'il était connu au fichier de traitement des antécédents judiciaires pour conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique et refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, faits commis à Bourges le 20 mars 2020.

4. M. C... soutient qu'il n'est pas l'auteur des faits qui lui sont reprochés et qu'il a fait l'objet d'une usurpation d'identité, qui lui a d'ailleurs valu de recevoir plusieurs amendes, souvent établies aux noms de Medaouer et non C..., et mentionnant une adresse différente de la sienne. Il fait valoir qu'il n'a pas de véhicule, ni de permis de conduire, qu'il ne s'est jamais rendu à Saint-Brieuc, ni à Bourges, communes dans lesquelles auraient été commises les infractions relevées, alors qu'il travaille à Chalons en Champagne, dans le département de la Marne, qu'aux dates mentionnées en ce qui concerne les infractions commises à Saint-Brieuc, soit entre les 8 avril et 21 juin 2018 ainsi que les 15 et 16 juin 2018, il était en Tunisie, comme en témoignent les dates de sortie et d'entrée sur le territoire mentionnées sur son passeport, que la photographie apparaissant sur la fiche des antécédents judiciaires produite par le préfet ne lui ressemble pas, et que cette fiche précise au surplus, comme signe particulier de la personne mise en cause, un " tatouage permanent sur le bras droit, face antérieure " alors qu'il produit un certificat médical attestant de ce qu'il ne porte aucune trace de tatouage ni de lésion correspondant à l'effacement d'un ancien tatouage.

5. Il produit à l'appui de sa requête d'appel, comme il le faisait en première instance, plusieurs documents, notamment son passeport valable du 5 octobre 2013 au 4 octobre 2018, comportant les tampons qui mentionnent ses dates de sortie et d'entrée sur le territoire français, une attestation de concordance établie le 22 janvier 2014 par le consulat de Tunisie à Pantin en vue de corriger une erreur d'orthographe initialement commise sur ses documents d'identité et confirmant que l'identité à retenir est C... et non Medaouer, son nouveau passeport établi le 23 octobre 2018, qui prend en compte cette correction, ses bulletins de salaire, dont il ressort qu'il est employé en qualité de cuisinier par la société Chicken-Point à Chalons en Champagne, dans la Marne, depuis le 16 juillet 2018, une attestation délivrée par son employeur indiquant qu'il était présent sur son lieu de travail du 1er janvier 2020 au mois de juillet 2021, soit notamment le 20 mars 2020, date de la dernière infraction relevée dans la commune de Bourges, et un certificat médical délivré par un médecin de l'hôpital européen de Paris indiquant l'absence de toute lésion ou tatouage sur son corps.

6. Il ressort de ces documents, à tout le moins, que M. C... avait quitté le territoire français du 8 mai au 26 juin 2018 et ne pouvait, dès lors, être présent à Saint-Brieuc aux dates des infractions mentionnées au point 3, que la photographie de la personne mise en cause, jointe à la fiche des antécédents judiciaires produite par le préfet, ne ressemble en rien à celles figurant sur les documents d'identité de M. C..., notamment ses passeports, récépissé de demande de titre de séjour et carte de séjour, et que ladite fiche précise que le mis en cause présente un tatouage permanent sur le bras droit, signe particulier relevé le 29 mars 2019, alors que le certificat médical produit par M. C..., établi le 2 décembre 2021, atteste de l'absence de tout tatouage, ou lésion pouvant être laissée par l'effacement d'un tatouage. Compte tenu de ces éléments, précis et circonstanciés, M. C... doit être regardé comme justifiant de l'usurpation d'identité qu'il invoque. Il est, en conséquence, fondé à soutenir que l'arrêté contesté, en toutes ses décisions, est entaché d'erreurs de fait, qui en ont constitué le fondement. Il y a lieu, par suite, d'annuler cet arrêté.

7. M. C... ayant disposé, depuis le 22 avril 2015, d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", régulièrement renouvelé jusqu'en 2019 et exerçant un emploi dans la cadre d'un contrat à durée indéterminée auprès du même employeur depuis plusieurs années, il y lieu, eu égard au motif d'annulation retenu, et sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un nouveau titre de séjour " salarié " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur la requête n° 22PA01212 :

8. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 22PA01211 de

M. C... tendant à l'annulation du jugement du 11 mars 2022 du Tribunal administratif de Montreuil, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 22PA01212 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les conclusions présentées dans les deux requêtes au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais d'instance supportés par M. C....

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22PA01212.

Article 2 : Le jugement n° 2115750/3 du 11 mars 2022 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 3 : L'arrêté du 26 octobre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de renouvellement de son titre de séjour présentée par M. C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une période de deux ans est annulé.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. C..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt et de lui remettre, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Article 5 : L'Etat versera à M. C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

Le président-rapporteur,

I. B...L'assesseur le plus ancien,

F. PLATILLERO

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 22PA01211, 22PA01212


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01211
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Isabelle BROTONS
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : ALOUAINI;ALOUAINI;ALOUAINI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-30;22pa01211 ?
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