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30/06/2022 | FRANCE | N°22PA01105

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 30 juin 2022, 22PA01105


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2124309/6-2 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê

te et un mémoire, enregistrés les 8 mars et 21 avril 2022, M. A..., représenté par Me Martin, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2124309/6-2 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mars et 21 avril 2022, M. A..., représenté par Me Martin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ou, à titre subsidiaire, sans autorisation de travail, durant cet examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'une omission à statuer sur l'obligation de quitter le territoire français ;

- le refus de titre de séjour méconnait l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 7 juin 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 6 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- et les observations de Me Martin, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant bangladais, né le 26 septembre 1990, est entré en France le 5 septembre 2015, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée le 30 novembre 2016 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 22 mai 2017. L'intéressé a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auprès des services de la préfecture de police le 5 février 2021. Par un jugement du 8 février 2022, dont le requérant demande l'annulation, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes de la demande devant le tribunal administratif de Paris que M. A... a soutenu que la " décision d'éloignement est dénuée de base légale ". Or, le tribunal a omis de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

5. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

6. Pour justifier des circonstances exceptionnelles qu'il invoque, M. A... reprend en appel son argumentation développée en première instance selon laquelle il fait l'objet de menaces dans son pays d'origine et justifie d'une insertion professionnelle en France dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'employé polyvalent depuis le 8 décembre 2017. D'une part, si M. A... invoque ses craintes en cas de retour au Bangladesh, il ne fait état d'aucun élément de nature à justifier que sa demande répond à des considérations humanitaires. D'autre part, s'agissant de son insertion professionnelle, le requérant produit un avenant à son contrat de travail faisant état de sa prise de fonction à compter du 8 décembre 2017 ainsi que de nombreux bulletins de salaire pour la période allant du mois de janvier 2018 au mois d'août 2021 et faisant apparaître qu'il exerce son emploi à temps plein depuis le mois de mars 2019. Toutefois, si ces éléments établissent la volonté d'intégration de M. A..., ils ne constituent pas un motif exceptionnel de nature à lui ouvrir droit au séjour. Dans ces conditions, la situation de l'intéressé ne relève pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels qui justifierait son admission au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le préfet pouvait, sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile visées dans l'arrêté, prendre une décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale doit être écarté.

9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ".

10. M. A... soutient vivre en France de manière stable depuis le mois de septembre 2015 et se prévaut de son insertion professionnelle depuis le 8 décembre 2017. Il fait également valoir les liens amicaux qu'il a tissés sur le territoire français. Toutefois, ces éléments ne démontrent pas l'intensité de ses liens personnels en France et ne suffisent pas à établir que son éloignement porterait une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé.

11. Enfin, M. A... soutient qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision par laquelle le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, laquelle, n'implique pas par elle-même, le retour de l'intéressé dans son pays d'origine.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. M. A..., qui soutient que son intégrité physique serait menacée en cas de retour au Bangladesh, ne produit à l'appui de sa requête aucun élément de nature à attester qu'il encourrait de tels risques, alors au demeurant, que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 28 octobre 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2124309/6-2 du tribunal administratif de Paris du 8 février 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. B...La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01105 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01105
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-30;22pa01105 ?
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