Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Alfa Omnium Technic a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et du prélèvement à la source auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1904384 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté les demandes de la SARL Alfa Omnium Technic.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 février 2021, la SARL Alfa Omnium Technic, représentée par Me Lagarde, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1904384 du 2 février 2021 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement entrepris est dépourvu de base légale ;
- l'administration n'établit pas que la société ICBB est soumise à un régime fiscal privilégié au Liban ;
- les dépenses correspondant aux prestations de la société ICBB ne présentent pas de caractère anormal ou exagéré ;
- la convention fiscale franco-libanaise fait obstacle à l'application de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis du code général des impôts.
Par mémoire, enregistré le 10 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et demande à titre subsidiaire que soient substituées aux dispositions de l'article 238 A du code général des impôts les dispositions des articles 39,1 et 54 du même code.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention fiscale franco-libanaise du 24 juillet 1962, publiée par le décret n° 64-5 du 2 janvier 1964 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Alpha Omnium Technic exerce une activité d'ingénierie et d'activité techniques. La société a déclaré au titre des années 2013 et 2014 des charges payées à titre de sous-traitance à une société de droit libanais, la société ICBB, que l'administration a réintégrées, en établissant en conséquence une cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés sur le fondement de l'article 238 A du code général des impôts, ainsi qu'un prélèvement à la source à raison de revenus distribués à un contribuable non-résident sur le fondement des articles 119 bis et 187 du même code. Elle demande régulièrement à la Cour l'annulation du jugement du 2 février 2021, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des prélèvements à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, et la décharge des impositions correspondantes.
2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, la SARL Alfa Omnium Technic ne peut utilement soutenir que le jugement entrepris est dépourvu de base légale.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 238 A du code général des impôts : " Les intérêts, (...) les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ".
4. Pour l'application de ces dispositions, la charge de la preuve de ce que le bénéficiaire des rémunérations en cause est soumis à un régime fiscal privilégié incombe à l'administration. Il lui appartient à cet égard d'apporter tous éléments circonstanciés non seulement sur le taux d'imposition, mais sur l'ensemble des modalités selon lesquelles des activités du type de celles qu'exerce ce bénéficiaire sont imposées dans le pays où il est domicilié ou établi. Le contribuable peut, de son côté, faire valoir, en réponse à l'administration, tous éléments propres à la situation du bénéficiaire en cause. Dans le cas où l'administration doit être regardée, au vu de l'ensemble des éléments ainsi produits par les parties, comme ayant établi que le bénéficiaire n'est pas imposable ou est assujetti à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont il aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, il appartient au contribuable d'apporter la preuve que les dépenses en cause correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.
5. D'une part, à l'issue de la vérification de comptabilité de la SARL Alfa Omnium Technic, l'administration a remis en cause, au titre des exercices 2013 et 2014, les factures d'une société de droit libanais, la société ICBB, correspondant à des prestations de sous-traitance. L'administration fait valoir, notamment en produisant la réponse du 29 décembre 2017 des autorités libanaises à sa demande d'assistance internationale, que la société ICBB était assujettie, au titre de l'année 2013, à un impôt sur les bénéfices au taux unique de 15 %, sans aucune autre imposition directe ou application d'un régime spécifique. Eu égard au taux auquel les sociétés françaises sont assujetties à l'impôt sur les sociétés, soit 15 % pour un résultat inférieur à 38 120 euros et à 33,33 % au-delà, l'administration établit que l'imposition à laquelle la société libanaise ICBB a été soumise au titre des années en litige, à raison des prestations en litige, est inférieure de plus de moitié à celle à laquelle aurait été soumise une société française à raison des mêmes prestations, et qu'elle a été ainsi soumise à un régime fiscal privilégié au sens des dispositions précitées de l'article 238 A.
6. D'autre part, en se bornant à produire des factures succinctes au libellé imprécis, alors qu'il résulte de l'instruction que tant au cours du contrôle qu'au stade de la réclamation, elle s'est bornée à produire un contrat d'études et des correspondances avec le gérant d'une société tierce, la SARL Alfa Omnium Technic ne justifie pas de la réalité des opérations facturées par la société de droit libanais, même si celle-ci exerce par ailleurs une activité économique réelle au Liban. L'administration était dès lors bien fondée à écarter les factures de cette société des charges grevant le résultat de la société requérante sur le fondement des dispositions précitées.
7. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : /1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; /2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. /Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 119 bis du même code : " 1. Les revenus de capitaux mobiliers entrant dans les prévisions des articles 118, 119, 238 septies B et 1678 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187, lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui ont leur siège en France ou à l'étranger ou qui n'ont pas leur domicile fiscal en France. ". Aux termes du 1 de l'article 187 du même code : " Sous réserve des dispositions du 2, le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : (...) ; 30 % pour tous les autres revenus (...) ".
8. D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 15 de la convention franco-libanaise du 24 juillet 1962 visée ci-dessus : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet autre Etat. 2. Le terme " dividendes " employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires, ainsi que les revenus d'autres parts sociales qui sont imposés comme les revenus d'actions d'après la législation fiscale de l'Etat dont la société distributrice est un résident (...). ". Aux termes de l'article 7 de la même convention : " Pour l'application de la présente Convention par l'un des Etats contractants, tout terme non défini dans cette Convention reçoit, à moins que le contexte ne l'exige autrement, la signification que lui donnent les lois en vigueur dans l'Etat considéré, en ce qui concerne les impôts visés dans cette Convention. ". Aux termes de l'article 25 de la même convention : " Les revenus non mentionnés aux articles précédents ne sont imposables que dans l'Etat contractant d'où ces revenus tirent leur origine ".
9. Les dividendes mentionnés à l'article 15 précité de la convention franco-libanaise n'étant définis ni par cet article, qui se borne à énumérer les titres concernés, ni par aucune autre stipulation de cette convention, ils doivent être définis comme des produits distribués par une société à ses associés en vertu d'une décision prise par l'assemblée générale de ses actionnaires ou porteurs de parts dans les conditions prévues par la loi du 24 juillet 1966 modifiée sur les sociétés commerciales. Tel n'est pas le cas de revenus réputés distribués au sens de l'article 109-1 du code général des impôts. Ces revenus n'étant mentionnés dans aucun des articles qui précèdent l'article 25 précité de la convention, ils ne sont imposables, conformément aux stipulations de ce dernier article, qu'en France. Par suite, la SARL Alfa Omnium Technic n'est pas fondée à soutenir que les stipulations de la convention fiscale franco-libanaise font obstacle à ce que les revenus distribués en litige soient soumis à la retenue à la source en litige sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Alfa Omnium Technic n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 2 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fins d'annulation, de décharge et d'attribution des frais de l'instance doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Alfa Omnium Technic est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Alfa Omnium Technic et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. Simon, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 juin 2022.
Le rapporteur,
C. A...Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01008