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21/06/2022 | FRANCE | N°21PA03445

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 21 juin 2022, 21PA03445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 20104577 du 9 mars 2021, la magistrate désignée par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a admis M. C... au bénéfice de l'aide jur

idictionnelle à titre provisoire et a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 20104577 du 9 mars 2021, la magistrate désignée par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2021, M. C..., représenté par Me Langlois, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 9 mars 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 2 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation administrative en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est cru en situation de compétence liée ;

- elle a méconnu l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a méconnu son droit d'être entendu ;

- elle est entachée d'erreur de droit en l'absence de saisine du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et d'une violation du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

-elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- elle méconnait l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 10 mai 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité gambienne, né le 17 mars 1982, a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. Par un jugement du 9 mars 2021, la magistrate désignée par le Président du Tribunal administratif de Montreuil a admis M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et a rejeté sa demande. M. C... relève appel de l'article 2 de ce jugement.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

3. En premier lieu, la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du

31 mai 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 24 septembre 2020, notifiée le 30 septembre suivant. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la mesure d'éloignement doit, par suite, être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée, à la suite du rejet de la demande d'asile, pour prendre la mesure d'éloignement en litige. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant.

5. En troisième lieu, le requérant se prévaut d'une méconnaissance de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. ". Toutefois, il résulte du paragraphe IV de l'article 71 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 que son article 44, dont sont issues les dispositions alors codifiées à l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'applique aux demandes d'asile déposées à compter du 1er mars 2019, alors que l'intéressé a déposé sa demande d'asile en 2017. Ce moyen doit donc, en tout état de cause, être écarté.

6. En quatrième lieu, lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche, qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande d'asile, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, tant au cours de l'instruction de sa demande, qu'après que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont statué sur sa demande d'asile, de faire valoir auprès de l'administration toute information complémentaire utile.

7. M. C... a été entendu dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile et pouvait faire valoir à tout moment auprès de la préfecture les éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle. L'intéressé n'allègue ni n'établit qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il aurait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse, notamment pour faire valoir des éléments relatifs à son état de santé. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne l'a pas privé de son droit d'être entendu.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

9. S'il ressort des certificats médicaux produits par le requérant que son état de santé nécessite un suivi ORL semestriel, pour une otite chronique, et à supposer même que ce défaut de suivi puisse entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité du fait des risques de méningite, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ne peut effectivement bénéficier de ce suivi dans son pays d'origine. Par suite, et alors qu'il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que le requérant aurait saisi le préfet de sa situation médicale avant qu'il ne prenne la mesure d'éloignement en litige, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions visées au point 8 doit être écarté, de même que le moyen tiré du vice procédure en l'absence de saisine du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Si M. C... fait valoir que le centre de ses intérêts est désormais en France, il n'est entré en France qu'en 2017, à l'âge de trente-cinq ans, et il n'établit ni même n'allègue qu'il serait isolé en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, et eu égard à ce qui a été dit au point 9, il n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement en litige méconnaît les droits qu'il tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cette mesure serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

12. En premier lieu, cette décision énonce les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est, par suite, motivée.

13. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, l'intéressé ne justifiant pas de motifs exceptionnels conduisant à lui accorder un délai supérieur au délai de droit commun de trente jours.

14. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus aux points 2 à 12 que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours.

Sur la décision fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus aux points précédents que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

16. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. M. C..., dont la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mai 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile par décision du 24 septembre 2020, se borne à alléguer qu'il existe un risque d'atteinte à sa vie et sécurité en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son homosexualité, que la Cour nationale du droit d'asile a jugé ne pas être établie, sans apporter d'éléments nouveaux dans le cadre de la présente instance. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'absence de suivi médical pour sa pathologie rappelée au point 9 l'exposerait à un risque de traitement inhumain ou dégradant prohibé par l'article 3 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juin 2022.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03445
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : LANGLOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-21;21pa03445 ?
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