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17/06/2022 | FRANCE | N°21PA06602

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 17 juin 2022, 21PA06602


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans et l'a informé d'un signalement aux fins de non-admission à son encontre dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2003712 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé

l'arrêté du 12 mars 2020 et a enjoint au préfet du Val-de-Marne de réexaminer la sit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 13 mars 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans et l'a informé d'un signalement aux fins de non-admission à son encontre dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2003712 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 12 mars 2020 et a enjoint au préfet du Val-de-Marne de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de l'intéressé dans le Système d'Information Schengen (SIS) dans le même délai.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 décembre 2021 et le 4 avril 2022, le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun.

Il soutient que :

- la circonstance que le requérant est titulaire d'un passeport revêtu d'un visa valable du 21 juin 2018 au 17 juillet 2018 ne permet pas d'établir son entrée régulière en France ;

- à supposer que le requérant apporte la preuve de son entrée régulière en France, sa décision peut en tout état de cause être fondée sur les dispositions du 2° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en lieu et place du 1° du même article, dès lors qu'une telle substitution n'a pas pour effet de priver le requérant de garanties de procédure ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté était entaché d'une erreur de fait et d'un défaut de base légale ;

- les autres moyens soulevés dans la demande de première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2022, M. A..., représenté par Me Berdugo, conclut au rejet de la requête, à titre principal, pour irrecevabilité et à titre subsidiaire au fond.

Il soutient que :

- la requête, enregistrée plus d'un mois après la notification du jugement contesté, est tardive ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait au regard de son entrée en France ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale au regard du 1° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle a été prise en violation de son droit à être entendu ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle a été prise en violation du principe du contradictoire ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), abrogeant le règlement (CE) n° 562/2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique,

- et les observations de Me Petit pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 20 mai 1994, est entré en France au mois de juin 2018, selon ses déclarations. Par un arrêté du 13 mars 2020, le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de retour, a prononcé une interdiction de retour d'une durée de deux ans et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Le préfet du Val-de-Marne fait appel du jugement du 22 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A... :

2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. (...) ". Aux termes de l'article R. 751-4-1 du même code : " Par dérogation aux articles R. 751-2, R. 751-3 et R. 751-4, la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application (...) / Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition de la décision dans l'application, à l'issue de ce délai. (...) ".

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le jugement du 22 novembre 2021 du tribunal administratif de Melun dont le préfet du Val-de-Marne demande l'annulation lui a été notifié par un courrier mis à sa disposition dans l'application Télérecours, dont il a accusé réception le jour même. Ainsi, le délai de recours, qui est un délai franc, n'était pas échu le 23 décembre suivant, date d'enregistrement de la requête. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. A..., tirée de la tardiveté de la requête, doit être écartée.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

4. D'une part, aux termes de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des Parties Contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres Parties Contractantes, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c) et e), et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de la Partie Contractante concernée. / 2. Le paragraphe 1 s'applique également aux étrangers titulaires d'une autorisation provisoire de séjour, délivrée par l'une des Parties Contractantes et d'un document de voyage délivré par cette Partie Contractante.(...) ". Aux termes de l'article 22 de la même convention : " 1. Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque partie contractante, aux autorités compétentes de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie Contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie Contractante sur lequel ils pénètrent. / 2. Les étrangers résidant sur le territoire de l'une des Parties Contractantes et qui se rendent sur le territoire d'une autre Partie Contractante sont astreints à l'obligation de déclaration visée au paragraphe 1. (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 611-1 du même code : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 511-2 du même code, désormais codifié à l'article L. 611-2 de ce code : " Le 1° du I (...) de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : 1° S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ". Aux termes de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifié à l'article L. 621-3 de ce code : " L'article L. 531-1 est applicable à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité ". Et aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016, qui a repris les dispositions de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 précité : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : (...) c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens; (...) ".

6. Pour faire obligation à M. A... de quitter le territoire français, le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que le visa Schengen versé aux débats par M. A..., valable du 21 juin 2018 au 17 juillet 2018, a été délivré par les autorités portugaises et que l'intéressé est arrivé à Lisbonne le 24 juin 2018. M. A... se prévaut de ce visa aux fins de soutenir qu'il entrait dans le champ d'application de l'article 21 précité de la convention de Schengen, lui permettant de circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres Parties Contractantes. Toutefois, M. A... n'était pas titulaire d'un titre de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour délivrés par une des parties contractantes à la date de son arrivée en France. Il n'est dès lors pas fondé à invoquer les dispositions de l'article 21 de la convention précitée. En outre, à supposer même que M. A... soit entré en France dans la période de validité de son visa, il n'établit pas qu'à son arrivée, il aurait satisfait aux conditions prévues à l'article 5, paragraphe 1, point c) du règlement (CE) n° 562/2006 du 15 mars 2006, reprises par l'article 6, paragraphe 1, point c) du règlement (CE) n° 2106/399 du 9 mars 2016, relatives à l'objet et aux conditions du séjour ainsi qu'aux moyens de subsistance. Enfin et en tout état de cause, M. A... n'établit pas ni même n'allègue avoir souscrit la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen, dont l'obligation figure à l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, qui est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à la convention de Schengen qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire. Il suit de là que c'est sans entacher sa décision d'une erreur de fait ou d'un défaut de base légale que le préfet du Val-de-Marne s'est fondé sur l'absence d'entrée régulière de M. A... sur le territoire français afin d'obliger ce dernier à quitter le territoire français en application des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la substitution de base légale sollicitée par le préfet, ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté contesté, le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de ce que M. A... n'était pas entré irrégulièrement en France.

7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Melun.

Sur les autres moyens soulevés par M. A... :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, en vertu des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Or l'arrêté attaqué vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M. A..., notamment celles, précitées, du 1° de l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Il précise par ailleurs les raisons pour lesquelles l'intéressé n'est pas entré régulièrement sur le territoire français et mentionne qu'il n'a pas été porté d'atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, la décision d'obligation de quitter le territoire français, qui n'avait pas à faire état de tous les éléments relatifs à la situation personnelle ou familiale de M. A..., contient l'exposé suffisant des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

9. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant de l'obliger à quitter le territoire français.

10. En troisième lieu, d'une part, il résulte de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, désormais codifié aux articles L. 614-1 et suivants du même code, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code et prévoient notamment la mise en œuvre d'une procédure contradictoire préalable à leur édiction, ne peuvent être utilement invoquées par M. A... à l'encontre de la décision contestée.

11. D'autre part, les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse, non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. M. A... peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toutes observations utiles avant l'édiction de la mesure d'éloignement envisagée.

12. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été pris suite à l'interpellation de M. A..., qui a fait l'objet d'une procédure de retenue aux fins de vérification de sa situation administrative au cours de laquelle il a été auditionné, le 13 mars 2020, par un officier de police judiciaire. Il ressort du procès-verbal d'audition que l'intéressé a été mis en mesure de porter à la connaissance de l'administration l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle dont il souhaitait se prévaloir, notamment en ce qui concerne sa situation familiale et professionnelle. Dans ces conditions, il n'est pas établi qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance des services de la préfecture des informations utiles avant que soit prise à son encontre la mesure d'éloignement contestée. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

13. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". M. A... se prévaut de deux années de résidence en France, pays où il soutient avoir établi le centre de ses intérêts dès lors qu'il y réside avec sa sœur, titulaire d'une carte de résident, et justifie y être bien inséré, notamment professionnellement. A cet égard, les circonstances que l'intéressé a produit deux promesses d'embauche datées des 27 mai 2019 et 24 août 2020 de la société Alexis Mariage pour un contrat à durée indéterminée en qualité de manutentionnaire et qu'il verse au dossier une carte professionnelle non datée ainsi que plusieurs chèques, de différents montants, délivrés notamment par la société Kolnay SARL, ne permettent pas de le faire regarder comme établissant une insertion professionnelle significative, alors en outre qu'il a déclaré exercer des " petits boulots " lors de son audition administrative du 13 mars 2020. En outre, l'intéressé, dont l'entrée sur le territoire français est récente, est célibataire sans charges de famille et n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident notamment ses parents et sa fratrie et où il a vécu jusque l'âge de 24 ans. Dans ces conditions, le préfet ne saurait avoir porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure d'éloignement a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ainsi, pour les mêmes motifs, que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

14. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, alors applicables, désormais codifiées à l'article L. 612-3 du même code : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

15. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique qu'il existe un risque que l'intéressé se soustraie à la mesure d'éloignement, dès lors qu'il ne justifie pas être entré régulièrement en France et/ou n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, et ne présente en conséquence pas de garanties de représentation suffisantes. Par suite, la décision est suffisamment motivée.

16. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 que le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire doit être écarté.

17. Enfin, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition du 13 mars 2020, que l'intéressé n'a pu présenter au préfet de police de documents d'identité ou de voyage en cours de validité lors de sa retenue aux fins de vérification de sa situation administrative. Par suite, il ne pouvait être regardé comme présentant des garanties de représentation suffisantes et se trouvait dans le cas prévu au f) du 3° du 3ème alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, permettant de regarder comme établi, sauf circonstance particulière, le risque qu'il se soustraie à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français. Il s'ensuit que le préfet a pu légalement refuser à M. A... le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

18. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, désormais codifiées aux articles L. 613-2 et L. 612-10 du même code : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

19. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il indique en outre que l'intéressé ne fait pas état de circonstances humanitaires de nature à justifier qu'une interdiction de retour sur le territoire français ne soit pas prononcée à son encontre. Par suite, cette décision comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

20. En second lieu, M. A... n'établit ni même n'allègue des circonstances humanitaires qui s'opposeraient à ce qu'une interdiction de retour soit prononcée à son encontre. Dans ces conditions, compte tenu du caractère récent de son entrée en France et eu égard à ce qui a été dit au point 13, et alors même qu'il n'aurait fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement et que sa présence ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, le préfet n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 13 mars 2020. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2003712 du tribunal administratif de Melun du 22 novembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2022.

Le rapporteur,

P. C...La présidente

M. B...La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06602
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-17;21pa06602 ?
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