Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Elixens a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016 ainsi que de la retenue à la source à laquelle elle a été soumise au titre des années 2014 et 2015.
Par un jugement n°s 1908248, 2001576/9 du 18 février 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Elixens, en droits et pénalités, de la retenue à la source au titre de l'année 2014 pour un montant de 7 563 euros et au titre de l'année 2015 pour un montant de 392 968 euros, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et des mémoires enregistrés les 10 juin, 27 août et 29 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures, de réformer les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 18 février 2021 du Tribunal administratif de Montreuil, et de décider que la société Elixens sera rétablie à la retenue à la source au titre de l'année 2014 pour un montant de 7 563 euros en droits et 1 785 euros en pénalités et au titre de l'année 2015 pour un montant de 204 114 euros en droits et 38 973 euros en pénalités.
Il soutient que la qualité de résident en Suisse et aux Etats-Unis des prestataires au regard de la nature des activités qu'ils exerçaient et des règles fiscales générales applicables dans les Etats en cause n'est pas établie faute de pièces attestant de l'assujettissement à l'impôt à titre personnel de ces personnes morales et physiques.
Par des mémoires en défense enregistrés les 5 août et 22 septembre 2021, la société Yxens, anciennement dénommée Elixens, représentée par Me Hélène Marlier-Pommier, conclut, dans le dernier état de ses écritures, à la confirmation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 18 février 2021 en tant qu'il a prononcé des décharges de retenue à la source, à la réformation de ce jugement en ce qu'il a rejeté le surplus de la requête présentée par la société Elixens s'agissant de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis du code général des impôts au titre de l'exercice 2014, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens du ministre ne sont pas fondés.
Par la voie de l'appel incident, elle soutient également que :
S'agissant de l'exercice clos 2014 :
- l'avantage consenti en 2014 à la société Monte Holding a été identifié en comptabilité et n'est par suite pas un avantage occulte ;
- il n'y a pas eu d'intention libérale ;
- l'exercice 2014 était déficitaire ;
- l'établissement d'une retenue à la source résulte d'une requalification de l'administration et ne peut par suite donner lieu à des pénalités ;
- à titre subsidiaire, la retenue à la source devait être calculée sur la base du taux prévu par la convention bilatérale franco-suisse ;
- elle établit la domiciliation en Suisse de la société Monte Holding ;
S'agissant de l'exercice clos en 2015 :
- les sommes litigieuses n'ont été pas été déduites, ayant été portées en compte courant du gérant ;
- elle ne peut être regardée comme débitrice de ces sommes au sens de l'article 182 B du code général des impôts ;
- aucune prestation n'a été réalisée ;
- les prestations ont été fournies et utilisées à l'étranger ;
- la retenue à la source devait être calculée sur la base du taux prévu par la convention bilatérale franco-suisse et franco-américaine ;
- elle a produit les éléments en sa possession établissant que les entreprises Cuisinair Inc, Patrick Y., Y et Partners SA et Monte Holding étaient établies aux Etats-Unis et en Suisse ;
- elle ne peut obtenir d'attestation de résidence de l'administration américaine ;
- la doctrine référencée BOI-IR-DOMIC-10-10-20160728, n° 190 est invocable ;
- le point de départ des intérêts de retard et donc le taux global applicable n'était aucunement précisé dans la proposition de rectification, seul le montant desdits intérêts de retard ayant été mentionné dans les conséquences financières ;
- les intérêts de retard ont globalement été décomptés à partir du 31 décembre 2015 alors même que le fait générateur du dépôt des déclarations n° 2494 aurait dû, si les sommes versées avaient été qualifiées dès l'origine de prestations rémunérées par l'administration fiscale, correspondre à chaque paiement effectif.
Par ordonnance du 22 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 octobre 2021.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 ;
- la convention conclue entre la France et les États-Unis le 31 août 1994 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Yriel est une société holding mixte qui est la mère d'un groupe fiscal dans le secteur de la chimie et de l'énergie photovoltaïque. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 au terme de laquelle l'administration a notamment procédé, par une proposition de rectification du 10 novembre 2017, à des rappels de taxe sur les salaires et de retenues à la source sur des sommes versées à des prestataires établis en Suisse et aux États-Unis. Le ministre de l'économie des finances et de la relance relève appel du jugement du 18 février 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la société Elixens, venant aux droits de la SAS Yriel, de la retenue à la source au titre de l'année 2014 pour un montant de 7 563 euros en droits et 1 785 euros en pénalités et au titre de l'année 2015 pour un montant de 204 114 euros en droits et 38 973 euros en pénalités. Pour sa part, la société Yxens, anciennement dénommée Elixens, demande, par la voie de l'appel incident, la décharge, en droits et pénalités, des montants de retenue à la source restant en litige à la suite de la décision prise par les premiers juges.
Sur la requête du ministre :
En ce qui concerne l'année 2014 :
2. Aux termes du 1 de l'article 4 de la convention conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966, tel qu'il résulte de l'avenant du 22 juillet 1997 : " Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. (...) ". Aux termes de l'article 11 de la convention : " 1. Les dividendes provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. a) Les dividendes visés au paragraphe 1 sont aussi imposables dans l'Etat contractant d'où ils proviennent, et selon la législation de cet Etat, mais si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident de l'autre Etat contractant, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 % du montant brut des dividendes. (...) 5. Le terme " dividendes " employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances, ainsi que les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l'Etat contractant dont la société distributrice est un résident. (...) ".
3. La société Elixens a fait valoir devant les premiers juges que les stipulations conventionnelles précitées qui fixent le taux maximal de la retenue à la source à hauteur de 15 % s'appliquent dans la mesure où le bénéficiaire effectif des revenus distribués, la société Monte Holding, est un résident établi en Suisse. Elle a produit un extrait du registre du commerce et du registre " IDE " concernant cette société, différents extraits du site internet du canton de Nidwald relatifs à ladite société, des documents comportant des généralités sur les modalités d'imposition en Suisse des sociétés holding mixtes, et un courrier de l'administration fiscale suisse attestant que cette société est, en 2021, à jour des impositions dues. Il résulte en outre de l'instruction que la société française a respecté les conditions de l'article 76 de l'annexe II au code général des impôts, aux termes duquel : " les établissements payeurs sont tenus d'exiger des bénéficiaires des revenus, des présentateurs ou des vendeurs, la justification de leur identité, notamment de leurs date et lieu de naissance s'il s'agit de personnes physiques, ainsi que de leur domicile réel ou siège social ". Face à ces éléments de nature à établir que la société Monte Holding était, au cours de l'année d'imposition, effectivement assujettie en Suisse à l'impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue, l'administration fiscale ne fournit aucun élément permettant de considérer qu'elle y aurait été exonérée pour des raisons ayant trait à la nature de son activité ou tout autre motif. Il suit de là que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la société Elixens était fondée à demander l'application du taux de 15 % applicable à la retenue à la source en vertu de l'article 11 de la convention franco-suisse.
En ce qui concerne l'année 2015 :
4. Aux termes des 1 des articles 4 de la convention conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1966 et de la convention conclue entre la France et les Etats-Unis le
31 août 1994 : " Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. (...) ". Aux termes des 1 des articles 7 des mêmes conventions : " Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable. ". Au terme du 1 de l'article 14 de la convention franco-américaine : " Les revenus qu'un résident d'un Etat contractant tire d'une profession libérale ou d'autres activités de caractère indépendant ne sont imposables que dans cet Etat à moins que ce résident n'exerce de telles activités dans l'autre Etat contractant et qu'il n'y dispose de façon habituelle d'une base fixe pour l'exercice de ses activités. Dans ce cas, les revenus sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cette base fixe, et selon les principes contenus dans l'article 7 (Bénéfices des entreprises). "
5. La société Elixens a fait valoir devant les premiers juges qu'elle n'était pas redevable de la retenue à la source prévue par l'article 182 B du code général des impôts dans le mesure où le droit d'imposer des bénéfices et revenus résultant des prestations payées à des entreprises en Suisse et aux Etats-Unis revient exclusivement à ces derniers Etats. Pour les mêmes raisons que précédemment, les documents produits permettent de regarder la société Monte Holding comme résident fiscal en Suisse. Il n'est par ailleurs pas sérieusement contesté que la société Cuisinair Inc était effectivement établie aux Etats-Unis et que M. A... exerçait dans ce dernier pays une activité libérale. Comme précédemment, l'administration fiscale ne fournit aucun élément permettant de considérer qu'ils y auraient été exonérés d'impôt sur le revenu ou sur les bénéfices. Il suit de là que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la société Elixens était fondée à se prévaloir des stipulations des articles 7 des conventions fiscales franco-suisse et franco-américaine et de l'article 14 de la convention franco-américaine.
Sur l'appel incident de la société Yxens et relatif à l'année 2014 :
En ce qui concerne les droits :
6. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe 2 au même code : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées ". Aux termes du 2 de l'article 119 bis de ce code : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...) ". Aux termes du 1 de l'article 187 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions du 2, le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : (...) - 30 % pour tous les (...) revenus [autres, notamment, que les intérêts des obligations négociables, les dividendes qui bénéficient à des organismes qui ont leur siège dans certains Etat tiers] (...) ". L'octroi d'un avantage sans contrepartie doit être requalifié de libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet apparent et l'identité du destinataire, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause.
7. Il est constant que la société suisse Monte Holding a facturé le 23 décembre 2014 à la société Yriel une somme de 30 000 euros sous le libellé " Take Over USA " et que cette somme a été payée le 31 décembre 2014 à la société suisse. Ce versement étant, ainsi qu'il est également constant, dépourvu de toute contrepartie, l'intention manifestée par la société versante, d'accorder et, par la société bénéficiaire, de recevoir, une libéralité, en découle nécessairement. La seule circonstance que le versement ait été comptabilisé et son bénéficiaire identifié ne permet pas de considérer que cette comptabilisation révélait, par elle-même, la libéralité en cause. L'administration était par suite fondée à constater l'existence d'un avantage occulte taxable sur le fondement des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts, sans que la sociéré Yxens puisse utilement faire valoir que la société Yriel n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice en cause en raison de son caractère déficitaire. Il en résulte que la société Yxens n'est pas fondée à contester l'application de la retenue à la source prévue par l'article 119 bis du code général des impôts au versement à la société suisse Monte Holding d'une somme de 30 000 euros au titre de l'année 2014.
En ce qui concerne les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I - Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) ". Aux termes du 1 de l'article 1728 du même code : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ".
9. Il est constant que la société Yriel n'a pas déposé, au titre du mois de décembre 2014, la déclaration n° 2777-SD relative aux revenus de capitaux mobiliers, prélèvement et retenues à la source pour soumettre à la retenue à la source la somme qu'elle a versée, le 31 décembre 2014, à la société Monte Holding établie en Suisse. La circonstance que l'administration a elle-même qualifié cette somme de revenus distribués est sans incidence sur l'existence d'un défaut déclaratif dès lors que tous les revenus distribués à des personnes n'ayant pas leur siège en France soumis à la retenue à la source prévue par l'article 119 bis du code général des impôts doivent être mensuellement déclarés pour la liquidation et le paiement de cette imposition. La société Yxens n'est donc pas fondée à contester l'application d'une pénalité au montant de la retenue à la source qu'elle n'a pas déclarée.
10. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la requête présentée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance et l'appel incident de la société Yxens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'économie, des finances et de la relance et l'appel incident de la société Yxens sont rejetés.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SAS Yxens.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Platillero, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.
Le rapporteur,
F. B...Le président assesseur,
En application de l'article R.222-26 du code
de justice administrative
F. PLATILLERO
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03222