La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2022 | FRANCE | N°21PA01559

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 15 juin 2022, 21PA01559


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mercure Formation a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer le remboursement, à hauteur de 78 532 euros, d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juin 2016 et 30 juin 2017 ;

2°) de prononcer le versement d'intérêts moratoires afférents aux créances de crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;

3°) de dispenser la société de l'émission de factures rectificatives ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme

de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mercure Formation a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer le remboursement, à hauteur de 78 532 euros, d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juin 2016 et 30 juin 2017 ;

2°) de prononcer le versement d'intérêts moratoires afférents aux créances de crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;

3°) de dispenser la société de l'émission de factures rectificatives ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904349/2-1 du 26 janvier 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 mars et 29 septembre 2021, la société Mercure Formation, représentée par Me Philippe Pescayre, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement n° 1904349/2-1 du 26 janvier 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'ordonner le remboursement de la somme de 67 326 euros de taxe sur la valeur ajoutée majorée des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a une activité dédiée à la réalisation et à la vente en ligne de manuels et de fascicules indépendante des cours théoriques de conduite ;

- cette activité est assimilable à la vente de livres imposable à la taxe sur la valeur ajoutée à 5% ;

- les livres vendus répondent aux conditions de la doctrine référencée BOI-TVA-LIQ-30-10-40-20130715 ;

- les vidéos sont accessoires à la vente de livres ;

- les manuels de préparation à l'examen pratique du permis de conduire relèvent également du taux réduit.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Mercure Formation exploite des établissements de formation à la conduite automobile sous l'enseigne AUTO-ECOLE.NET. Au titre de la période allant du mois de juin 2016 au mois de juin 2017, elle a déclaré un chiffre d'affaires hors taxes d'un montant de 4 568 293 euros correspondant à des prestations qu'elle a soumises, dans ses déclarations, au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée de 20%. La société Mercure Formation qui estime que doit être appliqué, au titre de cette période, et sur une partie de ses activités, le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5%, relève appel du jugement du Tribunal administratif de Paris du 26 janvier 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant au remboursement à hauteur de 67 326 euros du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle se prévaut en conséquence au titre de ladite période.

2. Aux termes de l'article 278 du code général des impôts : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 20 % ". Aux termes de l'article 278-0 bis du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne : / A.- Les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur : / (...) 3° Les livres, y compris leur location. Le présent 3° s'applique aux livres sur tout type de support physique, y compris ceux fournis par téléchargement (...) ".

3. Il résulte des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.

4. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 194 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré .Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ". En l'espèce, la société Mercure Formation a été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée d'après les déclarations modèle CA3 souscrites au titre de la période de juin 2016 à juin 2017 et faisant état du taux de 20%. Elle a ainsi la charge de la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition.

5. Il résulte de l'instruction que la société Mercure Formation a pour activité la préparation des candidats à l'examen du permis de conduire. Si ses clients peuvent souscrire à une préparation commune à l'examen théorique et à l'examen pratique, ils ont également la possibilité de ne se former qu'à l'un des deux examens. Si, dans le cadre de cette activité, elle propose à ses élèves d'accéder, en ligne, à des manuels pédagogiques ainsi qu'à des fascicules d'exercices, il résulte de l'instruction, et notamment des conditions particulières de ventes de la société, que la préparation à l'examen théorique du permis de conduire proposée par la société comprend également la possibilité pour les élèves de disposer d'un compte de messagerie leur permettant de poser des questions à des enseignants, de visionner en ligne des vidéos de cours, d'accéder physiquement à une salle de formation dans les locaux de l'établissement et de s'inscrire à l'examen via un outil de réservation disponible sur le site de la société ou de mandater cette dernière pour enregistrer son inscription. Ainsi, l'activité de la société requérante consistant à préparer ses élèves à l'examen théorique du permis de conduire ne se limite pas à la diffusion de contenu écrit, mais comprend plus largement des opérations d'encadrement de ses clients, par l'intervention de professeurs qualifiés, ainsi qu'un accompagnement administratif des candidats. En outre, il résulte des termes des conditions particulières de vente que l'objectif final des candidats, en souscrivant à l'offre proposée par la société requérante, n'est pas de disposer du matériel pédagogique qu'elle propose, mais bien de passer avec succès l'examen théorique du permis de conduire, le manuel et le fascicule proposés par la société n'étant qu'un moyen d'y parvenir. Dès lors, les différents éléments mis à disposition des élèves forment objectivement une seule opération économique indissociable, dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel, de telle sorte qu'elles ne peuvent être soumises à un traitement fiscal distinct. Si la société requérante fait valoir qu'elle vend des manuels par l'intermédiaire du site en ligne A., les documents fournis faisant état d'un montant de ventes par cet intermédiaire ne permettent d'identifier ni la nature des biens vendus, ni l'identité du vendeur. En outre, et contrairement à ce qui est soutenu, l'existence éventuelle de ventes de manuels et fascicules par l'intermédiaire d'un site en ligne ne permet pas de regarder que la mise à disposition en ligne de manuels et fascicules à l'intention des élèves ne s'intégrerait pas dans une opération pédagogique globale relevant du taux normal. La circonstance qu'une partie importante des élèves inscrits auxdites formations ne sont pas inscrits à l'examen par l'intermédiaire de la société requérante n'est pas de nature à affecter le caractère global de l'activité de formation ci-dessus décrite. De même, l'opération consistant à distribuer un manuel pédagogique dans le cadre de la préparation à l'examen pratique du permis de conduire n'intervient qu'en complément de l'activité principale consistant à dispenser des heures de conduite aux élèves, et ne peut être regardée que comme une activité accessoire de cette dernière. Les activités de préparation tant à l'examen théorique qu'à l'examen pratique du permis de conduire n'étant pas, dans leur ensemble, assimilables à une activité de vente ou de location de livres, la société Mercure Formation ne peut prétendre à l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 % en application de l'article 278-0 bis du code général des impôts pour ses activités liées à la distribution, dans ce cadre, de manuels ou de fascicules pédagogiques.

6. Si la société requérante fait valoir qu'elle vend, indépendamment des cours de préparation aux examens théoriques et pratiques du permis de conduire, des manuels et des fascicules pédagogiques, elle ne produit aucun document permettant d'identifier le montant des recettes qu'elle aurait réalisées dans ce seul cadre. La production de captures d'écran établissant la mise en vente en ligne, d'ailleurs postérieurement à la période vérifiée, de codes de la route ou de fascicules de tests ne saurait être regardée comme suffisante à cet égard.

7. La doctrine administrative BOI-TVA-LIQ-30-10-40 ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce qui précède et n'est par suite pas invocable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Mercure Formation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement, de restitution de la somme en litige et, en tout état de cause, de versement des intérêts prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales doivent dès lors être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Mercure Formation est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mercure Formation et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Platillero, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.

Le rapporteur,

F. A...Le président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

F. PLATILLERO

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 21PA01559


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01559
Date de la décision : 15/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL ALERION

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-15;21pa01559 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award