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07/06/2022 | FRANCE | N°21PA05980

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 07 juin 2022, 21PA05980


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 juin 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans et a fixé le pays de destination ;

Par un jugement n°2114727/6-1 du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure deva

nt la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2021, le préfet de police demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 juin 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans et a fixé le pays de destination ;

Par un jugement n°2114727/6-1 du 22 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.

Le préfet de police soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de la menace à l'ordre public résultant de sa condamnation le 13 novembre 2019 à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 2000 euros d'amende pour acquisition, offre ou cession, détention et transport non autorisés de stupéfiants, qui démontre que M. B... n'a pas assimilé les règles en vigueur sur le territoire national ;

- l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays où il a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans, la circonstance que ses parents soient détenteurs de " cartes de résidents " obtenues en France en 2016, ne signifie aucunement que ces derniers vivaient effectivement sur le territoire français à la date de la décision litigieuse

- en tout état de cause, cette circonstance, à la supposer établie, n'est pas susceptible d'ouvrir un quelconque droit au séjour à M. B... et, s'il affirme avoir un frère et une sœur sur le territoire français, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Mali où résident ses quatre frères et sœurs et où il a déclaré vouloir retourner vivre pour y développer un projet ;

- sa résidence stable et habituelle en France depuis plus de 10 ans sous couvert de titres de séjours " étudiant " du 16 mars 2009 au 29 décembre 2017 ne sont pas de nature à lui ouvrir un quelconque droit au séjour ;

- s'il se prévaut d'une relation de couple avec une ressortissante française, il ne l'établit pas ;

- aucun des autres moyens invoqués devant le tribunal n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2021, M. B... représenté par Me Guimelchain demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête et de confirmer le jugement du tribunal ;

2°) de confirmer l'injonction au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou subsidiairement " passeport talent " dans le délai de quinze jours suivant le jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois suivant le jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée,

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle,

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du

titre de séjour,

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation concernant la menace à l'ordre public,

- elle méconnaît les dispositions de son article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour,

- elle est insuffisamment motivée,

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle,

- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du

séjour des étrangers et du droit d'asile,

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de

sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur

sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le

territoire français,

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile,

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de

sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et

d'obligation de quitter le territoire français,

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de

sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur

sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retourner sur le territoire français

pour une durée de trois ans :

- elle est insuffisamment motivée,

- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le

territoire français et refus d'octroi d'un délai de départ volontaire,

- elle est entachée d'une inexacte application des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de

sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Guimelchain pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant malien né le 7 février 1991 à Tripoli (Libye), est entré en France le 1er octobre 2008. Il a sollicité en dernier lieu un titre de séjour passeport talent " salarié qualifié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 juin 2021 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans et a fixé son pays de destination, et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale ".

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étrangers dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 423-23 du même code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. Le préfet de police soutient que c'est à tort que, pour annuler son arrêté, le tribunal a retenu le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la menace à l'ordre public résultant de la condamnation de M. B... le 13 novembre 2019 à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 euros d'amende pour acquisition, offre ou cession, détention et transport non autorisés de stupéfiants, qui démontre que l'intéressé n'a pas assimilé les règles en vigueur sur le territoire national. Il ressort toutefois des pièces du dossier, comme l'a relevé le tribunal, que M. B... réside régulièrement en France depuis le 1er octobre 2008, sous couvert de cartes de séjour temporaires en qualité d'étudiant ou d'autorisations provisoires de séjours consécutives à ses demandes de renouvellement de titre en cette qualité, du 1er novembre 2010 au 26 juin 2019, puis sous couvert d'une carte de séjour temporaire portant la mention " Recherche d'emploi et création d'entreprise " d'un an valable à compter du 27 juin 2019 et d'une autorisation provisoire de séjour. Par ailleurs, après avoir été scolarisé dans des établissements français en Libye, puis obtenu le Baccalauréat ainsi qu'un BTS Commerce International en France, M. B... a obtenu le diplôme de l'École de Management Léonard de Vinci et justifie, en dernier lieu, d'une activité professionnelle en qualité de Business Developper au sein de la société SLEAN de janvier à avril 2021. De plus, il justifie d'attaches personnelles et familiales sur le territoire français dès lors que ses parents et sa fratrie résident en France de manière régulière. Au regard de ces circonstances particulières, et compte tenu notamment de la durée de son séjour, de ses attaches familiales en France et en l'absence de tout lien avec le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays où il serait légalement admissible, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le préfet de police, en refusant de délivrer à M. B... le titre de séjour qu'il sollicitait, au motif que son comportement constituait une menace à l'ordre public, avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 8 juin 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... :

5. Le présent arrêt qui confirme le jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 8 juin 2021 et a enjoint au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées en appel ne pourront qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er: La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte de M. B... présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.

La rapporteure,

C. A...

L'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

Le greffier,

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°2105980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05980
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIANÇON
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : GUIMELCHAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-07;21pa05980 ?
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