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07/06/2022 | FRANCE | N°21PA04266

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 07 juin 2022, 21PA04266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2011497/2-1 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 juillet 2021,

le 14 février 2022 et le 3 mai 2022, Mme B... C..., représentée par Me Magdelaine, demande à la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2020 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2011497/2-1 du 26 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 juillet 2021, le 14 février 2022 et le 3 mai 2022, Mme B... C..., représentée par Me Magdelaine, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle souffre de diverses pathologies psychiatriques et somatiques dont le défaut de prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne peut bénéficier des soins appropriés dans son pays d'origine ;

- le tribunal n'a pas relevé qu'elle était affectée d'une nouvelle pathologie entraînant des malaises, parfois associée à des convulsions, ce qui est constitutif d'une erreur de fait substantielle ;

- l'Alimémazine qui lui est prescrite pour ses troubles psychiatriques est indisponible en Algérie, ainsi que l'a relevé un arrêt récent de la Cour (n° 19PA03671) et que le confirme la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques algérienne ;

- les médicaments permettant de traiter les maladies psychiatriques, les maladies cardiovasculaires et l'hypertension artérielle sont très fréquemment indisponibles en Algérie ;

- le système hospitalier algérien, notamment en ce qui concerne les services d'urgence, connaît de graves défaillances et souffre d'une pénurie importante de médicaments et de matériels nécessaires à son fonctionnement ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article

L. 511-4 10° devenu L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire, enregistré le 5 mai 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés, s'en référant notamment à ses écritures de première instance.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me Lemichel pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 15 décembre 1962, entrée en France le 17 janvier 2017 selon ses déclarations, a sollicité, le 9 janvier 2020, son admission au séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 15 juillet 2020, le préfet de police lui a refusé la délivrance du titre sollicité et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours, en fixant le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 26 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 25 décembre 1968 : " Le certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour refuser à Mme C... la délivrance d'un certificat de résidence algérien, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 5 juin 2020 du collège de médecins de l'OFII qui précise que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'au vu des pièces du dossier, l'état de santé de Mme C... lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine. Pour contester cet avis, Mme C... soutient qu'elle est atteinte de plusieurs pathologies psychiatriques et somatiques graves, à savoir des troubles psychiatriques sévères non étiquetés, une hypertension artérielle compliquée d'une athérosclérose carotidienne et d'une dyslipidémie ainsi qu'un nodule thyroïdien scoré laissant une forte suspicion de malignité. Par ailleurs, elle est l'objet de malaises avec convulsions qui est en cours de diagnostic. Au titre de ces pathologies, elle est suivie notamment par le service de psychiatrie de l'hôpital Sainte-Anne (Paris 5ème), par les services de cardiologie et de neurophysiologie de l'hôpital Saint-Antoine (Paris 12ème), par le centre médical international (Paris 10ème) et par le centre santé Dorée (Paris 12ème). Elle produit, au soutien de ses allégations, différents certificats médicaux datés du 29 janvier 2018, du 3 décembre 2019, du 9 septembre 2020, du

14 septembre 2020, du 18 septembre 2020 et du 21 septembre 2020. Elle soutient également que le défaut de prise en charge de ses pathologies pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ses troubles psychiatriques étant susceptibles de la conduire au suicide ou à des pratiques addictives, son hypertension étant susceptible d'entrainer des accidents vasculaires cérébraux, une cardiopathie ischémique, une artériopathie des membres inférieurs, une insuffisance rénale chronique, une rétinopathie et des maladies neurodégénératives telles que la maladie d'Alzheimer ou des maladies apparentées, et que la présence d'un nodule thyroïdien est susceptible d'engendrer un cancer. De plus, elle fait valoir que ces différentes pathologies nécessitent un traitement médicamenteux lourd, son hypertension nécessitant la prise d'Amlodipine, d'Atorvastatine et d'Acétylsalicylate de lysine, et ses troubles psychiatriques étant traités par Sertaline, Sulpiride et Alimémazine, ainsi qu'il ressort des ordonnances médicales versées aux débats. Enfin, elle soutient, d'une part, que le système de santé algérien ne dispose pas des structures nécessaires au traitement de ses troubles psychiatriques et, d'autre part, que certains médicaments n'y sont pas disponibles, tels l'Alimémazine, et que les traitements nécessités par son hypertension font l'objet de ruptures de stocks fréquentes en Algérie.

5. Toutefois, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, les certificats et comptes rendus médicaux versés en première instance se bornent à indiquer les pathologies dont souffre Mme C... et la nécessité pour elle de poursuivre son suivi médical et ses traitements médicamenteux, sans toutefois que ces documents ne se prononcent sur les conséquences que pourrait avoir un défaut de prise en charge médicale des pathologies en cause. Si le certificat médical du 10 septembre 2021, et les ordonnances des 18 décembre 2020, 20 et 29 janvier 2021, 2 avril 2021, 21 mai 2021, 30 juin 2021, 2 juillet 2021, 20 août 2021, 10 et 13 septembre 2021,

7 et 8 octobre 2021 ainsi que 21 janvier 2022 produites en appel, documents au demeurant tous postérieurs à la décision en litige, attestent également de la nécessité pour l'intéressée de poursuivre le traitement médicamenteux ordonné à raison de ses troubles psychiatriques dont ils précisent la nature, ils ne se prononcent pas davantage sur les conséquences que pourrait avoir un défaut de prise en charge de ces pathologies. De plus, Mme C... ne saurait utilement se référer à la seule littérature médicale générale relative aux diverses psychoses existantes et aux conséquences possibles sur ces dernières d'un défaut de prise en charge, dès lors que les cas évoqués aux termes de cette littérature ne correspondent pas nécessairement à son cas particulier, sa pathologie psychiatrique n'étant d'ailleurs pas diagnostiquée précisément. Par suite, la requérante n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, que le défaut de prise en charge de ses pathologies entrainerait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Enfin et compte tenu de ce qui vient d'être dit au regard de ces conséquences, la circonstance, à la supposer établie, que certains médicaments ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

6. Mme C... soutient en outre que les premiers juges n'ont pas fait mention de la suspicion d'une maladie épileptique. Toutefois, la requérante n'établit ni même n'allègue que cette pathologie aurait été portée à la connaissance du collège de médecins de l'OFII et que ce dernier aurait fondé son avis au regard de celle-ci. En tout état de cause, ainsi que la requérante le mentionne aux termes de ses propres écritures, cette pathologie est en cours d'étude et n'était pas encore diagnostiquée avec certitude à la date de la décision en litige, de sorte qu'il n'est pas établi que, s'agissant de cette maladie, son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, en vertu du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 611-3 9° de ce code, l'étranger " résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, que le défaut de prise en charge de son état de santé pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 devenu L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile désormais codifiées à l'article L. 721-4 de ce code : (...) " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

9. Mme C... soutient que son retour en Algérie l'exposerait à un risque de traitements inhumains et dégradants compte tenu de l'impossibilité pour elle de s'y faire soigner. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, l'intéressée n'établit pas, par les pièces versées aux débats, que le défaut de prise en charge de son état de santé pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 devenu L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Briançon, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 juin 2022.

Le rapporteur,

P. A...

La présidente,

C. BRIANÇON

Le greffier,

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA04266 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04266
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIANÇON
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : MAGDELAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-07;21pa04266 ?
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