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07/06/2022 | FRANCE | N°21PA01889

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 07 juin 2022, 21PA01889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision du 22 octobre 2018 par laquelle le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics ont rejeté sa demande d'imputabilité au service de sa maladie depuis le 17 mars 2014 ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie depuis le 17 mars 2014 ou, à défaut, de réexaminer sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service, dans un

délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d'annuler la décision du 22 octobre 2018 par laquelle le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics ont rejeté sa demande d'imputabilité au service de sa maladie depuis le 17 mars 2014 ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie depuis le 17 mars 2014 ou, à défaut, de réexaminer sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1823777 du 11 février 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, enregistrée le 12 avril 2021, et un mémoire complémentaire, enregistré le 25 juin 2021, M. D..., représenté par Me Arvis, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 février 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 22 octobre 2018 du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances et au ministre de l'action et des comptes publics de prononcer l'imputabilité au service de ses congés de maladie pris depuis le 17 mars 2014 ou, à défaut, de se prononcer à nouveau sur l'imputabilité de ces congés, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, car il ne satisfait pas aux prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, d'autre part, car il n'est pas signé ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure, dès lors que la procédure préalable n'a pas été impartiale compte tenu de la transmission au médecin agréé d'un rapport négatif sur sa manière de servir ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'a disposé que de sept jours pour prendre connaissance de son dossier avant la réunion de la commission de réforme ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle se fonde sur la circonstance que ses troubles de santé ne sont " ni sévères, ni de gravité confirmée " ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation quant au lien entre ses conditions de travail et son état de santé ;

- la décision attaquée constitue une sanction déguisée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 11 avril 2022, M. D... maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 11 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

11 avril 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lesueur substituant Me Arvis pour M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... est attaché d'administration centrale titulaire depuis le

1er janvier 1988, affecté au sein des ministères économiques et financiers. Ayant été placé à plusieurs reprises en congés maladie entre mars 2014 et octobre 2015, M. D... a sollicité, le 11 septembre 2015, la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie ayant justifié ces congés. En l'absence de réponse du ministre, une décision implicite de rejet est née, qui a été annulée, pour défaut de consultation de la commission de réforme, par un jugement du Tribunal administratif de Paris du 28 septembre 2017 devenu définitif. En exécution de ce jugement, l'administration a fait procéder à l'examen de l'état de santé de M. D... par un psychiatre et a saisi la commission de réforme, qui s'est réunie le 18 octobre 2018. Par une décision du 22 octobre suivant, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics ont suivi l'avis de la commission et refusé de reconnaître l'imputabilité au service sollicitée par M. D.... Ce dernier a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler cette décision. Il relève appel du jugement du 11 février 2021 par lequel le Tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. D..., le jugement attaqué comporte l'analyse des conclusions et mémoires, ainsi que les visas des dispositions législatives et réglementaires dont il fait application, et satisfait ainsi aux prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative.

3. En second lieu, la minute du jugement attaqué a bien été signée par le rapporteur, le président de la formation de jugement et le greffier d'audience, ainsi que l'exige l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que son ampliation, notifiée aux parties, ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur sa régularité.

4. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

Sur la légalité de la décision de refus d'imputabilité au service :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, alors applicable : " (...) La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instruction, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. (...) / Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix (...) ". Si ces dispositions n'exigent pas que l'administration procède de sa propre initiative à la communication des pièces médicales du dossier d'un fonctionnaire avant la réunion de la commission de réforme, elles impliquent que ce dernier ait été informé de l'ensemble des droits prévus par ces dispositions et, en particulier, de la possibilité d'obtenir la consultation de ces pièces médicales et de faire entendre le médecin de son choix.

6. Par une lettre du 1er octobre 2018, que M. D... indique avoir réceptionnée le 4 octobre, l'administration a informé l'intéressé de la date de la séance de la commission de réforme, le 18 octobre suivant, ainsi que de la possibilité, d'une part, d'assister à cette séance ou de s'y faire représenter et, d'autre part, de consulter son dossier entre le 8 et le

12 octobre, ou d'en solliciter la communication par une demande écrite. M. D... a usé de cette possibilité en demandant, le 8 octobre 2018, la communication par voie dématérialisée de son dossier, qui lui a été transmis le 11 octobre 2018. Le requérant ayant ainsi été mis à même de consulter son dossier plus de huit jours avant la réunion de la commission de réforme, il n'est pas fondé à soutenir, en invoquant la date de transmission de ce dossier à la suite de sa demande du 8 octobre 2018, que les dispositions de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 auraient été méconnues.

7. En deuxième lieu, M. D... fait valoir qu'un rapport du 16 mai 2017, rédigé par son supérieur hiérarchique, a été transmis au médecin qui l'a examiné ainsi qu'à la commission de réforme, entachant ainsi de partialité la procédure préparatoire à la décision attaquée. Il ressort des pièces du dossier que ce rapport, qui donnait un avis à la fois sur la manière de servir du requérant et sur l'imputabilité au service de sa maladie, a été transmis au psychiatre agréé ayant procédé à son examen. Toutefois, d'une part, aucune disposition législative ou réglementaire n'interdisait une telle transmission. D'autre part, les conclusions du rapport rendu le 7 mai 2018 par le psychiatre sont en lien avec les éléments qu'il rappelle préalablement et indique avoir relevés durant son examen, et procèdent ainsi de sa propre analyse de la situation médicale de M. D.... De la même manière, et alors que l'article 19 du décret du 14 mars 1986 prévoit que la commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence du rapport du supérieur hiérarchique au dossier soumis à la commission de réforme aurait été de nature à fausser l'appréciation strictement médicale que cette commission a portée, au vu de l'ensemble des éléments du dossier de l'intéressé, et notamment des certificats médicaux fournis par celui-ci, sur son état de santé et l'imputabilité au service de sa maladie. Par conséquent, et alors que seul le maintien ultérieur du rapport du 16 mai 2017 à son dossier administratif a été jugé illégal par un jugement du Tribunal administratif de Paris devenu définitif, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la procédure est entachée d'un manque d'impartialité.

8. En troisième lieu, l'article 21 bis introduit, dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, par l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, qui n'est entré en vigueur qu'avec l'intervention de son décret d'application n° 2019-122 du 21 février 2019, n'étant pas applicable à la situation de M. D..., celle-ci était régie par l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction antérieure. Aux termes de cet article : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".

9. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

10. D'une part, il ressort des termes de la décision attaquée que l'administration a décidé de suivre l'avis du 18 octobre 2018 de la commission de réforme, en retenant que " les troubles présentés n'ont pas de lien direct et certain avec les conditions de travail. Les troubles ne sont ni sévères, ni de gravité confirmée ". L'administration a ainsi procédé à une appréciation de l'existence ou non d'un lien direct entre la maladie de M. D... et l'exercice de ses fonctions, en considérant, en l'espèce, que ce lien n'existait pas, ce dont elle a pu légalement déduire que la demande de l'intéressé devait être rejetée. Si elle a également relevé l'absence de sévérité et de gravité de la pathologie, cette mention revêt un caractère surabondant et elle n'a pas, ce faisant, ajouté de condition à celle prévue par les dispositions précitées du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

11. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que si l'administration, après avoir eu un comportement fautif à l'égard de M. D... en le maintenant sans affectation de septembre 2004 à juin 2007, a été défaillante dans la gestion des difficultés informatiques que l'intéressé, en télétravail à temps plein à sa demande, a rencontrées dans le cadre de ses missions de 2007 à 2013, le requérant, qui avait connu des épisodes dépressifs antérieurs, se trouvait dans une situation d'isolement de son fait. Dans son rapport du 7 mai 2018, qui fait apparaître un examen suffisamment approfondi de l'état de santé de M. D... et qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats, le psychiatre agréé chargé de procéder à cet examen, après en avoir décrit le déroulement et les divers éléments relevés à cette occasion, indique que l'intéressé souffrait d'un trouble dépressif réactionnel d'intensité modérée entre mars 2014 et octobre 2015. Il considère que si la situation professionnelle de M. D... " a joué un rôle ", son " trouble de la personnalité également " et il conclut à l'absence d'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressé. La commission de réforme, dans son avis du

18 octobre 2018, a également, à la quasi-unanimité de ses membres, considéré que la pathologie du requérant ne présentait pas de lien direct avec les conditions d'exercice de ses fonctions. Pour remettre en cause ces analyses, M. D... verse au dossier deux certificats médicaux, des 13 janvier et 9 mars 2015. Ces deux certificats d'un psychiatre, bien que rédigés à l'époque des faits, l'ont été sur la base des propres déclarations de l'intéressé et ne sont pas suffisamment probants pour remettre en cause, en l'espèce, l'appréciation portée par le psychiatre agréé. Dans ces conditions, en estimant que la pathologie du requérant ne pouvait être regardée comme imputable au service, l'administration a exactement apprécié les faits de l'espèce.

12. En dernier lieu, si M. D... soutient que la décision contestée constitue une sanction disciplinaire déguisée, ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges au point 13 du jugement attaqué.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juin 2022.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01889


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01889
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-07;21pa01889 ?
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