La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2022 | FRANCE | N°21PA01750

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 07 juin 2022, 21PA01750


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 22 janvier 2020 par laquelle le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a refusé de lui reconnaitre le transfert de ses intérêts matériels et moraux en

Polynésie française et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 250 000 F CFP au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000438 du 4 février 2021, le Tribunal administratif de la <

br>
Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 22 janvier 2020 par laquelle le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a refusé de lui reconnaitre le transfert de ses intérêts matériels et moraux en

Polynésie française et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 250 000 F CFP au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000438 du 4 février 2021, le Tribunal administratif de la

Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 avril 2021 et 19 novembre 2021,

Mme A... B..., représentée par Me Mestre, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du

4 février 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 22 janvier 2020 du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse refusant de lui reconnaitre le transfert de ses intérêts matériels et moraux en

Polynésie française, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée comporte une motivation stéréotypée révélant un défaut d'examen par l'administration de l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis ;

- elle satisfait à la plupart des critères jurisprudentiels pour se voir reconnaitre le transfert de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie, dès lors notamment que ses parents résidaient en Polynésie avant sa naissance et y résident de nouveau, de même que d'autres membres de sa famille, que son conjoint y réside et y travaille, que leurs deux enfants y sont scolarisés, qu'elle s'y est investie dans la vie locale, qu'elle y a un compte bancaire, qu'elle y est inscrite sur les listes électorales et qu'elle et son conjoint y ont pris à bail une maison d'habitation ;

- elle n'a d'ailleurs pas bénéficié de l'indemnité d'éloignement lorsqu'elle est partie en Polynésie, ce qui révèle que l'administration, en ne lui accordant pas le bénéfice de cette indemnité, a nécessairement considéré que le centre de ses intérêts matériels et moraux se trouvait en Polynésie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la Cour de rejeter la requête.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

29 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née en 1978 en métropole à la suite d'une évacuation sanitaire de sa soeur, accompagnée de sa mère alors enceinte d'elle, a ensuite vécu à Raiatea jusqu'en 1980, puis a résidé en métropole jusqu'en 2015, et est retournée en Polynésie française pour suivre son compagnon, médecin-anesthésiste en poste au centre hospitalier de la Polynésie française. Professeure certifiée en sciences de la vie et de la terre, elle a, à compter du 1er août 2016, été mise à disposition de la Polynésie française, pour une durée de deux ans renouvelable une fois. Par lettre du 15 octobre 2019, elle a demandé que soit reconnu le transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française. Le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a rejeté sa demande par décision du 22 janvier 2020, confirmée par la décision implicite née du silence gardé sur le recours gracieux qu'elle avait formé. Elle a, dès lors, saisi le tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande d'annulation de la décision du

22 janvier 2020 mais le tribunal a rejeté cette demande par un jugement du 4 février 2021 dont elle relève appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Pour la détermination du centre des intérêts matériels et moraux d'un agent, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge, de tenir compte d'un faisceau de critères, notamment relatifs à l'acquisition de biens, à la possession de comptes bancaires ou postaux, au lieu de résidence des membres de la famille, aux attaches conservées par l'intéressé avec la métropole ou dans d'autres territoires d'outre-mer ainsi qu'à la durée et la fréquence du séjour dans le territoire d'outre-mer. La localisation du centre des intérêts matériels et moraux, qui peut varier dans le temps, doit être appréciée, dans chaque cas, à la date à laquelle l'administration, sollicitée le cas échéant par l'agent, se prononce sur la demande.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est née en métropole en 1978 du fait que sa mère, résidant alors en Polynésie, avait dû y accompagner sa sœur dans le cadre d'un transfert sanitaire, mais elle a ensuite, néanmoins, vécu ses premières années en Polynésie avec ses parents entre 1978 et 1980. Partie en métropole, elle est ensuite revenue vivre en Polynésie à la fin de l'année 2015 pour y suivre son compagnon, auquel elle est unie par un pacte civil de solidarité depuis 2004, et qui exerce depuis 2016 en tant médecin spécialisé en anesthésie-réanimation au sein du centre hospitalier de la Polynésie française. Elle justifie que leurs deux enfants y sont scolarisés, qu'elle y dispose d'un compte commun avec son conjoint à la banque de Polynésie, est inscrite sur les listes électorales dans la commune d'Arue et s'investit dans des activités associatives locales. De même, il ressort également du dossier que ses parents vivent de nouveau en Polynésie, ainsi que d'autres membres de sa famille. Elle justifie aussi avoir pris à bail un logement en Polynésie avec son compagnon. De plus, s'il est constant qu'elle a vécu en métropole de 1980 à 2015, il résulte de ce qui a été dit au point 2 que la localisation du centre des intérêts matériels et moraux peut varier dans le temps et doit être appréciée, dans chaque cas, à la date à laquelle l'administration se prononce sur la demande, soit en l'espèce le

22 janvier 2020. Or, à cette date, Mme B... résidait, depuis plus de quatre ans avec son conjoint qui y fait sa carrière et leurs enfants, en Polynésie, où vivent par ailleurs ses parents et d'autres membres de sa famille et où elle est parfaitement intégrée à la vie locale. Dès lors, alors même qu'elle ne possède pas de bien immobilier en Polynésie, ce qu'elle justifie par une difficulté à obtenir une assurance pour un emprunt immobilier en raison de problèmes de santé, et qu'il n'apparait pas qu'elle en possèderait en métropole, cette seule circonstance ne saurait faire obstacle à ce qu'il soit reconnu que le centre de ses intérêts moraux et matériels a été transféré en Polynésie. Par suite, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a, par la décision en litige, rejeté sa demande de reconnaissance de ce transfert, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Elle est par suite fondée à en demander l'annulation ainsi que celle de la décision du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse du 22 janvier 2020.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2000438 du tribunal administratif de la Polynésie française du

4 février 2021 et la décision du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse du

22 janvier 2020 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au Haut commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juin 2022.

La rapporteure,

M-I. C...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01750


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01750
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : MESTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-06-07;21pa01750 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award