Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... Baron a saisi le Tribunal administratif de B... de deux demandes tendant à titre principal respectivement à l'annulation de la décision du 25 janvier 2019 par laquelle la ville de B... l'a suspendu de ses fonctions et à l'annulation de la décision du 14 octobre 2019 par laquelle la ville de B... lui a infligé la sanction disciplinaire de la révocation à compter du
15 novembre 2019.
Par un jugement n°s 1905606/2-1, 1927620/2-1 du 15 décembre 2020, le Tribunal administratif de B... a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 février 2021, M. Baron, représenté par Me Sautereau, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2020 du Tribunal administratif de B... ;
2°) d'annuler les décisions mentionnées ci-dessus des 25 janvier 2019 et
14 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre à la ville de B..., à titre principal, de le réintégrer dans ses fonctions avec effet rétroactif et reconstitution des droits sociaux et de rémunération, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de la ville de B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de suspension est entachée d'erreur d'appréciation ;
- cette décision viole le droit au secret des correspondances et au respect de la vie privée ;
- la décision de révocation est entachée d'illégalité externe du fait de la composition irrégulière du conseil de discipline et du fait du manqué d'impartialité du président de ce conseil ;
- cette décision est entachée d'erreur de faits et d'erreur dans la qualification juridique des faits ;
- cette décision viole le droit au secret des correspondances et au respect de la vie privée ;
- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation dans le choix de la sanction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2021, la ville de B..., représentée par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. Baron au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. Baron sont infondés.
Par une ordonnance du 11 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
11 avril 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°94-415 du 24 mai 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,
- les observations de Me Sautereau pour M. Baron ;
- et les observations de Me Safatian pour la ville de B....
Considérant ce qui suit :
1. M. Baron, adjoint d'accueil, de surveillance et de magasinage de 1ère classe, était affecté au bureau des bibliothèques et de la lecture de la direction des affaires culturelles de la mairie de B.... A la suite de la réception d'un colis volumineux comportant des armes à feu sur son lieu de travail, il a été suspendu de ses fonctions dans l'intérêt du service par arrêté du 25 janvier 2019 avec maintien de sa rémunération. Une procédure disciplinaire a été engagée à son encontre, la séance du 9 juillet 2019 ayant été reportée faute de quorum, le conseil de discipline s'est réuni le 17 septembre 2019. En l'absence de majorité favorable aux sanctions proposées ou à l'absence de sanction, la maire de B... a pris à son encontre la sanction disciplinaire de la révocation par arrêté du 14 octobre 2019. M. F... Baron a saisi le Tribunal administratif de B... de deux demandes tendant à titre principal à l'annulation des décisions susvisées du 25 janvier 2019 et du 14 octobre 2019. Par un jugement du 15 décembre 2020, le Tribunal administratif de B... a rejeté ses demandes. M. Baron relève appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 janvier 2019 :
2. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. (...) Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. ". La mesure provisoire de suspension ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire. Elle est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave.
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. Baron s'est fait livrer sur son lieu de travail à B... un colis volumineux, dont les services de police ont constaté qu'il contenait des armes à feu en pièces détachées et dont le bordereau de livraison versé par M. Baron indique qu'il contenait un fusil semi-automatique et une carabine. La livraison d'armes à feu soumises à autorisation dans le cadre professionnel autorisait l'administration, eu égard à son caractère de gravité, à prononcer à l'encontre de M. Baron une mesure de suspension temporaire de fonctions sans qu'il puisse utilement faire valoir qu'il s'agit d'armes destinées au tir sportif achetées en toute légalité, et que le choix du lieu de livraison résulterait d'une simple erreur de copier/coller sur le bordereau de livraison. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit donc être écarté.
4. En second lieu, M. Baron soutient que la ville de B... a violé le secret des correspondances et son droit au respect de sa vie privée. Toutefois, en l'absence de mention " personnel " figurant sur le colis, le fait que ce dernier n'ait pas été déposé sur son bureau, mais placé dans un lieu fermé à clef, n'est pas de nature à caractériser un détournement de correspondance privée. Par ailleurs, seuls les services de police sont intervenus à la demande de la mairie de B... pour procéder à l'ouverture du colis dont le caractère particulièrement volumineux avait alerté les services de la ville de B.... Dès lors, M. Baron n'est pas fondé à soutenir que cette dernière a violé le secret des correspondances et son droit au respect de sa vie privée.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. Baron n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du
25 janvier 2019.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 14 octobre 2019 :
Sur la légalité externe :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 90 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable au litige : " La parité numérique entre représentants des collectivités territoriales et représentants du personnel doit être assurée au sein de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire, au besoin par tirage au sort des représentants des collectivités territoriales au sein de la commission lorsqu'un ou plusieurs fonctionnaires de grade inférieur à celui du fonctionnaire poursuivi ne peut ou ne peuvent siéger (...) Si le quorum n'est pas atteint lors de la première réunion, le conseil de discipline, après une nouvelle convocation, délibère valablement quel que soit le nombre des présents. " Aux termes de l'article 31 de la même loi : " Les commissions administratives paritaires sont présidées par l'autorité territoriale ". Aux termes de l'article 9 du décret n°94-415 du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes : " Pour l'application de l'article 31 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, l'alinéa 2 de cet article est rédigé comme suit : " Lorsqu'elles siègent en tant que conseil de discipline, les commissions administratives paritaires sont présidées par un représentant de l'administration parisienne concernée. " ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline du 17 septembre 2019 a été réuni à la suite de l'ajournement du conseil de discipline prévu le 9 juillet 2019 qui n'a pu se dérouler faute d'avoir atteint le quorum requis. Ainsi, ce nouveau conseil de discipline pouvait valablement délibérer quel que soit le nombre des présents conformément aux dispositions de l'article 90 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 citée ci-dessus. La circonstance qu'étaient présents pour l'administration, outre M. D... E... en sa qualité de président du conseil de discipline, le responsable de la section culture et animation du bureau des carrières spécialisées de la direction des ressources humaines et l'adjoint au chef du service des ressources humaines de la direction des affaires culturelles, en qualité de conseils de l'administration, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'ils n'ont pas pris part au délibéré au cours duquel, selon le procès-verbal, deux voix ont seulement été exprimées, celle de M. E... représentant l'administration et celle de M. C..., représentant le personnel. En outre, la présence du chef du bureau des bibliothèques et de la lecture et de son adjointe, appelés par l'administration en qualité de témoins, et de deux secrétaires de séance, appartenant à l'administration, ne constitue pas une rupture de la parité de l'instance disciplinaire dès lors qu'ils ont seulement assisté à la séance sans prendre part au délibéré. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure du fait de la composition irrégulière du conseil de discipline doit être écarté.
8. En second lieu, si M. Baron soutient que le président du conseil de discipline a manqué à son obligation d'impartialité, ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 11 du jugement attaqué.
Sur la légalité interne :
9. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction applicable conformément à l'article 14 du décret du 24 mai 1994 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : / (...) / la révocation. ".
10. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
11. En premier lieu, M. Baron conteste la matérialité des faits et leur caractère fautif. Toutefois, d'une part, il a fait preuve depuis plusieurs années d'un comportement agressif vis-à-vis de sa hiérarchie et de ses collègues. Ces manquements ont été retranscrits de façon circonstanciée par le tribunal au point 14 du jugement attaqué et M. Baron ne produit aucun élément probant pour les infirmer. Par ailleurs, la livraison d'armes à feu sur le lieu de travail était constitutive d'une faute grave, nonobstant la circonstance qu'il s'agisse d'armes destinées au tir sportif achetées en toute légalité, et que le choix du lieu de livraison résulterait d'une simple erreur de copier/ coller sur le bordereau de livraison. M. Baron n'est donc pas fondé à soutenir qu'il n'a pas commis de fautes disciplinaires.
12. En deuxième lieu, si M. Baron soutient que la ville de B... a violé le secret des correspondances et son droit au respect de sa vie privée, ce motif doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus.
13. En dernier lieu, si M. Baron soutient que la sanction de la révocation est disproportionnée, il résulte de ce qui précède que la révocation prise à son encontre a été motivée par l'attitude du requérant qui a manifesté de façon répétée et continue un non-respect de sa hiérarchie, un comportement irrespectueux et agressif envers ses collègues de nature à installer un climat anxiogène insécurisant pour ses collègues de travail et par la dangerosité intrinsèque de l'introduction d'armes à feu de catégorie C dans un environnement professionnel, justifiant l'intervention des forces de police, la perquisition de son domicile, sa mise en garde à vue et son placement sous contrôle judiciaire. La gravité et le caractère répété des faits reprochés à
M. Baron constituent des manquements à ses obligations professionnelles de nature à justifier la sanction disciplinaire de la révocation prise à son encontre, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges. Ce moyen doit donc également être écarté et les conclusions à fin d'annulation de la décision du 14 octobre 2019 rejetées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. Baron n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de B... a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
15. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par la ville de B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Baron est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la ville de B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... Baron et à la ville de B....
Délibéré après l'audience du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mai 2022.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
K. PETIT
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de B... en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA00765