Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
31 mars 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2109856/1 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire et des mémoires, enregistrés les 26 août 2021, le 7 mars et le 29 mars 2022, M. C... B..., représenté par Me Bataille, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 juillet 2021 du tribunal administration de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 31 mars 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sans délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur le refus de titre de séjour :
- il est insuffisamment motivé ;
- il n'a pas été procédé à un examen personnalisé de sa situation :
- il est entaché d'une erreur de fait en ce que sa demande était une première demande et non un renouvellement ;
- il méconnait les dispositions de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public ;
- il méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre sur lequel elle se fonde ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre sur lequel elle se fonde ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Portes, rapporteure,
- et les observations de Me Degroote représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B... ressortissant bangladais né le 12 mai 1992, est entré en France le 20 octobre 2010 selon ses déclarations. Le 20 décembre 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 31 mars 2021, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 15 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. D'une part, les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement un refus de titre de séjour et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour refuser un titre de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une condamnation, le 1er décembre 2015 par le tribunal correctionnel de Paris à trois mois d'emprisonnement avec sursis pour atteinte sexuelle de majeur sur une mineure de quinze ans. Toutefois, d'une part, cette condamnation est ancienne au regard de la décision en litige, et isolée. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que la procédure judiciaire engagée à son encontre faisait suite non pas à une plainte de la jeune fille qu'il fréquentait ou de ses parents, sous le toit desquels il vivait, mais à un signalement du médecin constatant l'état de grossesse de la jeune fille. De plus, et ainsi que le mentionne le tribunal correctionnel de Paris aux termes de son jugement, l'intéressé ne présente aucune pathologie ni dangerosité. Le tribunal correctionnel relève également que l'acte était consenti et qu'il avait été commis par méconnaissance. M. B... ne peut donc être regardé comme constituant une menace à l'ordre public.
5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations tant de la compagne du requérant que du père de celle-ci, de l'avis favorable du 18 février 2021 de la commission du titre de séjour, et des attestations de mariage et de grossesse avec sa compagne qui bien que postérieures à la date de l'arrêté en litige confirment la communauté de vie entre les intéressés, que M. B... entretient une relation stable et durable depuis 2015 avec une ressortissante française. En outre, il est constant que M. B... est entré en France en 2010 et qu'il justifie de dix ans de présence sur le territoire à la date de la décision attaquée. De plus, il justifie d'un emploi depuis l'année 2016, et au sein de la même société depuis le 1er juillet 2017, en qualité d'employé polyvalent de cuisine sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, emploi qui lui procure des revenus équivalents au SMIC. Son employeur, qui souligne ses qualités professionnelles et son évolution au sein de la société, le soutient dans ses démarches administratives. Par ailleurs, l'intéressé, à jour de ses cotisations fiscales, maîtrise parfaitement le français, ainsi qu'il en ressort de l'avis de la commission du titre de séjour en date du
18 février 2021, lequel avis est favorable à son admission au séjour. Dès lors, l'intéressé justifie de son intégration dans la société française. Ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, M. B... est fondé à soutenir, dans les circonstances particulières de l'espèce, que le préfet de police, en lui refusant le titre de séjour sollicité, a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'ensuit que la décision du préfet de police du 31 mars 2021 refusant à M. B... un titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lesquelles sont dépourvues de base légale.
6. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
8. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 5, l'exécution du présent arrêt implique, sous réserve d'un changement de circonstances de droit et de fait à la date de la nouvelle décision du préfet de police, que soit délivré à M. B... un titre de séjour mention
" vie privée et familiale ". Il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de police de délivrer le titre de séjour sollicité par l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2109856/1 du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 31 mars 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer un titre de séjour portant la mention
" vie privée et familiale " à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. B..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente,
- Mme Briançon, présidente-assesseure,
- Mme Portes, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2022.
La rapporteure,
C. PORTES
La présidente,
M. A... La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04638 2