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12/05/2022 | FRANCE | N°21PA03760

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 12 mai 2022, 21PA03760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée sous le n°1915759/5-1, la société Les nouvelles éditions de l'université a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le marché public passé par l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) avec la société Hachette et relatif à l'attribution d'un accord-cadre à bons de commande pour la conception, rédaction, impression, distribution et fourniture d'une collection de guides touristiques.

Par un jugement n° 1915759/5-1 du 6 mai 2021

, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée sous le n°1915759/5-1, la société Les nouvelles éditions de l'université a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler le marché public passé par l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) avec la société Hachette et relatif à l'attribution d'un accord-cadre à bons de commande pour la conception, rédaction, impression, distribution et fourniture d'une collection de guides touristiques.

Par un jugement n° 1915759/5-1 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre.

Par une requête, enregistrée sous le n° 1922859/5-1, la société Les nouvelles éditions de l'université a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'ANPP à lui verser la somme de 108 000 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2019 et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n°1922859/5-1 du 28 mai 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 21PA03760 le 6 juillet 2021 et le 14 février 2022, la société Les nouvelles éditions de l'université, représentée par Me Crapart, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1915759/5-1 du 6 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre ;

2°) d'annuler le marché public de l'ANPP relatif à l'attribution d'un accord-cadre à bons de commande pour la conception, rédaction, impression, distribution et fourniture d'une collection de guides touristiques ou, à défaut de résilier ce marché, ou, à titre infiniment subsidiaire, d'annuler la clause de l'article 1er du cahier des clauses particulières du marché aux termes de laquelle " Les Territoires de projet ainsi sélectionnés signeront à leur tour une convention pour ériger l'ANPP en centrale d'achats, et un avenant au présent marché public sera signé. " ;

3°) de mettre à la charge de l'ANPP le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité en se déclarant à tort incompétent alors que l'ANPP a passé le marché en cause en qualité de centrale d'achat pour le compte des personnes publiques adhérentes ;

- la procédure de passation du marché est entachée de méconnaissance des principes d'impartialité et d'égalité de traitement des candidats dès lors que la société Hachette avait déjà été choisie avant le lancement de cette procédure et eu égard à la composition de la commission chargée de l'examen des candidatures ;

- l'imprécision des documents de consultation révèle une insuffisante détermination des

besoins de l'ANPP eu égard notamment au périmètre géographique que l'ANPP s'est réservé le pouvoir de modifier ;

- en s'abstenant d'indiquer une estimation de la valeur totale maximale de ses besoins pour la durée de l'accord cadre, l'ANPP a manqué à ses obligations de publicité et de transparence ;

- en s'abstenant de préciser les exigences minimales attendues pour les variantes, l'ANPP

a privé la société Le Petit Futé de la possibilité de présenter une variante optimisée, répondant aux attentes de l'ANPP et susceptible alors d'être retenue comme économiquement la plus avantageuse ;

- l'analyse des offres est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le

critère " valeur technique " ;

- l'ANPP s'est fondée, pour l'examen du critère " valeur technique ", sur des éléments non annoncés et sans rapport avec ce critère ;

- elle s'est en outre écartée des principes définis dans le

règlement de consultation pour l'examen de ce critère ;

- les irrégularités affectant la procédure ont directement influé sur le choix de la société

Hachette.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2022, l'ANPP, représenté par Me Mariller, conclut au rejet de la requête et demande à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Les nouvelles éditions de l'université en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ANPP n'est pas une association transparente ;

- elle n'était pas titulaire d'un mandat consenti par ses adhérents.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juillet 2021 et le 14 février 2022 sous le n°21PA03761, la société Les nouvelles éditions de l'université, représentée par Me Crapart, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1922859/5-1 du 28 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre ;

2°) de condamner l'ANPP à lui verser la somme de 117 835, 86 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction irrégulière, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2019 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'ANPP le versement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Les nouvelles éditions de l'université reprend les moyens développés dans sa requête n°21PA03760 et ajoute qu'elle a été privée d'un bénéfice net d'un montant de 108 000 euros qui est la conséquence directe de son éviction irrégulière ainsi que de la somme de

9 835, 86 euros, correspondant aux frais engagés pour la présentation de son dossier de candidature et pour la préparation de son recours.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2022, la société Hachette Livre SA, représentée par Me Le Foyer de Costil, conclut au rejet de la requête et demande à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Les nouvelles éditions de l'université au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'accord-cadre conclu est un contrat de droit privé dès lors qu'il a été passé par deux personnes privées ;

- l'ANPP n'est pas une association transparente ;

- elle n'a pas la qualité de centrale d'achat ;

- la procédure de passation du marché n'est entachée d'aucun manquement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2022, l'ANPP, représentée par

Me Mariller, conclut au rejet de la requête et demande à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Les nouvelles édictions de l'université au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la juridiction administrative n'est pas compétente et reprend ses moyens développés dans le cadre de l'instance n°21PA03760.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

- et les observations de Me Crapart, représentant la société Les nouvelles éditions de l'université, et de Me Mariller, représentant l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP).

Considérant ce qui suit :

1. L'association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) a lancé le 18 mars 2019 une procédure d'appel d'offres ouvert, en vue de la passation d'un marché public à bons de commandes portant sur la conception, rédaction, impression, distribution et fourniture d'une collection de guides touristiques. La société Les nouvelles éditions de l'université a soumissionné à ce marché et a été informée le 7 mai 2019 que son offre n'était pas retenue au motif qu'elle n'était pas la plus économiquement avantageuse, et que le marché était attribué à la société Hachette livre. La société Les nouvelles éditions de l'université a demandé, en sa qualité de concurrent évincé, au tribunal administratif de Paris d'annuler ce marché et de condamner l'ANPP à lui verser la somme de 117 835,86 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière. La requérante fait appel des jugements

n° 1915759/5-1 du 6 mai 2021 et n°1922859/5-1 du 28 mai 2021 par lesquels le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les n°s 21PA03760 et 21PA03761 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, par suite, de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. Sauf si la loi en dispose autrement, les contrats conclus entre personnes privées sont des contrats de droit privé, hormis le cas où l'une des parties agit pour le compte d'une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l'accessoire d'un contrat de droit public.

4. En l'espèce, le contrat en cause est un accord-cadre à bons de commande conclu entre l'ANPP, association régie par la loi du 1er juillet 1901 et la société Hachette livre, société anonyme. L'ANPP regroupe un certain nombre de personnes morales et notamment plusieurs collectivités locales, dont des Territoires de projet, qui ont adhéré à l'association par la signature d'une charte d'adhésion. Il ressort de l'article 1er du cahier des clauses particulières (CCP) et de l'avis publié que, contrairement à ce que soutient la société Hachette, l'ANPP a conclu l'accord-cadre litigieux en qualité de centrale d'achat. En outre, il ressort également de l'article 1er du CCP que les adhérents souhaitant bénéficier de l'édition d'un guide touristique sont tenus, après avoir été sélectionnés, et outre leur adhésion classique à l'ANPP, de consentir à une adhésion supplémentaire à la centrale d'achat érigée par l'ANPP. Dans ce cadre, six territoires de projet ont adhéré à cette centrale d'achat par conventions du 28 février 2019. Or, la convention d'adhésion à la centrale d'achat passée entre l'ANPP et la communauté de communes du Barséquanais en Champagne, produite en réponse à la demande de la Cour de produire les conventions en cause, dont il n'est pas allégué qu'elle n'aurait pas été rédigée selon le même modèle que les cinq autres conventions, qualifie l'ANPP d'intermédiaire et précise qu'elle passera des marchés publics " pour le compte des acheteurs " et pour répondre à leurs besoins en termes de fournitures et services ayant pour objet la promotion de leur territoire. Il résulte ainsi de l'instruction que l'ANPP a conclu le contrat litigieux pour répondre aux besoins de ceux de ses adhérents, personnes morales de droit public, qui l'ont érigée en centrale d'achat et exécuteront ensuite cet accord-cadre en émettant des bons de commande, dans le cadre du service public du tourisme. Le contrat doit ainsi être regardé comme conclu pour le compte de ces personnes publiques, peu important à cet égard que l'ANPP ait ou non la qualité de mandataire. Par suite, et alors même que les deux parties contractantes sont des personnes morales de droit privé, le litige ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre administratif.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Les nouvelles éditions de l'université est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses requêtes comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Paris pour qu'il statue à nouveau sur les demandes de la société Les nouvelles éditions de l'université tendant à l'annulation du marché litigieux et à la réparation de son préjudice.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle

à ce que la somme demandée par l'ANPP au titre des frais de l'instance soit mise à la charge de la société Les nouvelles éditions de l'université, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ANPP et la société Hachette Livre la somme globale de 1 500 euros à verser à la société Les nouvelles éditions de l'université sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'ANPP et la société Hachette Livre verseront la somme globale de 1 500 euros à la société Les nouvelles éditions de l'université en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les nouvelles éditions de l'université, à l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays et à la société Hachette livre.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- Mme Portes, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2022.

La présidente-rapporteure,

M. A...La présidente-assesseure

C. BRIANÇONLa greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03760
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

17-03-02-03-01-01 COMPÉTENCE. - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION. - COMPÉTENCE DÉTERMINÉE PAR UN CRITÈRE JURISPRUDENTIEL. - CONTRATS. - CONTRATS DE DROIT PRIVÉ. - CONTRATS CONCLUS ENTRE PERSONNES PRIVÉES. - ACCORD-CADRE À BONS DE COMMANDE CONCLU ENTRE UNE ASSOCIATION RÉGIE PAR LA LOI DU 1ER JUILLET 1901 ET UNE SOCIÉTÉ ANONYME EN VUE DE L'ÉDITION DE GUIDES TOURISTIQUES. 1) CONTRAT PAR LEQUEL L'ASSOCIATION INTERVIENT POUR LE COMPTE D'UNE PERSONNE PUBLIQUE - EXISTENCE - 2) CONSÉQUENCE - CONTRAT DE DROIT PRIVÉ – ABSENCE.

17-03-02-03-01-01 L'Association nationale des pôles territoriaux et des pays (ANPP) agit en qualité de centrale d'achat pour ses adhérents, collectivités territoriales et leurs groupements, personnes morales de droit public. Les conventions qu'elle conclut avec ses adhérents précisent qu'elle passera des marchés publics pour le compte des acheteurs et pour répondre à leurs besoins en termes de fournitures et de services ayant pour objet la promotion de leur territoire, dans le cadre du service public du tourisme. L'accord-cadre passé par l'ANPP avec une société anonyme en vue de l'édition de guides touristiques doit ainsi être regardé comme conclu pour le compte de ces personnes publiques, qui l’exécuteront ensuite en émettant des bons de commande, peu important à cet égard qu'elle ait ou non la qualité de mandataire. Par suite, et alors même que les deux parties contractantes sont des personnes morales de droit privé, le litige ressortit à la compétence des juridictions de l'ordre administratif. (1).


Références :

1.

Cf sol.contr., TC, 8 juillet 2013, Société d'exploitation des énergies photovoltaïques (SEEP) c/ EDF et ERDF, n° 3906, p. 371 et TC, 11 février 2019, Société T2S c/ Société Electricité de France (EDF), n° 4148, T. p. 1173.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : MARILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-12;21pa03760 ?
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