Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française l'annulation de la décision du 15 janvier 2021 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a refusé de reconnaître le transfert de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française.
Par un jugement n° 2100037 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juin 2021 et le 10 février 2022, Mme C..., représentée par Me Guedikian, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100037 du 8 juin 2021 du tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) d'annuler la décision du 15 janvier 2021 du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le centre de ses intérêts matériels et moraux se trouve désormais en Polynésie française ;
- l'administration a méconnu la circulaire du 3 janvier 2007 relative aux conditions d'attribution des congés bonifiés ainsi que la circulaire du 1er mars 2017 relative au critère du centre des intérêts matériels et moraux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2022, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme C... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 96-1026 du 26 novembre 1996 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., professeur des lycées professionnels en économie et gestion, titularisée le 1er septembre 2000, a été mise à disposition de la Polynésie française, à compter du 1er août 2016, pour une durée de deux ans, renouvelée une fois, et affectée au sein du lycée professionnel d'Uturoa, à Raiatea. A l'issue de sa mise à disposition, Mme C..., alors affectée au sein du lycée professionnel Aristide Briand à Orange (département du Vaucluse), a été placée en disponibilité pour suivre son conjoint, entre le 1er septembre 2020 et le 31 août 2021. Par un courrier daté du 13 octobre 2020, elle a sollicité la reconnaissance du transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française. Par une décision du 15 janvier 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a rejeté sa demande. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 96-1026 du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'Etat et de certains magistrats dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna : " Le présent décret est applicable [...] aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat, ainsi qu'aux magistrats de l'ordre judiciaire affectés dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle Calédonie, de Polynésie française et de Wallis et Futuna, qui sont en position d'activité ou détachés auprès d'une administration ou d'un établissement public de l'Etat dans un emploi conduisant à pension civile ou militaire de retraite. Il ne s'applique ni aux personnels dont le centre des intérêts matériels et moraux se situe dans le territoire où ils exercent leurs fonctions ni aux membres des corps de l'Etat pour l'administration de la Polynésie française ni aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " La durée de l'affectation dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna est limitée à deux ans. / Cette affectation peut être renouvelée une seule fois à l'issue de la première affectation. / Une affectation dans l'un des territoires d'outre-mer énumérés au premier alinéa du présent article ne peut être sollicitée qu'à l'issue d'une affectation d'une durée minimale de deux ans hors de ces territoires ou de Mayotte. Toutefois, cette période de deux ans peut être accomplie dans un territoire d'outre-mer distinct du territoire d'affectation ou à Mayotte, si le centre des intérêts moraux et matériels de l'agent se situe dans l'un de ces territoires ou dans cette collectivité ".
3. Il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge, de tenir compte, notamment, non seulement de l'acquisition de biens, de la possession de comptes bancaires et de la résidence de la famille du requérant mais aussi de la durée du séjour en métropole ou à l'étranger pour déterminer le centre des intérêts matériels et moraux du fonctionnaire.
4. Mme C... soutient qu'elle réside depuis 2016 en Polynésie française, que son époux exerce en Polynésie française, outre une activité de chef d'entreprise dans le bâtiment, une activité de gestion d'une pension de famille à Tahaa, à raison de laquelle il a fait l'acquisition, en 2019, d'un fonds de commerce, et dans le cadre de laquelle il emploie deux personnes à temps partiel, en qualité d'" extra ", qu'il a déclaré ces deux activités au greffe du tribunal mixte de commerce de Papeete et qu'il s'acquitte des obligations fiscales en découlant, que leurs deux enfants, nés respectivement en 1995 et en 2003, poursuivent leurs études en Polynésie française - la cadette étant également inscrite au sein du pôle " espoirs " de windsurf, à Raiatea -, qu'un de ses frères réside en Polynésie française, depuis 2016, aux côtés de sa famille, qu'un mandat de vente a été confié à une agence immobilière aux fins de vendre leur maison détenue à Sérignan-du-Comtat (département du Vaucluse), qu'elle est inscrite sur les listes électorales de la commune de Tapuamu, et que ses comptes en banque sont situés en Polynésie française. Par ailleurs, la requérante, qui fait état de son attachement à la Polynésie française, où elle soutient que son père avait été affectée lorsqu'il exerçait en tant que légionnaire, se prévaut d'attestations rédigées par la maire de la commune de Tahaa et par le représentant-maire de la commune de Teputapuatea, soutenant sa demande. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme C..., qui ne résidait que depuis cinq ans en Polynésie française à la date de la décision attaquée, a vécu jusqu'à l'âge de 47 ans en métropole. Par ailleurs, la requérante, qui a exercé entre 2000 et 2016 en qualité de professeur de lycée professionnel au sein de l'académie d'Aix-Marseille, n'est pas dépourvue d'attaches familiales en métropole, où réside sa mère. Enfin, elle possédait, à la date de la décision attaquée, deux biens immobiliers en métropole. Dans ces circonstances, et en dépit des liens tissés récemment en Polynésie française, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a estimé, par la décision attaquée, qu'elle n'avait pas transféré le centre de ses intérêts matériels et moraux en Polynésie française.
5. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de la circulaire du 3 janvier 2007 relative aux conditions d'attribution des congés bonifiés aux agents des trois fonctions publiques ainsi que de la circulaire du 1er mars 2017 relative au critère du centre des intérêts matériels et moraux, lesquelles sont dépourvues de valeur réglementaire, doivent être écartés.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Délibéré après l'audience du 21 avril 2022, où siégeaient :
- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2022.
Le rapporteur,
K. B...La présidente,
C. VRIGNON-VILLALBA
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA03482 2