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12/05/2022 | FRANCE | N°21PA01696

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 12 mai 2022, 21PA01696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le préfet de la

Seine-Saint-Denis a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2013841 du 3 mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil l'a admise au bénéfice de l'aide juridictio

nnelle à titre provisoire et, en son article 2, a rejeté sa demande.

Procédure devant la Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2020 par lequel le préfet de la

Seine-Saint-Denis a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2013841 du 3 mars 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil l'a admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et, en son article 2, a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2021, Mme C..., représentée par Me Walther, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 2013841 du 3 mars 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 16 novembre 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les dispositions alors codifiées à l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, à hauteur de 55 %, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 5 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante albanaise née le 2 novembre 1986, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 16 novembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel de l'article 2 du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation [...] doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision attaquée, après avoir visé, notamment, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier son article L. 511-1 et son livre VII relatif au droit d'asile, relève que " la demande d'asile présentée par Mme C... a fait l'objet d'une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en application du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en date du 10 avril 2020, notifiée le 24 juin 2020 ". Elle ajoute que, " en application des dispositions de l'article L. 743-2-7° de ce même code, le droit au maintien sur le territoire français de Mme C... a pris fin le 24 juin 2020 " et que " le recours introduit par l'intéressée le 31 août 2020 devant la Cour nationale du droit d'asile ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de ces dispositions ". Par ailleurs, elle mentionne que " Mme C... a été invitée à indiquer si elle estimait pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre que l'asile, à déposer sa demande dans un délai de deux mois ou, si sa demande se fonde sur les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de trois mois conformément aux dispositions des articles L. 311-6 et D. 311-3-2 du même code ", et que " toutefois, Mme C... n'a pas déposé de demande de titre de séjour dans le délai qui lui était imparti ". La décision contestée indique enfin que " l'intéressée ne justifie pas, en France, d'une situation personnelle et familiale à laquelle la présente décision porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi " et qu'elle " n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou tout autre pays dans où elle est effectivement admissible ". Ainsi, cette décision comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est donc suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre [...] ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour ".

5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

6. En l'espèce, Mme C... soutient qu'elle a cherché, avant l'édiction de l'arrêté attaqué, à faire état, auprès des services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, de la pathologie dont elle souffre et à présenter une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Si elle produit, au soutien de ses allégations, des captures d'écran du site internet de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, faisant apparaître le nom de son avocate ainsi que la mention " demande de titre de séjour pour raison médicale ", ces captures d'écran ne comportent pas son nom. Par ailleurs, Mme C... ne conteste pas la circonstance que, ainsi que l'indique l'arrêté contesté, les services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis l'ont invitée à " indiquer si elle estimait pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre que l'asile, et dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai de deux mois, ou, si sa demande se fonde sur les dispositions de l'article L. 313-11 11, dans un délai de trois mois ". Ainsi, Mme C... n'établit pas que la décision attaquée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu, tel qu'il est énoncé notamment au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ou les dispositions alors codifiées à l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des motifs de l'arrêté attaqué, cités au point 3, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de Mme C.... A cet égard, la circonstance que l'arrêté contesté ne mentionne pas l'état de santé de Mme C... ne saurait établir un tel défaut d'examen, dès lors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, elle n'établit pas avoir informé les services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, avant le prononcé de l'arrêté contesté, de la pathologie dont elle souffre. La circonstance que l'arrêté attaqué, qui relève que " l'intéressé ne justifie pas, en France, d'une situation personnelle et familiale à laquelle la présente décision porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ", sans mentionner, dans le détail, les éléments de cette situation familiale, à savoir notamment, la présence en France de son époux ainsi que de son fils ne saurait davantage établir un tel défaut d'examen. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : [...] / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié [...] ".

9. Si Mme C... soutient qu'elle souffre d'un cancer, elle n'établit pas qu'elle ne pourrait pas effectivement bénéficier, dans son pays d'origine, d'un traitement adapté à son état de santé, en se bornant à produire, outre des convocations à des rendez-vous au sein d'un établissement hospitalier ainsi que des comptes rendus d'imagerie médicale, un certificat médical du 17 décembre 2020 décrivant seulement l'affection dont elle est atteinte et les soins qui lui sont prodigués. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions alors codifiées au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En cinquième lieu, Mme C... se prévaut, outre de son état de santé, de la présence en France de son époux et de son fils, né en février 2017, et scolarisé en école maternelle. Toutefois, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et alors que son époux est également en situation irrégulière et que Mme C..., entrée en France en septembre 2019, à l'âge de 33 ans, n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. Enfin, Mme C... n'établissant pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entaché d'une illégalité, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 21 avril 2022, où siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2022.

Le rapporteur,

K. B...La présidente,

C. VRIGNON-VILLALBA

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01696 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01696
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : WALTHER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-12;21pa01696 ?
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