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10/05/2022 | FRANCE | N°21PA02402

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 mai 2022, 21PA02402


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2020 par lequel le préfet de Seine-et-Marne, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par une ordonnance du 22 octobre 2020, le vice-président du Tribunal administratif de Melun a transmis au Tribunal administratif de Montreuil le dossier de la requête de M. A....

Par un jugement n° 2011523 du 30 décembre 2020, le Tribunal administratif d

e Montreuil a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2020 par lequel le préfet de Seine-et-Marne, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par une ordonnance du 22 octobre 2020, le vice-président du Tribunal administratif de Melun a transmis au Tribunal administratif de Montreuil le dossier de la requête de M. A....

Par un jugement n° 2011523 du 30 décembre 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2021, M. A..., représenté par Me Mechri, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2011523 du 30 décembre 2020 du Tribunal administratif de Montreuil.

2°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2020 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre à toute autorité compétente de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sur le principe du droit d'être entendu ;

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 19 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Mechri, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien, né le 16 novembre 1985, a déclaré être entré sur le territoire français en 2015. Par un arrêté du 12 octobre 2020, pris à la suite d'une interpellation de l'intéressé, le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. M. A... a contesté cet arrêté et interjette appel du jugement n° 2011523 du 30 décembre 2020, par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre [...] ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. [...] ".

3. Le droit d'être entendu relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Le droit d'être entendu ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

4. M. A... soutient n'avoir pu présenter ses observations préalablement à la décision portant obligation de quitter le territoire français contestée. Toutefois, il ressort des pièces du dossier d'appel que M. A... a été entendu par les services de police le 12 octobre 2020, préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté. D'une part, le procès-verbal d'audition, signé par lui sans réserve, notifié le 12 octobre 2020 à 12h10, précise que l'intéressé a été entendu sur sa situation familiale et ses moyens d'existence en France, sur la régularité de sa situation administrative, sur son pays d'origine et sur son entrée sur le territoire français. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de s'exprimer avant que ne soit prise la mesure d'éloignement. Enfin, il a répondu en français aux questions qui lui ont été posées et il a pu s'expliquer sur sa situation administrative en France. Il a ainsi disposé de la faculté, alors qu'il ne pouvait sérieusement ignorer qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, de présenter, lors de cet entretien, toutes les observations qu'il estimait utiles pour dissuader le préfet de la prendre. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise les dispositions applicables, et indique que M. A... n'a pas été en mesure de présenter son passeport lors de son interpellation par les services de gendarmerie et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. L'arrêté précise également que M. A... ne peut justifier être entré régulièrement en France, qu'il n'est pas en possession de documents d'identité et de voyage en cours de validité, qu'il ne présente pas de garantie de représentation suffisantes et qu'il travaille en méconnaissance du code du travail. Enfin, le préfet de la Seine-et-Marne a relevé que la mesure prise ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... et qu'il n'établit pas être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de renvoi au Mali. Par suite, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui le fondent, et est suffisamment motivé.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Seine-et-Marne n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation de l'intéressé, ni qu'il aurait entaché l'arrêté en litige d'une erreur de fait.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".

8. D'une part, M. A... soutient vivre en France depuis 2015 où il est resté avec sa mère jusqu'à son décès en juin 2020 et où séjourne ses sœurs. Toutefois, le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des liens qu'il entretient avec ses sœurs de nationalité française alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 30 ans. D'autre part, M. A... soutient vivre avec une compatriote avec laquelle il est marié religieusement et qui attend un enfant qu'il a reconnu à la date de l'arrêté attaqué. Toutefois, il est constant que l'enfant du requérant n'était pas né à la date de l'arrêté attaqué. Si M. A... soutient être marié avec une compatriote bénéficiant d'une carte de résident, ils n'étaient pas mariés civilement et les éléments produits ne permettent d'établir ni la réalité de leur mariage religieux, ni la réalité et la durée de leur vie commune alors qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant vivait avec sa mère en juin 2020. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation

9. En cinquième lieu, aucun enfant n'étant né, à la date de la décision attaquée, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant est inopérant.

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'obligation de quitter le territoire doivent être rejetées.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 10, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points ci-dessus s'agissant de l'obligation de quitter le territoire, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision fixant le pays de destination sur la situation personnelle du requérant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mai 2022.

La rapporteure,

E. B...Le président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA02402 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02402
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : MECHRI

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-10;21pa02402 ?
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