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10/05/2022 | FRANCE | N°21PA00721

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 mai 2022, 21PA00721


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 par lequel le maire de D... et le président de l'établissement public territorial de Paris Est Marne et Bois l'ont conjointement transféré au sein des effectifs de cet établissement à compter du 1er juillet 2018 et de mettre à la charge de la commune de

D... et de l'établissement public territorial de Paris-Est-Marne et Bois la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justic

e administrative.

Par un jugement n° 1807743 du 10 décembre 2020, le Tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 par lequel le maire de D... et le président de l'établissement public territorial de Paris Est Marne et Bois l'ont conjointement transféré au sein des effectifs de cet établissement à compter du 1er juillet 2018 et de mettre à la charge de la commune de

D... et de l'établissement public territorial de Paris-Est-Marne et Bois la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1807743 du 10 décembre 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2021, M. B..., représenté par

Me Bousquet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 10 décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté conjoint du maire de D... et du président de l'établissement territorial de Paris-Est-Marne et Bois du 26 juin 2018 le transférant au sein des effectifs de cet établissement à compter du 1er juillet 2018 ;

3°) de prononcer à son profit le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal a, à tort, rejeté sa demande pour irrecevabilité alors que la décision attaquée, qui modifiait sa situation administrative et avait le caractère d'une sanction déguisée, ne constituait pas une mesure d'ordre intérieur ;

- dès lors que cette affectation modifiait sa situation elle aurait dû être précédée d'une consultation de la commission administrative paritaire ;

- cette mesure a le caractère d'une sanction déguisée, destinée à l'éloigner, dès lors notamment qu'elle ne prenait effet qu'au 1er juillet 2018 alors que le transfert des services des ordures ménagères à l'établissement public territorial avait eu lieu dès le 1er janvier 2017.

Par mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2021, l'établissement public territorial de Paris-Est-Marne et Bois et la commune de D..., représentés par Me Drai, demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête de M. B... ;

2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros à verser à l'établissement territorial de Paris Est Marne et Bois et une même somme à verser à la commune de D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le moyen tiré de la volonté de le sanctionner est inopérant à l'encontre de l'arrêté attaqué ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,

- et les observations de Me Douarin substituant Me Drai pour l'établissement public territorial de Paris-Est-Marne et Bois et la commune de D....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a été recruté par la commune de D... en 1998 puis titularisé dans le cadre d'emplois des agents de maîtrise le 1er mai 2000. Affecté en 2008 à un poste de responsable de la propreté urbaine du secteur de l'hôtel de Ville, il a fait l'objet d'une suspension à titre conservatoire à la suite d'une violente altercation survenue le 20 septembre 2015, en-dehors du service et pour des raisons familiales, avec un adjoint au maire qui était son neveu. Le conseil de discipline ayant émis un avis défavorable à toute sanction en raison notamment du caractère extérieur au service des faits, M. B... a été réintégré à compter du 1er octobre, et affecté à un poste d'ambassadeur de tri. Par une requête enregistrée le 17 novembre 2017, il a contesté la légalité de la décision prononçant cette affectation mais cette demande a fait l'objet d'une ordonnance de désistement d'office en date du 29 novembre 2018 du tribunal administratif de Melun. Entretemps, par arrêté du 11 janvier 2018, il a été affecté sur un poste de responsable des ambassadeurs du tri, à compter du 1er octobre 2017. Ensuite, par arrêté conjoint du maire de D... et du président de l'établissement territorial de Paris-Est-Marne et Bois du 26 juin 2018, le requérant a été transféré dans les services de cet établissement public à compter du 1er juillet suivant. Il a, dès lors, saisi le tribunal administratif de Melun d'une nouvelle demande tendant à l'annulation de cet arrêté, mais le tribunal a, par jugement du 10 décembre 2020, rejeté celle-ci comme irrecevable, au motif que la décision en litige a le caractère d'une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de recours. C'est le jugement dont M. B... relève appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Ainsi que l'a à juste titre rappelé le tribunal, les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Toutefois, la décision en litige, qui a pour effet de modifier la collectivité employeuse de M. B... ne peut, de ce fait, être regardée comme une simple mesure d'ordre d'intérieur quand bien même elle ne porte pas atteinte aux droits et prérogatives que l'intéressé tient de son statut ou à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, ni n'emporte perte de responsabilités ou de rémunération. Par suite l'arrêté conjoint du maire de D... et du président de l'établissement territorial de Paris-Est-Marne et Bois du 26 juin 2018 portant transfert de

M. B... des effectifs de la commune dans ceux de cet établissement public à compter du

1er juillet suivant n'a pas le caractère d'une mesure d'ordre intérieur. Dès lors, l'appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande comme dirigée contre un acte insusceptible de recours et, par suite, il est fondé également à en demander l'annulation.

3. Il appartient à la Cour, saisie par la voie de l'évocation de se prononcer sur la demande de première instance de M. B....

4. Aux termes de l'article L. 5219-5 du code général des collectivités territoriales : " I. - L'établissement public territorial, en lieu et place de ses communs membres, exerce de plein droit les compétences en matière de : (...) 4° Gestion des déchets ménagers et assimilés ; (...) ". Aux termes de l'article L. 5211-4-1 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Le transfert de compétences d'une commune à un établissement public de coopération intercommunale entraîne le transfert du service ou de la partie de service chargé de sa mise en œuvre. Toutefois, dans le cadre d'une bonne organisation des services, une commune peut conserver tout ou partie du service concerné par le transfert de compétences, à raison du caractère partiel de ce dernier. /Les fonctionnaires territoriaux et agents territoriaux non titulaires qui remplissent en totalité leurs fonctions dans un service ou une partie de service transféré en application de l'alinéa précédent sont transférés dans l'établissement public de coopération intercommunale. Ils relèvent de cet établissement dans les conditions de statut et d'emploi qui sont les leurs. /Les modalités du transfert prévu aux deux premiers alinéas du présent I font l'objet d'une décision conjointe de la commune et de l'établissement public de coopération intercommunale. Cette décision est prise après établissement d'une fiche d'impact décrivant notamment les effets du transfert sur l'organisation et les conditions de travail, ainsi que sur la rémunération et les droits acquis des fonctionnaires et des agents territoriaux non titulaires concernés. La fiche d'impact est annexée à la décision. Les accords conclus préalablement à la décision sont annexés à la décision. La décision et ses annexes sont soumises à l'avis du ou des comités techniques compétents. / Le transfert peut être proposé aux fonctionnaires territoriaux et agents territoriaux non titulaires exerçant pour partie seulement dans un service ou une partie de service transféré. En cas de refus, ils sont de plein droit et sans limitation de durée mis à disposition, à titre individuel et pour la partie de leurs fonctions relevant du service ou de la partie de service transféré, du président de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale. Ils sont placés, pour l'exercice de cette partie de leurs fonctions, sous son autorité fonctionnelle. Les modalités de cette mise à disposition sont réglées par une convention conclue entre la commune et l'établissement public de coopération intercommunale. /Les agents transférés en vertu des alinéas précédents conservent, s'ils y ont intérêt, le bénéfice du régime indemnitaire qui leur était applicable ainsi que, à titre individuel, les avantages acquis en application du troisième alinéa de l'article 111 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. (...) ".

5. Il ne ressort pas de ces dispositions, qui régissent le transfert d'agents du fait d'un transfert de compétences d'une commune à un établissement public de coopération intercommunale, que la commission administrative paritaire devrait être consultée lors d'une telle opération. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine de cette commission est inopérant.

6. M. B... soutient que l'arrêté en litige aurait le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée. Toutefois la compétence en matière de gestion des déchets ménagers et assimilés a été transférée des communes aux établissements publics territoriaux par les dispositions précitées de l'article L. 5219-5 du code général des collectivités territoriales, et il ressort des pièces du dossier que, en application de ces dispositions, l'établissement public territorial Paris-Est-Marne et Bois exerce depuis le 1er janvier 2017 les compétences en matière de gestion des déchets ménagers aux lieu et place de ses communes membres. Il ressort également du compte rendu du comité technique du 22 juin 2018 que les fonctionnaires territoriaux et agents contractuels qui exercent en totalité leurs fonctions dans un service transféré, ce qui est le cas du requérant, " sont transférés automatiquement à l'EPT. Ils relèvent alors de cet établissement dans le respect des conditions de statut et d'emploi qui sont les leurs ". De plus, ce compte-rendu contient une liste de six communes pour lesquelles cette règle implique le transfert d'agents vers l'établissement public, parmi lesquelles la commune de

D..., pour laquelle est prévu le transfert d'un agent de maitrise et d'un adjoint technique pour la compétence " gestion des déchets ménagers et assimilés", et ce à compter du 1er juillet 2018, date de prise d'effet du transfert de M. B.... De même, ce transfert d'agents de plusieurs communes vers l'établissement public territorial, pour achever de tirer les conséquences des transferts de compétence, est mentionné également dans la délibération de cet établissement public du 25 juin 2018, relative précisément à ces transferts de personnel, qui vise " la nécessité de compléter certains transferts de personnels relatifs à l'exercice de la compétence " gestion des déchets ménagers et assimilés " exercée par l'EPT depuis le 1er janvier 2017 " et qui prévoit, elle aussi, des transferts de personnels pour six communes dont deux agents pour la commune de D.... Ainsi, ce transfert du requérant s'inscrit bien dans le cadre d'un transfert plus général d'agents, concernant d'ailleurs d'autres collectivités que la commune de D..., et justifié par un transfert de compétence vers l'établissement public territorial, et non dans le cadre d'une volonté de sanction à son égard. De plus, la circonstance que son transfert a eu lieu à compter du 1er juillet 2018, et non dès le transfert de compétences à l'établissement public le 1er janvier 2017, ne permet pas davantage d'établir l'existence d'une intention répressive dès lors que cette date résulte de la délibération du 25 juin 2018 précitée, qu'elle est la même pour tous les agents concernés, et révèle ainsi seulement une mise en œuvre progressive du transfert de compétences entre collectivités. Par ailleurs il ressort de l'article 1er de l'arrêté attaqué que M. B... a été transféré à l'établissement public territorial " dans les conditions de statut et d'emploi qui sont les siennes ", tandis que l'article 3 du même arrêté prévoit qu'il conservera " s'il y a intérêt, le bénéfice - du régime indemnitaire qui lui était applicable dans son service d'origine - des avantages acquis en application du 3ème alinéa de l'article 111 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ". De plus, l'existence d'une éventuelle perte de responsabilité à l'occasion d'un transfert ne peut être appréciée que par rapport au dernier poste occupé et non par comparaison avec des postes antérieurs. Ainsi, M. B..., qui n'établit ni n'allègue que l'arrêté litigieux entrainerait une perte de responsabilité par rapport au poste de responsable des ambassadeurs du tri occupé jusqu'au 1er juillet 2018, ne peut utilement, en tout état de cause, invoquer une diminution de ses responsabilités par rapport au poste de responsable de la propreté urbaine du secteur de l'hôtel de Ville, occupé jusqu'à sa suspension en 2015, pour tenter d'établir une volonté de le sanctionner. Ainsi, à tous égards il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué aurait le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme dirigée contre une mesure d'ordre intérieur et dès lors comme irrecevable, et à demander pour ce motif l'annulation dudit jugement. En revanche il n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté conjoint du maire de D... et du président de l'établissement territorial de Paris-Est-Marne et Bois du 26 juin 2018 le transférant dans les services de cet établissement public, et, dès lors, sa demande de première instance ne peut qu'être rejetée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de ce qu'elle serait dirigée contre des décisions devenues définitives.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public territorial de Paris-Est-Marne et Bois et de la commune de

D... les sommes demandées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance et en appel. Il n'y a pas lieu non plus de faire droit aux conclusions présentées par l'établissement public territorial de Paris Est Marne et Bois et la commune de D... sur le même fondement en première instance et en appel.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1807743 du tribunal administratif de Melun du 10 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... ainsi que sa demande présentée devant le tribunal administratif de Melun sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de l'établissement public territorial de Paris-Est-Marne et Bois et de la commune de D..., présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance et en appel, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'établissement public territorial de Paris-Est-Marne et Bois et à la commune de D....

Délibéré après l'audience du 19 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mai 2022.

La rapporteure,

M-I. C...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00721


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00721
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : SELARL ROCHE BOUSQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-10;21pa00721 ?
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