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10/05/2022 | FRANCE | N°21PA00118

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 mai 2022, 21PA00118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 juillet 2019 par laquelle le directeur du groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences lui a infligé une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours et de mettre à la charge du groupe hospitalier universitaire Paris psychologie et neurosciences une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jug

ement n° 1918578/2-2 du 14 décembre 2020, le Tribunal administratif de Pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 24 juillet 2019 par laquelle le directeur du groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences lui a infligé une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours et de mettre à la charge du groupe hospitalier universitaire Paris psychologie et neurosciences une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1918578/2-2 du 14 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et mis à sa charge une somme de 800 euros à verser au groupe hospitalier universitaire Paris psychologie et neurosciences au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 janvier et 22 novembre 2021,

Mme C..., représentée par Me Clavel, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 14 décembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 24 juillet 2019 du directeur du groupe hospitalier universitaire Paris psychologie et neurosciences lui infligeant une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours ;

3°) de condamner le groupe hospitalier universitaire Paris psychologie et neurosciences à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge du groupe hospitalier universitaire Paris psychologie et neurosciences une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a rejeté sa demande en reprenant à son compte les allégations du défendeur sans prendre en compte des éléments de faits et de preuve qu'elle apportait et sans les évoquer ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle repose sur des griefs erronés, dont la matérialité est contestée ;

- elle est illégale en ce qu'elle constitue une deuxième sanction pour des faits qui ont déjà donné lieu à une première sanction, consistant en une mutation d'office ;

- la sanction en litige revêt un caractère disproportionné par rapport aux faits ;

- cette décision lui a occasionné une perte de traitement et de primes, ainsi qu'un préjudice moral dont elle est fondée à demander réparation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2021, le groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences, représenté par Me Falala, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions indemnitaires de la requête sont irrecevables d'une part parce que nouvelles en appel et d'autre part parce que n'ayant pas été précédées d'une demande préalable ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gorse substituant Me Falala pour le groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences

Considérant ce qui suit :

1. Recrutée par le centre hospitalier, le 2 septembre 2002, en qualité d'agent d'entretien spécialisé contractuel, puis titularisée dans le corps d'agent des services hospitaliers le 27 janvier 2008, et affectée à la fonction " linge " du pôle de la direction de la logistique, Mme A... C..., après un congé de maladie d'une durée de dix-huit mois, a repris ses fonctions au sein de ce centre hospitalier le 12 février 2019. Plusieurs incidents étant, dès son retour, survenus avec ses collègues et sa hiérarchie, elle a fait l'objet d'une procédure disciplinaire à l'issue de laquelle le directeur du groupe hospitalier universitaire Paris psychologie et neurosciences lui a infligé une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quinze jours, par décision du 24 juillet 2019. Elle a, dès lors, sollicité du tribunal administratif de Paris l'annulation de cette sanction, mais cette demande a été rejetée par un jugement du 14 décembre 2020.

Sur les fins de non-recevoir opposées aux conclusions indemnitaires de Mme C... :

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'avait pas présenté devant les premiers juges de conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Par suite ces conclusions, présentées pour la première fois en appel, et au surplus non précédées d'une demande préalable, sont irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

3. Pour contester le jugement attaqué la requérante soutient notamment que " les premiers juges se sont contentés de croire les allégations mensongères de certaines collègues (...) " et que " il est flagrant à la lecture du jugement que les arguments en défense de

Mme C... n'ont pas été étudiés et pris en compte contrairement aux pièces du GHU ".

A supposer qu'elle ait ainsi entendu contester la régularité du jugement, il ressort des termes mêmes de celui-ci qu'il a visé les pièces du dossier et a, par une argumentation suffisamment motivée, répondu à l'ensemble des moyens soulevés par Mme C.... Dès lors, le tribunal, qui n'est tenu de se prononcer que sur les moyens soulevés par les parties, et non sur l'ensemble des arguments présentés à l'appui desdits moyens, n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité, laquelle ne peut davantage résulter de l'appréciation portée sur les diverses pièces produites.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Il ressort de la décision attaquée qu'elle vise les dispositions législatives et réglementaires dont elle a fait application, et notamment la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, ainsi que les dispositions relatives à la procédure disciplinaire, le dossier de Mme C... et l'avis du conseil de discipline, réuni le 10 juillet 2019, puis indique que l'intéressée a eu un comportement affligeant et grossier, portant atteinte à l'intégrité morale d'autrui, a manqué à ses obligations professionnelles et n'a pas remis en cause ni questionné son comportement, avant d'en déduire que ces faits sont constitutifs de manquements graves aux obligations de Mme C... en tant que fonctionnaire hospitalier telles qu'elles découlent de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Ainsi, cette décision contient l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Si Mme C... fait toutefois valoir qu'une telle motivation ne mentionne aucune date ni aucune fait précis, l'ensemble des faits en cause avaient donné lieu à plusieurs entretiens entre l'intéressée et sa hiérarchie et avaient été repris dans le rapport de saisine du conseil de discipline, visé dans cette décision, de telle sorte que, dans les circonstances de l'espèce, les motifs énoncés suffisaient, en l'absence même de dates et de précisions, à permettre à Mme C... de connaître les raisons pour lesquelles elle était sanctionnée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait.

5 Mme C... soutient ensuite que la matérialité des faits qui lui sont reprochés ne serait pas établie dès lors notamment que les griefs ainsi retenus à son encontre résulteraient seulement des propos de deux de ses collègues, que son retour dans le service, après

dix-huit mois de congé maladie, dérangeait. Toutefois, outre qu'il n'est nullement établi que sa réintégration au sein du groupe hospitalier pourrait représenter une quelconque menace pour la carrière de ces deux agents, il résulte des pièces du dossier qu'aucun des griefs retenus à son encontre ne l'a été du seul fait des allégations de ces personnes. Ainsi, la réalité de l'altercation entre ces deux agents et Mme C... juste après le retour de celle-ci, le 12 février 2019, et l'agressivité dont elle a fait preuve sont corroborées également par une troisième collègue, ainsi qu'il résulte notamment du rapport de saisine du conseil de discipline et du compte rendu d'entretien établi après l'incident par Mme D..., ingénieure technique. De même, l'attitude inappropriée de la requérante lors de l'entretien qui a suivi l'incident est établie par ce même compte-rendu. Par ailleurs, le manquement de Mme C... à ses obligations professionnelles, consistant notamment à n'avoir pas effectué les inventaires comme elle l'aurait dû, est, aux termes du même rapport, constaté tant par Mme D... que par le référent au transport de la tournée linge. Mme C... ne conteste d'ailleurs pas ce non-accomplissement d'une partie des tâches qui lui incombent, mais l'impute au fait de ne pas disposer des clés lui permettant d'accéder à certains locaux, alors au demeurant qu'au cours d'un entretien avec l'ingénieure technique, en date du 19 février 2019, elle avait convenu pouvoir accéder à certains au moins de ces locaux même sans clé, et ne contestait pas ne pas avoir fait de demande sur la boite mail commune du service pour régler cette question. Enfin il ressort du rapport du 26 mars 2019 de cette ingénieure technique qu'au cours de la réunion du service " lingerie " qui s'était tenue ce jour-là, Mme C..., après avoir pris à partie Mme B... à propos des rapports établis à son sujet par celle-ci, a proféré à l'encontre de Mme D... elle-même des insultes grossières, avant de quitter la pièce, d'y revenir et d'indiquer qu'elle ne faisait que répéter des propos insultants tenus par une des collègues avec qui elle était en conflit. La requérante, qui ne conteste pas dans ses écritures la réalité de cet incident, d'ailleurs survenu devant tout le service, se borne à soutenir de nouveau qu'elle se serait bornée à reprendre les propos de cette collègue, sans que cette circonstance soit de nature à ôter aux faits en cause leur caractère inapproprié et passible d'une sanction. Si Mme C... soutient avoir fait elle-même l'objet de menaces et de dénigrement de la part, notamment, d'un de ses collègues, la réalité de tels faits ne peut être tenue pour établie par le dépôt par la requérante elle-même, d'une plainte et d'une main courante au commissariat de police, sans d'ailleurs qu'il apparaisse qu'aucune suite y aurait été donnée, et, par ailleurs, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la matérialité des faits à l'origine de la décision contestée et sur leur caractère fautif. De même, ceux-ci ne peuvent être remis en cause par ses allégations, d'ailleurs dépourvues de toute preuve, sur des fautes qu'auraient commises dans le passé ces agents, pas plus que par l'attestation produite par

Mme C..., élogieuse à son égard, et supposée émaner de trois de ses collègues du service lingerie, mais qui n'est ni signée, ni accompagnée, comme toute attestation, de la photocopie des documents d'identité des trois agents présentés comme les auteurs de ce document. Ainsi c'est à juste titre que le tribunal, au vu de l'ensemble des pièces du dossier et non des seules allégations de l'administration ou de deux agents, a jugé que la matérialité des faits reprochés, ainsi que leur caractère fautif, étaient établis.

6. Compte tenu de l'attitude durablement agressive de la requérante, de la gravité et de la multiplicité des faits en cause, et alors même qu'elle n'avait fait antérieurement l'objet d'aucune sanction, et avait jusqu'à son départ en congé maladie reçu des appréciations élogieuses, elle n'est pas fondée à soutenir que la sanction de quinze jours d'exclusion prononcée à son encontre serait disproportionnée par rapport auxdits faits.

7. Enfin, si Mme C... soutient également que le principe " non bis in idem " aurait été méconnu, dès lors qu'elle aurait déjà fait l'objet d'un changement de service qui aurait le caractère d'une sanction, il ressort des pièces du dossier que, si un tel changement a été évoqué lors de l'entretien du 28 février 2019, il n'a finalement pas été mis en oeuvre, et le moyen ne peut par suite qu'être rejeté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu'être rejetée y compris ses conclusions à fins d'indemnisation.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme C... sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... la somme demandée par le groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au groupe hospitalier universitaire Paris psychiatrie et neurosciences.

Délibéré après l'audience du 19 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mai 2022.

La rapporteure,

M-I. E...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00118
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : FALALA

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-10;21pa00118 ?
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