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10/05/2022 | FRANCE | N°20PA03434

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 10 mai 2022, 20PA03434


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) Mme D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris, par une demande enregistrée sous le n°1901826, d'annuler la décision du 29 novembre 2018 par laquelle le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation lui a refusé la reconnaissance de son diplôme étranger de psychologue niveau M 2 acquis auprès de l'Université Niccolo Cusano à l'Ecole de Paris comme l'équivalent du diplôme professionnel de psychologue en France, d'enjoindre au ministre de l'enseignement supéri

eur, de la recherche et de l'innovation de procéder au réexamen de sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) Mme D... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris, par une demande enregistrée sous le n°1901826, d'annuler la décision du 29 novembre 2018 par laquelle le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation lui a refusé la reconnaissance de son diplôme étranger de psychologue niveau M 2 acquis auprès de l'Université Niccolo Cusano à l'Ecole de Paris comme l'équivalent du diplôme professionnel de psychologue en France, d'enjoindre au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de procéder au réexamen de sa demande de reconnaissance de son diplôme, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) La Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome ont demandé au tribunal administratif de Paris, par une demande enregistrée sous le n°1901828, d'annuler la décision du 29 novembre 2018 par laquelle le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a refusé à Mme D... C... la reconnaissance de son diplôme étranger de psychologue niveau M 2 acquis auprès de l'Université Niccolo Cusano à l'Ecole de Paris comme l'équivalent du diplôme professionnel de psychologue en France, d'enjoindre au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de procéder au réexamen de cette demande dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge du ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation une somme de 10 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser aux deux requérantes.

Par un jugement n° 1901826-1901828 du 16 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a joint ces deux demandes, a prononcé l'annulation de la décision de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation du 29 novembre 2018, a enjoint à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de procéder au réexamen de la demande formée par Mme C... tendant à la reconnaissance de son diplôme de psychologue, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Procédure devant la Cour :

Par un recours et des mémoires, enregistrés les 17 novembre 2020, 26 mars 2021,

14 octobre 2021, et 29 octobre 2021, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 septembre 2020 ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de Mme C... d'une part et de la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et de l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome d'autre part ;

3°) de rejeter comme irrecevables les conclusions présentées en cours d'instance tendant à ce qu'il lui soit enjoint de retirer de l'ordonnancement juridique la décision du 1er juin 2021 se prononçant de nouveau sur la demande de reconnaissance de son diplôme de psychologue présentée par Mme C....

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il ne comporte pas les signatures prévues par l'article 741-7 du code de justice administrative ;

- le tribunal a à plusieurs reprises " dénaturé " ses écritures ;

- il a également " dénaturé " les faits en retenant que la décision contestée refusait la reconnaissance du diplôme étranger de psychologie de Mme C... comme équivalent au diplôme français alors qu'elle lui refusait seulement la possibilité de faire usage professionnel du titre de psychologue ;

- le tribunal a à tort jugé que Mme C... était titulaire du diplôme délivré par l'université italienne Niccolo Cusano de Rome alors que cet établissement n'a passé une convention avec la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris que le 8 novembre 2018 soit postérieurement à la date d'obtention de son diplôme, le 19 mars 2018 ;

- cette convention ne pouvait être conclue sur le fondement de l'article L. 718-16 du code de l'éducation qui n'est applicable qu'entre deux établissements français ;

- en se fondant sur l'équivalence du nombre d'unités d'enseignements capitalisables et transférables (ECTS) avec le diplôme français, le tribunal a méconnu la portée de ce dispositif européen qui ne permet qu'une appréciation quantitative et non qualitative sur les formations et a donc à tort jugé que la décision de refus d'équivalence était entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'administration française a à juste titre saisi les autorités italiennes dans le cadre du système d'information du marché intérieur (IMI) pour déterminer si le diplôme de Mme C... lui permettait d'exercer la profession de psychologue en Italie. Elle était tenue de vérifier si la qualification italienne relevait de l'article 13 de la directive n°2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et aux diplômes d'établissements franchisés ;

- aucun élément ne permet d'établir que les enseignements dispensés dans le cadre du diplôme italien de l'Unicusano seraient équivalents aux enseignements dispensés dans le cadre des diplômes nationaux.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 mars 2021, 24 août 2021 et

25 octobre 2021, Mme C..., la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome, représentées par Me Seno, demandent à la Cour :

1°) de rejeter le recours de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ;

2°) d'enjoindre à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de retirer de l'ordonnancement juridique la décision du 1er juin 2021 refusant de nouveau à Mme C... la reconnaissance de son diplôme, et de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros à leur verser en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens du recours ne sont pas fondés ;

- les moyens présentés pour la première fois en appel sont de ce fait irrecevables.

Par ordonnance du 4 octobre 2021 la clôture d'instruction a été fixée au

29 octobre 2021.

Un mémoire, présenté pour Mme C..., la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome, a été enregistré le 15 décembre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 ;

- la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 ;

- le décret n° 90-255 du 22 mars 1990 ;

- le décret n° 2003-1073 du 14 novembre 2003 ;

- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,

- et les observations de Me Seno pour Mme C..., la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome.

Une note en délibéré a été enregistrée le 19 avril 2022 pour Mme C...,

la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., lauréate depuis mars 2018 d'un diplôme de niveau master 2 "psychologie clinique et de la rééducation" acquis auprès de la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris (NCI école Paris) unie par une convention avec l'université italienne Niccolo Cusano (Unicusano), a déposé devant la ministre de l'enseignement supérieur une demande de reconnaissance de son diplôme en vue d'exercer en qualité de psychologue en France. Après que la commission chargée de se prononcer sur l'équivalence des diplômes étrangers en psychologie, réunie le 12 octobre 2018, a émis un avis défavorable, la ministre a, par décision du 29 novembre 2018, rejeté cette demande. Mme C..., d'une part, la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome, d'autre part, ont dès lors saisi le tribunal administratif de Paris de deux demandes, enregistrées respectivement sous les n°1901826 et 1901828, tendant à l'annulation de cette décision. Par jugement du 16 septembre 2020, le tribunal, après avoir joint ces deux demandes, a prononcé l'annulation de la décision en litige, et enjoint à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de procéder au réexamen de la demande formée par Mme C... tendant à la reconnaissance de son diplôme de psychologue, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation relève dès lors appel de ce jugement.

Sur les conclusions présentées par Mme C..., La Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome et dirigées contre la décision du

1er juin 2021 :

2. Si Mme C..., La Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome demandent à la Cour d'enjoindre à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de retirer de l'ordonnancement juridique la décision du 1er juin 2021 refusant de nouveau à Mme C... la reconnaissance de son diplôme, et de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, la ministre est fondée à opposer une fin de non-recevoir tirée de ce que ces conclusions relèvent d'un litige distinct et sont, par suite, irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de cet article. Par ailleurs la circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à l'appelant ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes de l'article 13 de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles : " Conditions de la reconnaissance /1. Lorsque, dans un État membre d'accueil, l'accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession de qualifications professionnelles déterminées, l'autorité compétente de cet État membre accorde l'accès à cette profession et son exercice dans les mêmes conditions que pour les nationaux aux demandeurs qui possèdent l'attestation de compétences ou le titre de formation qui est prescrit par un autre État membre pour accéder à cette même profession sur son territoire ou l'y exercer. Les attestations de compétences ou les titres de formation doivent remplir les conditions suivantes:

/ a) avoir été délivrés par une autorité compétente dans un État membre, désignée conformément aux dispositions législatives, réglementaires ou administratives de cet État; / b) attester d'un niveau de qualification professionnelle au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui exigé dans l'État membre d'accueil, tel que décrit à l'article 11. (...) ". Aux termes de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre social : " I - L'usage professionnel du titre de psychologue, accompagné ou non d'un qualificatif, est réservé aux titulaires d'un diplôme, certificat ou titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie préparant à la vie professionnelle et figurant sur une liste fixée par décret en Conseil d'Etat ou aux titulaires d'un diplôme étranger reconnu équivalent aux diplômes nationaux exigés. (...) / II. - Peuvent être autorisés à faire usage professionnel du titre de psychologue par le ministre chargé de l'enseignement supérieur les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui, sans posséder l'un des diplômes, certificats ou titres mentionnés au I, ont suivi avec succès un cycle d'études les préparant à l'exercice de la profession et répondant aux exigences fixées par voie réglementaire, et qui sont titulaires : / 1° D'un ou plusieurs diplômes, certificats ou autres titres permettant l'exercice de la profession dans un Etat membre ou un Etat partie qui réglemente l'accès ou l'exercice de la profession, délivrés : / a) Soit par l'autorité compétente de cet Etat et sanctionnant une formation acquise de façon prépondérante dans un Etat membre ou un Etat partie (...)". Aux termes de l'article premier du décret du 22 mars 1990 fixant la liste des diplômes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue, dans sa version applicable : " Ont le droit en application du I de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 susvisée de faire usage professionnel du titre de psychologue en le faisant suivre, le cas échéant, d'un qualificatif les titulaires : / (...) / 5° De diplômes étrangers reconnus équivalents aux diplômes mentionnés au 1°, au 2° et au 3° par le ministre chargé de l'enseignement supérieur après avis d'une commission dont la composition est fixée par arrêté de ce ministre (...) ". Aux termes de l'article premier du décret du 14 novembre 2003 relatif aux conditions de délivrance de l'autorisation de faire usage professionnel du titre de psychologue, dans sa version applicable : " Les ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui ne possèdent pas l'un des diplômes, certificats ou titres mentionnés au I de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 susvisée peuvent être autorisés à faire usage professionnel du titre de psychologue par décision du ministre chargé de l'enseignement supérieur prise après avis de la commission mentionnée au 3° de l'article 1er du décret du 22 mars 1990 susvisé ".

5. En premier lieu, il résulte des termes du II de l'article 44 de la loi n°85-772 du

25 juillet 1985 que l'autorisation accordée, sur le fondement de ces dispositions, à un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne de faire usage professionnel du titre de psychologue est subordonnée à la condition que le diplôme dont il est titulaire lui permette l'exercice de la profession dans un Etat membre ou un Etat partie règlementant l'accès à cette profession. Par suite c'est à juste titre que la ministre, qui n'était pas saisie d'une demande de reconnaissance de diplôme mais d'une demande d'autorisation d'usage du titre de psychologue en France, a saisi les autorités italiennes par l'intermédiaire de l'IMI (International Information System), dépendant de la commission européenne, sur la question de savoir si le diplôme de l'UNICUSANO, dont Mme C... est titulaire, lui ouvrait droit à exercer la profession de psychologue sur tout le territoire italien. Et dès lors que ces autorités lui ont répondu que l'exercice effectif de cette profession en Italie était subordonné à l'obtention d'un diplôme d'Etat après un stage probatoire d'un an, sans qu'il apparaisse par ailleurs, ni qu'il soit jamais allégué, que ce diplôme conférerait le droit d'exercer cette profession dans un autre Etat de l'Union européenne, la ministre a, à juste titre également, estimé qu'elle ne pouvait accorder à l'intéressée l'autorisation sollicitée sur le fondement de ces dispositions du II de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985.

6. En second lieu, il résulte du I du même article qu'il appartenait à la ministre, pour se prononcer sur la demande de Mme C... au regard de ces dispositions, de déterminer si son diplôme pouvait être considéré comme équivalent aux diplômes nationaux requis pour l'exercice de la profession de psychologue. Pour juger que la ministre avait à tort refusé de reconnaitre une telle équivalence, les premiers juges se sont notamment fondés sur le nombre d'unités d'enseignement capitalisables et transférables (ECTS) acquis au cours de cette formation. Or ces ECTS, issus de la décision n° 87/327/CEE du Conseil des communautés européennes du

15 juin 1987, qui établit le programme d'action communautaire en matière de mobilité des étudiants (Erasmus), sont calculés en fonction de la charge de travail, chaque semestre d'enseignement poursuivi permettant d'accumuler un nombre déterminé de crédits ECTS, lesquels ont seulement pour objet de permettre aux étudiants suivant ou ayant accompli un cycle d'enseignement et de formation supérieurs d'obtenir des crédits au titre de ces formations accomplies dans des universités d'autres Etats membres, afin notamment de pouvoir ensuite poursuivre leurs études dans un autre Etat membre. Ils ne permettent pas, en revanche, de présumer du contenu de la formation suivie ni, par suite, d'établir que le diplôme obtenu à l'issue de la formation ayant permis l'accumulation de ces crédits ECTS devrait être reconnu équivalent aux diplômes nationaux exigés pour permettre l'exercice en France d'une profession règlementée, telle que la profession de psychologue. Il ressort des pièces du dossier que la commission chargée de se prononcer sur l'équivalence des diplômes étrangers en psychologie afin de faire un usage professionnel du titre de psychologue, réunie le 12 octobre 2018, a émis un avis défavorable à la reconnaissance du diplôme de Mme C... comme présentant des garanties comparables au diplôme français de psychologue pour l'exercice de cette profession. De plus, il résulte de la réponse des autorités italiennes, consultées par la ministre pour l'instruction de la demande de l'intéressée sur le fondement du II de l'article 44 de la loi du

25 juillet 1985, que le diplôme de l'UNICUSANO, dont Mme C... est titulaire, ne lui ouvrait pas directement droit à exercer la profession de psychologue sur tout le territoire italien, ce droit étant subordonné à la réalisation d'un stage d'un an et à l'obtention d'un diplôme d'Etat, sans que l'intéressée puisse se prévaloir d'une modification alléguée de la législation italienne postérieure à l'intervention de la décision attaquée. Ainsi ce diplôme ne peut être regardé, pour l'application du I de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 relatif aux conditions d'autorisation de l'usage professionnel du titre de psychologue, comme équivalent au diplôme français de psychologue qui ouvre droit par lui-même à l'usage professionnel de ce titre. Par suite c'est à juste titre que la ministre a retenu, comme la commission dans son avis du 12 octobre 2018, que ce diplôme ne présentait pas les garanties suffisantes pour qu'il puisse être fait droit à la demande de l'intéressée.

7. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son recours, la ministre est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a prononcé l'annulation de sa décision du 29 novembre 2018, en écartant les conditions de l'exercice effectif de la profession de psychologue en Italie et en se fondant sur le seul nombre d'unités d'enseignement capitalisables et transférables (ECTS), sans que puisse lui être utilement opposé le caractère prétendument nouveau en appel de certains moyens, alors que ceux-ci relèvent tous de la légalité interne de la décision, et donc d'une cause juridique déjà débattue en première instance, où la ministre était, au surplus, défendeur.

8. Il appartient à la Cour, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens des demandes de Mme C..., de la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et de l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome.

9. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...)2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs,(...) ". Or, il ressort de l'arrêté du 9 novembre 2017, publié au Journal Officiel le 11 novembre suivant, et produit par la ministre devant le tribunal, que

M. B... A..., sous-directeur des formations et de l'insertion professionnelle à la direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, à l'administration centrale du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, a été reconduit dans ses fonctions pour une durée de trois ans à compter du 21 novembre 2017. Ainsi, en sa qualité de sous-directeur, responsable des formations à la direction générale de l'enseignement supérieur, il avait, en application de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 précité, compétence pour signer la décision contestée. Par suite le moyen tiré de l'incompétence du signataire de celle-ci manque en fait.

10. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 26 décembre 1990 : " La commission chargée de donner un avis sur le niveau scientifique des diplômes étrangers en psychologie dont les titulaires demandent à faire usage du titre de psychologue dans les conditions prévues soit à l'article 1er du décret n° 90-255 du 22 mars 1990 susvisé, soit à l'article 3 du décret n° 90-259 du 22 mars 1990 susvisé, comprend de neuf à dix-huit membres, dont :/- deux tiers d'enseignants-chercheurs choisis pour leur compétence dans l'un des domaines de la psychologie, leur expérience du fonctionnement des diplômes nationaux et leur connaissance des systèmes de formation étrangers ;/- un tiers de psychologues, proposés par les organisations professionnelles les plus représentatives.(....) ".

11. Or, il ressort de l'arrêté du 20 juin 2017, produit devant les premiers juges et portant désignation des membres de cette commission, que celle-ci comportait douze enseignants-chercheurs, et, en qualité de psychologues proposés par des organisations professionnelles, six personnes, qui représentaient donc bien le tiers des enseignants-chercheurs. Le ministre a également produit l'avis de la commission qui s'est réunie le 12 octobre 2018 pour émettre un avis sur la demande de Mme C..., ainsi que le procès-verbal de cette réunion, qui comporte la signature de dix des dix-huit membres de cette commission, établissant ainsi que le quorum était atteint. Ainsi, et alors qu'aucune disposition applicable n'imposait au ministre de communiquer à Mme C... l'avis de la commission, celle-ci, la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome ne sont pas fondées à soutenir qu'il ne serait pas établi que la commission aurait été consultée sur sa demande, ni qu'elle aurait été régulièrement constituée.

12. En outre il ressort de la décision attaquée qu'elle indique expressément se fonder sur les dispositions du II de l'article 44 de la loi n°85-772 du 25 juillet 1985, et elle expose, d'une part, que la formation suivie à l'université privée Niccolo Cusanio n'offre pas les garanties de formation exigées dans le système universitaire français et, d'autre part, que, comme l'ont confirmé les autorités italiennes, l'autorisation d'exercice de la profession de psychologue en Italie est subordonnée à la réalisation d'un stage de douze mois et à la réussite d'un examen d'Etat. Ainsi cette décision contient l'énoncé des éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et par suite le moyen tiré de son insuffisance de motivation manque en fait.

13. Enfin si Mme C..., la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome invoquent l'illégalité interne de la décision en litige, et soutiennent notamment qu'elle instaurerait une inégalité de traitement au détriment des demandeurs étrangers en subordonnant l'autorisation d'exercice de la profession de psychologue à une condition non prévue et qu'elle serait entachée de détournement de pouvoir, l'ensemble des moyens tendant à mettre en cause la légalité interne de cette décision ne peuvent qu'être rejetés, pour les motifs énoncés aux points 5 et 6. De plus contrairement à ce qu'elles soutiennent devant les premiers juges, en retenant que l'usage professionnel du titre de psychologue impliquait en Italie pour le titulaire du diplôme de l'Unicusano la réalisation d'un stage d'un an et l'obtention d'un examen d'Etat, le ministre n'a pas imposé le respect d'une condition supplémentaire non prévue par la loi, mais a simplement établi que les conditions posées par le 1° du II de l'article 44 de la loi du 25 juillet 1985 n'étaient pas satisfaites.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de sa décision du 29 novembre 2018. Elle est par suite fondée à demander l'annulation de ce jugement, ainsi que le rejet des demandes de première instance de Mme C..., de la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et de l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme C..., la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er Le jugement n°1901826-1901828 du tribunal administratif de Paris du

16 septembre 2020 est annulé.

Article 2 : Les demandes de Mme C..., de la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et de l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome, présentées devant les premiers juges, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, à Mme C..., à la Niccolo Cusano Italie Ecole de Paris et à

l'Université italienne Niccolo Cusano de Rome.

Délibéré après l'audience du 19 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mai 2022.

La rapporteure,

M-I. E...Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03434


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03434
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : SELAS LLC ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-10;20pa03434 ?
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