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05/05/2022 | FRANCE | N°22PA00599

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 05 mai 2022, 22PA00599


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 16 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Connecting Bag Services.

Par un jugement n° 2112700 du 13 décembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la d

cision du 16 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartementa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 16 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Connecting Bag Services.

Par un jugement n° 2112700 du 13 décembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 16 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Connecting Bag Services et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 9 février 2022 sous le n° 22PA00599, la société Connecting Bag Services, représente par Me Bauland en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société désigné par jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 10 décembre 2020, représentée par Me Ternisien, et des mémoires enregistrés les 22, 30 mars et 7 avril 2022, la Selarl BCM, représentée par Me Bauland, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Connecting Bag Services, représentée par Me Ternisien, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2112700 du 13 décembre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 16 juillet 2021 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités ;

2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF devant le Tribunal administratif de Montreuil.

Elle soutient que :

Sur la fin de non-recevoir opposée par le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF :

- l'appel est formé par la Selarl BCM représentée par Me Bauland agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Connecting Bag Services, désigné par jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 10 décembre 2020 ; dès lors la fin de non-recevoir opposée par le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF doit être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- les critères d'ordre des licenciements proposés, tirés des qualités professionnelles et de l'ancienneté dans l'entreprise, portés par l'article 18 de la convention collective, sont conformes à l'article L. 1233-5 du code du travail ;

- l'entreprise a fait application de ces critères prévus par la convention collective et les pondérations retenues pour chacun des critères n'ont pas eu pour objet de les neutraliser ;

- les charges de famille constituent l'un des critères prévus par la convention collective ; en décidant de les retenir comme critère de départage, l'entreprise a fait application de la convention collective ;

- le critère de pondération de celui des qualités professionnelles relatif aux absences injustifiées n'est pas le seul critère utilisé et même en admettant que le critère relatif aux qualités professionnelles ait été neutralisé, le critère des charges de famille suffit pour servir de critère de départage ;

- les représentants du personnel ont manifesté le souhait de l'application des critères conventionnels d'ordre des licenciements.

Par des mémoires en défense enregistrés les 21 mars et 4 et 5 avril 2022, le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF, représenté par Me Sibenaler, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Connecting Bag Services au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'appel formé par la société Connecting Bag Services est irrecevable ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 25 mars et le 6 avril 2022, la Selafa MJA, prise en la personne de Me Chuine, et la Selarl Bally MJ, prise en la personne de Me Bally, agissant en qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société Connecting Bag Services, représentés par Me de Frémont, concluent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens que ceux qui sont exposés par l'appelante.

Par une lettre du 11 février 2022, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu le 11 avril 2022 et que l'instruction pourrait être close à partir du 28 mars 2022 avec effet immédiat.

II. Par une requête enregistrée les 14 février 2022 sous le n° 22PA00706 et un mémoire enregistré le 30 mars 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2112700 du 13 décembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

3°) d'ordonner le remboursement de la somme versée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen du requérant tiré de ce que le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi ne reprenait pas l'ensemble des critères d'ordre des licenciements prévus à l'article L. 1233-5 du code du travail ;

- le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en se fondant sur des décisions de l'inspectrice du travail qui concernent trois salariés protégés et relèvent d'un contrôle distinct et qui ne sont pas définitives ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- les dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail présentent un caractère supplétif en l'absence de convention collective applicable ;

- s'agissant du critère des qualités professionnelles, il n'appartient pas à l'administration de se prononcer sur la pertinence des éléments d'appréciation dès lors qu'est établie l'absence de système d'évaluation des salariés ;

- s'agissant de l'application d'un critère de départage, l'usage de la pondération d'un des critères d'ordre ne peut avoir pour effet que de départager dans la plupart des cas les salariés ayant obtenu le même nombre de points, sans que cela constitue une méconnaissance de l'article

L. 1233-5 du code du travail ;

- le contrôle de la neutralisation des effets des critères d'ordre doit s'opérer au stade de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi où la détermination des critères doit être neutre et non à celui de l'exécution du plan où l'existence d'une égalité de points entre salariés peut exister sans caractériser un manquement aux règles légales ou conventionnelles ;

- la circonstance que les critères ne soient pas suffisants pour départager les salariés est sans incidence sur l'appréciation de leur conformité aux règles légales ou conventionnelles ;

- dès lors que l'article L. 1233-5 du code du travail prévoit que l'employeur doit, en l'absence de convention collective, définir les critères d'ordre des licenciements, doit être écarté le moyen soulevé en première instance par le syndicat demandeur selon lequel les critères d'ordre des licenciements ne peuvent, en présence d'une convention collective, méconnaître les critères légaux et ne doivent être pris en compte que sous réserve de leur être plus favorables.

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 mars et 4, 5 et 5 avril 2022, le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF, représenté par Me Sibenaler, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention enregistré le 6 avril 2022, la Selafa MJA, prise en la personne de Me Chuine, et la Selarl Bally MJ, prise en la personne de Me Bally, agissant en qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société Connecting Bag Services, représentés par Me de Frémont, concluent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens que ceux qui sont exposés par l'appelante.

Par des mémoires en intervention enregistrés les 30 mars et 7 avril 2022, la Selarl BCM, représentée par Me Bauland, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Connecting Bag Services, représentée par Me Ternisien, conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens que ceux qui sont exposés par l'appelante.

Par une lettre du 18 février 2021, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience qui pourrait avoir lieu le 11 avril 2022 et que l'instruction pourrait être close à partir du 28 mars 2022 avec effet immédiat.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention collective régionale concernant le personnel de l'industrie, de la manutention et du nettoyage sur les aéroports ouverts à la circulation publique du 1er octobre 1985 ;

- le code du travail ;

- le code du commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Trébuchet, avocate de la société Connecting Bag Services et de la Selarl BCM, de M. B..., représentant la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, de Me de Frémont, avocat de la la Selafa MJA et de la Selarl Bally MJ et de Me Sibenaler, avocate du syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF.

Considérant ce qui suit :

1. La requête de la société Connecting Bag Services enregistrée sous le n° 22PA00599 et la requête de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion enregistrée sous le n° 22PA00706 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. La société Connecting Bag Services, dont le siège social est situé à Tremblay-en-France, sur l'emprise de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, est une société d'assistance aéroportuaire qui fait partie du groupe Wolrldwide Flight Services. Elle travaille pour le compte d'un unique client, la compagnie Air France. En raison de la pandémie de Covid-19 depuis mars 2020, elle a subi une crise qui l'a conduite à demander l'ouverture d'une procédure collective. Par jugement du

10 décembre 2020, le Tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société dont l'effectif comptait 433 salariés en contrat à durée indéterminée et a nommé en qualité d'administrateurs judiciaires la Selarl BCM, en la personne de Me Bauland, et Me Houplain. Par jugement du 6 juillet 2021, le Tribunal de commerce a arrêté le plan de cession de la société Connecting Bag Services à la société European Flight Services à compter du 6 juillet 2021, prévoyant la reprise de 301 emplois et autorisant le licenciement des salariés non repris. Par décision du 16 juillet 2021, le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Connecting Bag Services. Le Tribunal de commerce de Bobigny a, par jugement du 12 octobre 2021, prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation sans maintien de l'activité de la société Connecting Bag Services, nommé la Selarl Bally M.J. et la Selafa MJA, en la personne de Me Chuine, en qualité de liquidateur et maintenu en qualité d'administrateurs Me Houplain et la Selarl BCM, prise en la personne de Me Bauland, jusqu'à la signature des actes de cession. Le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF a formé une demande tendant à l'annulation de la décision du 16 juillet 2021 du DRIEETS d'Ile-de-France. Par jugement du 13 décembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande et annulé la décision du 16 juillet 2021 par laquelle le DRIEETS d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Connecting Bag Services.

3. Par une requête enregistrée le 9 février 2022, formée au nom de la société Connecting Bag Services, représentée par Me Bauland, en sa qualité d'administrateur judiciaire de celle-ci, la société a conclu à l'annulation du jugement et à la confirmation de la décision d'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi. Par des mémoires des 22 et 30 mars 2022, la Selarl BCM a entendu régulariser le recours en demandant que soit corrigée la désignation de la partie appelante en retenant que la requête a été présentée par la Selarl BCM représentée par Me Bauland en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Connecting Bag Services désigné par jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 10 décembre 2020.

4. La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion relève également appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 13 décembre 2021.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF à la requête de la société Connecting Bag Services :

5. Le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF a opposé une fin de non-recevoir à la requête de la société Connecting Bag Services et fait également valoir que la demande de régularisation de la requête formée par la Selarl BCM doit être rejetée.

6. Il est constant que la requête formée le 9 février 2022 a été présentée au nom de la société Connecting Bag Services, représente par Me Bauland en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société désigné par jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du

10 décembre 2020. A cette date, la société Connecting Bag Services avait été placée en liquidation judiciaire par jugement du 12 octobre 2021. Ainsi, en application de l'article L. 641-10 du code de commerce, seul le liquidateur de la société avait qualité pour la représenter. Il s'ensuit que Me Bauland en sa qualité d'administrateur judiciaire, même si sa mission avait été maintenue par le jugement ayant converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire, n'avait plus qualité pour représenter la société.

7. Par un mémoire du 22 mars 2022, introduit après l'expiration du délai de recours contentieux contre le jugement du 13 décembre 2021, la Selarl BCM, représentée par Me Bauland, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Connecting Bag Services, a entendu demander à la Cour, en vue de régulariser la requête qu'elle avait formée au nom de la société, que soit corrigée la désignation de la partie appelante et retenu que la requête était présentée par la Selarl BCM, représentée par Me Bauland en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société Connecting Bag Services. Cependant, dès lors qu'une requête a été formée par une partie, en l'occurrence la société Connecting Bag Services, elle ne peut être, en cours d'instance, requalifiée comme formée par une autre partie. Il suit de là que la demande de régularisation présentée par la Selarl BCM tendant à ce que la requête initialement formée au nom de la société pour laquelle elle a été désignée comme administrateur judiciaire soit regardée comme formée au nom de la Selarl BCM en sa qualité d'administrateur judiciaire de de la société Connecting Bag Services doit être rejetée.

8. Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la fin de non-recevoir opposée par le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF et de rejeter comme irrecevable la requête n° 22PA00599 de la société Connecting Bag Services.

Sur l'intervention de la Selafa MJA, prise en la personne de Me Chuine, et de la Selarl Bally M.J., prise en la personne de Me Bally, agissant en qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société Connecting Bag Services, présentée à l'appui de la requête n° 22PA00599 de la société Connecting Bag Services :

9. L'irrecevabilité de la requête de la société Connecting Bag Services a pour effet de rendre irrecevable l'intervention en défense de la Selafa MJA et de la Selarl Bally M.J., agissant en qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société Connecting Bag Services.

Sur l'intervention de la Selarl BCM, représentée par Me Bauland, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Connecting Bag Services, présentée à l'appui de la requête n° 22PA00706 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion :

10. La Selarl BCM, qui n'est pas partie à l'instance, est administrateur judiciaire de la société Connecting Bag Services, désignée par jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 10 décembre 2020 et maintenue comme administrateur judiciaire par le jugement du même tribunal du 12 octobre 2021 qui a converti le redressement judiciaire de l'entreprise en liquidation judiciaire. Elle justifie, eu égard à la nature et à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant à former cette intervention.

Sur l'intervention de la Selafa MJA, prise en la personne de Me Chuine, et de la Selarl Bally M.J., prise en la personne de Me Bally, agissant en qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société Connecting Bag Services, présentée à l'appui de la requête n° 22PA00706 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion :

11. Même si elles n'ont pas été appelées en cause par le tribunal qui n'avait pas été informé par les parties du jugement rendu le 12 octobre 2021 par le Tribunal de commerce de Bobigny, la Selafa MJA, prise en la personne de Me Chuine, et la Selarl Bally MJ, prise en la personne de Me Bally, désignées par ce jugement comme co-liquidateurs judiciaires de la société Connecting Bag Services, avaient qualité pour faire appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 13 décembre 2021. Par suite, leur intervention à l'appui de l'appel formé par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion est irrecevable.

Sur le bien-fondé du jugement :

12. Aux termes de l'article L. 1233-5 du code du travail : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. / Ces critères prennent notamment en compte : / 1° Les charges de famille, en particulier celle des parents isolés ; / 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; / 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; / 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article (...) ". L'article L. 1233-6 du même code prévoit cependant que : " Les critères retenus par la convention et l'accord collectif de travail ou, à défaut, par la décision de l'employeur ne peuvent établir une priorité de licenciement à raison des seuls avantages à caractère viager dont bénéficie un salarié ".

13. Il résulte des termes mêmes de l'article L. 1233-5 du code du travail que les critères qu'il définit pour déterminer l'ordre des licenciements ne sont applicables qu'en l'absence de convention ou d'accord collectif de travail énonçant de tels critères. Dès lors, si un accord collectif a prévu d'autres critères, l'autorité administrative, saisie de la demande d'homologation de ce document, vérifie la conformité de ces critères et de leurs règles de pondération aux seules stipulations conventionnelles applicables, sous la seule réserve, prévue à l'article L. 1233-6 précité, que ces critères conventionnels n'établissent pas une priorité de licenciement à raison des seuls avantages à caractère viager dont bénéficie un salarié.

14. En l'espèce, l'article 18 de la convention collective régionale de maintenance et de nettoyage des aéroports parisiens, dont relève la société Connecting Bag Services, prévoit que : " Si par suite de modifications des conditions d'exploitation, une réduction du personnel devenait nécessaire, l'ordre de licenciement collectif du personnel s'effectuerait dans chaque catégorie en tenant compte des considérations suivantes : 1) qualités professionnelles ; 2) ancienneté dans l'entreprise, majorée d'un an par enfant à charge au sens du code de la famille ".

15. Il ressort des pièces du dossier que les critères retenus lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Connecting Bag Services, dont il est constant qu'elle était dépourvue de tout système d'évaluation des salariés, ont été les qualités professionnelles et l'ancienneté dans l'entreprise avec un critère de départage tenant aux charges de famille. Il s'agit des critères fixés par la convention collective.

16. S'agissant de la mise en œuvre du critère relatif aux qualités professionnelles, un critère de pondération tiré du nombre d'absences injustifiées a été ajouté. Dès lors qu'il est constant que l'entreprise n'a pas mis en œuvre d'évaluation professionnelle des salariés, que ce critère est lié à l'exercice du travail et qu'il est objectif et mesurable, le plan pouvait, en l'absence de meilleure alternative, qui n'a à aucun moment été envisagée par l'employeur ou par le comité social et économique, retenir le critère des absences injustifiées. La circonstance que lors de l'exécution du plan, les salariés ne puissent être départagés par ces critères est en elle-même sans incidence sur la pertinence des critères retenus, lesquels sont conformes aux stipulations conventionnelles.

17. S'agissant du critère de l'ancienneté dans l'entreprise, la mise en œuvre d'un critère de départage, en cas d'égalité de points, lié à l'attribution de points en fonction de la présence d'enfants à charge, est prévue par la convention, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges. Dans ces conditions, la pondération des critères ne peut être critiquée dans son principe.

18. Les deux critères fixés par la convention collective ont été appliqués au cours de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi et chacun d'eux a été affecté de paliers de notation. Ainsi le plan a-t-il retenu les critères conventionnels et, dès lors qu'il les a affectés d'éléments de modulation, n'a entendu neutraliser aucun d'eux. Dès lors, l'élaboration du plan a été conforme aux stipulations de l'article 18 de la convention collective. La circonstance que les critères retenus par un employeur en conformité avec ces stipulations n'assurent pas un départage systématique de tous les salariés n'est pas susceptible par elle-même d'avoir une incidence sur la légalité du plan, ni celle que la situation de certains salariés peut aboutir, lors de l'exécution du plan, à une neutralisation de critères au profit d'un critère de départage, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges dès lors qu'elle ne permet pas d'établir que la pondération des critères d'ordre des licenciements fixée par le document unilatéral n'est pas conforme aux stipulations conventionnelles.

19. Il suit de là que le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Connecting Bag Services homologué par la décision en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 18 de la convention collective applicable.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 16 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Connecting Bag Services.

Sur les conclusions de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion tendant à obtenir le remboursement de la somme versées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance :

21. La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, qui a le pouvoir d'émettre un titre exécutoire à l'effet d'obtenir le remboursement des sommes mises en première instance à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, n'est pas recevable à demander à la Cour d'ordonner la restitution des sommes ainsi versées.

Sur les frais liés à l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Connecting Bag Services et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, au titre des frais exposés par le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Connecting Bag Services est rejetée.

Article 2 : L'intervention de la Selafa MJA et de la Selarl Bally MJ, agissant en qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société Connecting Bag Services, à l'appui de la requête de la société Connecting Bag Services n'est pas admise.

Article 3 : L'intervention de la Selarl BCM, représentée par Me Bauland, agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société Connecting Bag Services, à l'appui de la requête de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion est admise.

Article 4 : L'intervention de la Selafa MJA et de la Selarl Bally MJ, agissant en qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société Connecting Bag Services, à l'appui de la requête de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion n'est pas admise.

Article 5 : Le jugement n° 2112700 du 13 décembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 6 : La demande présentée par le syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF devant le Tribunal administratif de Montreuil ainsi que ses conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Connecting Bag Services, au syndicat CFDT Groupe Air France SPASAF, à la Selarl BCM, à la Selafa MJA, à la Selarl Bally MJ et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée au directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 11 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2022.

Le président assesseur,

F. HO SI FAT

Le président-rapporteur,

R. A...La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 22PA00599, 22PA00706


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00599
Date de la décision : 05/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Robert LE GOFF
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DEMOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-05-05;22pa00599 ?
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