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13/04/2022 | FRANCE | N°21PA06243

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 13 avril 2022, 21PA06243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 20

10033 du 8 juin 2021, le Tribunal administratif de Melun a, après avoir jugé qu'il n'y ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2010033 du 8 juin 2021, le Tribunal administratif de Melun a, après avoir jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle, rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Larroque, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2010033 du 8 juin 2021 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2020 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours, sous la même astreinte et en lui remettant dans l'attente une attestation de demande d'asile en procédure normale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L.761-1 du code de justice et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 2 novembre 2021.

La requête a été communiquée le 22 décembre 2021 au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jurin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant éthiopien, né le 25 avril 1994, est entré en France le 25 mai 2019 selon ses déclarations. Il a présenté une demande d'asile le 17 juillet 2019 qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 2 juillet 2020. Par un arrêté du 6 novembre 2020, le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement n° 2010033 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La Cour nationale du droit d'asile statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prises en application des articles L. 711-1 à L. 711-4, L. 711-6, L. 712-1 à L. 712-3, L. 713-1 à L. 713-4, L. 723-1 à L. 723-8, L. 723-11, L. 723-15 et L. 723-16. A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Devant la Cour nationale du droit d'asile, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable. L'aide juridictionnelle est sollicitée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est adressée au bureau d'aide juridictionnelle de la cour, le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est suspendu et un nouveau délai court, pour la durée restante, à compter de la notification de la décision relative à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ces délais sont notifiés avec la décision de l'office. Le bureau d'aide juridictionnelle de la cour s'efforce de notifier sa décision dans un délai de quinze jours suivant l'enregistrement de la demande ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le relevé d'informations de la base de données " Telemofpra " relative à l'état des procédures des demandes d'asile et dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire en application de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mentionne que la décision de l'OFPRA du 2 juillet 2020 rejetant la demande d'asile de M. A... lui a été notifiée le 21 juillet 2020. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments produits en appel et de la capture d'écran de la page internet de suivi de ce courrier que si le pli contenant cette notification a fait l'objet d'un avis de passage le 21 juillet 2020, il n'a été distribué que le 31 juillet 2020. Ainsi la demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle déposée le 7 août 2020 par M. A... devant le bureau d'aide juridictionnelle de la Cour nationale du droit d'asile a été présentée dans le délai de quinze jours prévu par l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991, qui a commencé en l'espèce à courir le 31 juillet 2020, et a donc eu pour effet de suspendre le délai de recours contre la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. En outre, M. A... établit que la Cour nationale du droit d'asile a enregistré le 25 février 2021, après son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de la Cour nationale du droit d'asile du 4 février 2021, le recours qu'il a formé contre la décision de l'OFPRA du 2 juillet 2020. Ainsi, M. A... est fondé à soutenir qu'en prenant à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français avant la lecture d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile ou la notification d'une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile, le préfet a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est donc fondé à demander pour ce motif l'annulation de la décision prononçant son obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ainsi que, par voie de conséquence, celle de la décision fixant le pays de renvoi pour son éloignement.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté 6 novembre 2020 du préfet de Seine-et-Marne.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date du présent arrêt : " L'attestation de demande d'asile est renouvelée jusqu'à ce que le droit au maintien prenne fin en application des articles L. 542-1 ou L. 542-2. (...) ". L'exécution du présent arrêt, compte tenu de ses motifs, implique nécessairement que le préfet de la Seine-et-Marne délivre à l'intéressé une attestation de demande d'asile, sous réserve que la Cour nationale du droit d'asile n'ait pas statué sur sa requête. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-et-Marne, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ". M. A... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Larroque renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2010033 du 8 juin 2021 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 6 novembre 2020 du préfet de la Seine-et-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-et-Marne de délivrer à M. A..., sous réserve que la Cour nationale du droit d'asile n'ait pas statué sur sa requête, une attestation de demande d'asile dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Larroque la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-et-Marne et à Me Larroque.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2022.

La rapporteure,

E. JURIN Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA06243


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06243
Date de la décision : 13/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02-01 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Légalité interne. - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : LARROQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-13;21pa06243 ?
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