Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 ainsi que de la contribution exceptionnelle sur les revenus au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1905743 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a réduit la base d'imposition de 71 000 euros de revenus distribués et a déchargé les cotisations supplémentaires correspondantes à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux au titre de l'année 2012, et a rejeté le surplus de la demande des époux A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er décembre 2020 et 2 juillet 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Messeca et Boisselier, avocats, demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1905743 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris. ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles ils sont assujettis au titre des années 2011 et 2012, et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de l'année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les travaux réalisés sont déductibles des revenus locatifs dès lors qu'ils sont justifiés par des factures et concernent des logements destinés à la location ;
- ces travaux ont bien été payés à la SARL Immo Management 18 au titre des années 2011 et 2012 ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de l'appréhension des revenus distribués taxés au titre de 2012 ;
- la majoration de 40 % n'est pas justifiée.
Par un mémoire, enregistré le 1er juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Simon ;
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'une vérification approfondie de leur situation fiscale d'ensemble au titre des revenus de l'année 2011. En outre, à la suite d'un contrôle de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) Immo Management 18, dont Mme A... est gérante et associée, l'administration leur a notifié un redressement au titre de leurs revenus fonciers de l'année 2012. En ont résulté des compléments d'imposition au titre de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux pour les années 2011 et 2012, ainsi qu'une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre de l'année 2012. M. et Mme A... demandent à la Cour de réformer le jugement du 2 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé la décharge des impositions en litige correspondant à une réduction de la base imposable de 71 000 euros au titre de 2012 à raison de revenus distribués, a rejeté le surplus de leur demande.
2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, M. et Mme A... ne peuvent utilement soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit et d'erreur de fait.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes de l'article 28 du code général des impôts : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Aux termes du 1° du I de l'article 31 du même code : " Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire [...] ; / b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement [...] / b bis) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux professionnels et commerciaux destinées à protéger ces locaux des effets de l'amiante ou à faciliter l'accueil des handicapés, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement [...] ". Pour l'application de ces dispositions, doivent être regardés, d'une part, comme des travaux de construction ou de reconstruction les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction et, d'autre part, comme des travaux d'agrandissement ceux ayant pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants. Il appartient au contribuable qui entend déduire de son revenu foncier brut les dépenses constituant, selon lui, des charges de la propriété, de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges, en produisant des pièces justificatives, permettant d'établir avec précision la nature, le montant et la réalité de la charge supportée.
4. En premier lieu, M. et Mme A... demandent que l'évaluation de leur revenu foncier de l'année 2011, issu de divers biens immobiliers en région parisienne et en régions, intègre des charges d'un montant de 601 559 euros, incluant 484 000 euros au titre de travaux. L'administration a admis une déduction de 261 662 euros à titre de charges locatives. Outre la circonstance qu'une partie des factures de travaux produites, établies par différentes entreprises sous-traitantes à l'ordre de la SARL Immo Management 18, sont relatives à des résidences dont les requérants reconnaissent qu'elles n'ont pas été louées au cours des années en litige, notamment leur résidence secondaire située en Normandie, et que la somme de 50 000 euros, correspondant à un paiement de Mme A..., n'a fait l'objet d'aucune facture ni d'aucun devis, il ne résulte pas de l'instruction que les virements de M. A... à la SARL Immo Management 18, effectués les 30 et 31 décembre 2011 pour un montant de 147 000 et 287 000 euros sur le compte d'associé de M. A..., alors que ce dernier n'a pas la qualité d'associé mais de client unique, correspondent au règlement des travaux mentionnés, eu égard à l'absence de refacturation interne opérée par la SARL Immo Management 18, correspondant au coût des travaux qu'elle a acquittés. Dans ces conditions, lesdites sommes doivent être regardées comme étant restées à la disposition du titulaire du compte, sans qu'il soit établi que ces travaux ont été payés par les requérants, et ne peuvent être admises en déduction de leur revenu foncier.
5. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article 15 du code général des impôts : " Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 28 du même code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. ". Aux termes de l'article 31 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d'entretien, les frais de gérance et de rémunération des gardes et concierges, effectivement supportés par le propriétaire (...). ".
6. Il résulte de ces dispositions que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent pas venir en déduction pour la détermination du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu ; que la réserve de jouissance est établie, notamment, par l'accomplissement ou non de diligences ayant pour objet de donner le bien en location ; qu'il appartient donc au propriétaire d'apporter la preuve qu'il a offert à la location pendant l'année en cause le logement resté vacant au titre duquel il demande la déduction de charges foncières, et qu'il a pris toutes les dispositions nécessaires pour le louer.
7. Au titre de l'année 2012, M. et Mme A... ont déclaré 665 998 euros de recettes locatives et 669 149 euros de charges. L'administration, qui a remis en cause une partie des charges, a réparti les propriétés en cause en trois groupes. D'une part, s'agissant des propriétés du groupe 1, qui concerne des biens donnés en location, situés en région parisienne, l'administration a constaté des discordances avec les factures produites et a rejeté les charges déduites à concurrence de 11 664 euros, correspondant à l'excédent par rapport aux charges facturées. En se bornant à soutenir que M. A... a versé à la SARL Immo Management 18, au 31 décembre 2011, des avances de fonds pour un montant global de 1 084 000, correspondant à des travaux sur les années 2010 à 2012 et supérieur aux seules charges de l'année 2012, M. et Mme A... n'apportent pas la preuve leur incombant de l'excédent de charges déduites par rapport aux charges facturées.
8. D'autre part, s'agissant des propriétés du groupe 2, situées en Normandie, et celles du groupe 3 (autres propriétés en régions), l'administration, après avoir réintégré l'excédent de charges déduites par rapport aux charges facturées par la SARL Immo Management 18, pour les sommes de 106 110 euros pour le groupe 2 et 2 022 euros pour le groupe 3, a relevé que ces biens n'étaient pas donnés en location et que les travaux réalisés dans ces propriétés ne pouvaient valablement s'imputer sur les revenus fonciers des autres biens. Les requérants admettent dans leurs écritures que ces biens, qui incluent leur résidence secondaire de Normandie, n'ont pas été donnés en location de 2010 à 2014. Les attestations produites permettent d'établir qu'ils n'étaient toujours pas loués en 2019, année au cours de laquelle les requérants ont contacté des agences immobilières pour les louer après travaux. En admettant même que certains de ces biens ne seraient pas en état d'être loués et que les travaux ont été étalés compte tenu de leur coût, les requérants n'établissent pas avoir accompli en 2012 toutes les diligences nécessaires pour louer ces biens. Ainsi, les sommes en litige ne peuvent être admises en déduction du revenu foncier.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". Lorsqu'une société a pris en charge des dépenses incombant normalement à un tiers sans que la comptabilisation de cette opération ne révèle, par elle-même, l'octroi d'un avantage, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du tiers, cette somme, d'établir, d'une part, que la prise en charge de cette dépense ne comportait pas de contrepartie pour la société, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour celle-ci, d'octroyer, et pour le tiers, de recevoir, une libéralité.
10. L'administration a, d'une part, relevé une différence entre les sommes engagées par la SARL Immo Management 18 en 2012, pour les propriétés de M. A... situées en Normandie, pour un montant de 211 610 euros, et le montant effectivement facturé à hauteur de 59 250 euros, qu'elle a regardé comme constituant une libéralité de la société à hauteur de la différence, soit 153 360 euros. En relevant l'importance de cette somme par rapport au montant des charges exposées, et la communauté d'intérêts entre la société, dont Mme A... est l'associée unique et M. A... le client unique, et les requérants, alors que les dépenses en cause portent sur des biens dont aucun élément de l'instruction ne permet de considérer que les intéressés n'avaient pas conservé la disposition, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'intention libérale de la part de la société et de M. A....
11. Le service a, d'autre part, constaté le versement, le 6 janvier 2012, de la somme de 350 000 euros de la SARL Immo Management 18 sur le compte bancaire de M. A..., sans que cette opération ne soit justifiée par aucune pièce comptable. Les requérants soutiennent que ces sommes proviennent du remboursement d'avances de trésorerie consenties par M. A... à la société. Or, celui-ci n'étant pas associé de ladite société, il ne pouvait être titulaire d'un compte courant d'associé ni consentir de telles avances de trésorerie. C'est dès lors à bon droit, eu égard aux liens entre l'intéressé et la société, mentionnés au point précédent du présent arrêt, que cette somme a été regardée comme des revenus distribués taxables sur le fondement de l'article 111 c. du code général des impôts.
Sur les pénalités :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts ; " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ".
13. En relevant l'importance des sommes éludées de l'impôt sur le revenu, tant en valeur absolue qu'en proportion des revenus déclarés, et le caractère réitéré d'inscription indue de dépenses en déduction du revenu foncier, l'administration a justifié le caractère délibéré du manquement des époux A... et a pu leur infliger la pénalité de 40 % objet des dispositions précitées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de leur demande. Leurs conclusions aux fins d'annulation de ce jugement, ainsi que celles tendant à la mise à la charge de l'Etat des frais d'instance non compris dans les dépens, ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er la requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).
Délibéré après l'audience du 28 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 11 avril 2022.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03700