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08/04/2022 | FRANCE | N°21PA05846

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 08 avril 2022, 21PA05846


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

17 septembre 2021 par lequel le préfet de police a prononcé son transfert aux autorités roumaines responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2120822/8 du 29 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 novembre 2021 et le 14 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Pie

rre, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2120822/8 du 29 octobre 2021 du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

17 septembre 2021 par lequel le préfet de police a prononcé son transfert aux autorités roumaines responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2120822/8 du 29 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 novembre 2021 et le 14 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Pierre, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2120822/8 du 29 octobre 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2021 par lequel le préfet de police a prononcé son transfert aux autorités roumaines responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile en " procédure normale ", de lui délivrer une attestation de demande d'asile et de lui remettre le formulaire OFPRA ;

4°) de condamner l'Etat à verser à Me Pierre une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- de ce fait, le jugement attaqué est également irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté préfectoral du 17 septembre 2021 est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en ce qu'il fait une application erronée des critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande ;

- il méconnaît les dispositions des 17 et 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en raison de la défaillance de l'Etat roumain en matière de prise en charge des demandeurs d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Portes,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me Pierre, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1997, a sollicité le bénéfice de la protection internationale par une demande déposée le 27 juillet 2021. Par un arrêté du

17 septembre 2021, le préfet de police a prononcé son transfert aux autorités roumaines responsables du traitement de sa demande d'asile. M. C... relève appel du jugement du

29 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Le requérant fait valoir que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Cependant, dès lors que le préfet a pris sa décision sur le fondement de l'article 18 1 b) de ce règlement, ce moyen était inopérant et le tribunal n'était pas tenu d'y répondre. Les moyens tirés de l'omission à statuer et du défaut de motivation du jugement attaqué doivent donc être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul A..., parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet A..., dit A... membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun A... membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet A..., qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre A... membre, elle peut être transférée vers cet A..., à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre A... membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre A... membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

4. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre A... membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet A..., doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

5. L'arrêté prononçant le transfert de M. C... aux autorités roumaines vise le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ainsi que le règlement CE n°1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de M. C..., précise que la consultation du système Eurodac a montré que l'intéressé était connu des autorités roumaines et bulgares auprès desquelles il avait sollicité l'asile. Il indique, par ailleurs, qu'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 a été refusée par les autorités bulgares et acceptée par les autorités roumaines le 1er septembre 2021. Il en résulte que la décision portant transfert de l'intéressé auprès de ces dernières autorités est ainsi suffisamment motivée en application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En deuxième lieu, les critères du chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont susceptibles de fonder une décision de transfert que s'il s'agit d'un transfert en vue d'une première prise en charge, et non en vue d'une reprise en charge. Les dispositions de l'article

18-1, b) à d) de ce règlement doivent être regardées comme figurant au nombre des critères énumérés dans le règlement, au sens du 2 de l'article 3 du règlement. Par suite, lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile auprès d'un ou de plusieurs Etats membres, avant d'entrer sur le territoire d'un autre A... membre pour y solliciter de nouveau l'asile dans des conditions permettant à cet A... de demander sa reprise en charge sur le fondement des dispositions de l'article 18-1 b), c) ou d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, il ne peut invoquer le moyen tiré de l'appréciation erronée des critères énoncés à l'article 3 et au chapitre III de ce règlement.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré irrégulièrement en Bulgarie, où il a déposé deux demandes d'asile puis s'est rendu en Roumanie où il a également effectué une demande d'asile. Les autorités roumaines ont explicitement accepté de reprendre en charge l'intéressé sur le fondement de l'article 18-1 b) de ce règlement. Par suite, en vertu de la règle énoncée au point précédent, le requérant ne peut utilement invoquer le critère de responsabilité énoncé au 2 de l'article 3 de ce texte.

8. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet A... membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre A... membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque A... membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

9. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un A... autre que la France, que cet A... a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet A... membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet A... membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet A... membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet A... de ses obligations.

10. Si M. C... fait état du caractère dégradant et inhumain des traitements réservés aux demandeurs d'asile en Roumanie, il n'en établit pas la réalité en se référant à son propre récit ou à divers rapports et documents sur la situation générale des demandeurs d'asile dans ce pays. Il n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux méconnaîtrait les dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- Mme Portes, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2022.

La rapporteure,

C. PORTESLa présidente,

M. HEERS

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05846


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05846
Date de la décision : 08/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-08;21pa05846 ?
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