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08/04/2022 | FRANCE | N°21PA01722

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 08 avril 2022, 21PA01722


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la délibération du 27 septembre 2019 par laquelle le jury final de la deuxième année du master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produits " - de l'Institut francilien des sciences appliquées (Université Paris-Est Marne-la-Vallée) a décidé son ajournement, la décision de l'université de ne pas l'autoriser à se réinscrire et la décision du 15 novembre 2019 rejetant son recour

s gracieux ;

2°) d'enjoindre à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée :

- à titre pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun :

1°) d'annuler la délibération du 27 septembre 2019 par laquelle le jury final de la deuxième année du master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produits " - de l'Institut francilien des sciences appliquées (Université Paris-Est Marne-la-Vallée) a décidé son ajournement, la décision de l'université de ne pas l'autoriser à se réinscrire et la décision du 15 novembre 2019 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée :

- à titre principal, de lui délivrer le diplôme de master " Génie industriel " - parcours

" Ingénierie de la production et conception de produits " ;

- à titre subsidiaire, de réunir un jury de soutenance de l'unité d'enseignement UE1S3

" Ingénierie de la conception mécanique " pour qu'il puisse se présenter à cette épreuve dans des conditions régulières et réunir le jury final pour qu'il délibère à nouveau sur sa situation ;

- à titre infiniment subsidiaire, de l'autoriser à redoubler.

Par un jugement n° 1910503 du 5 février 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé la délibération du 27 septembre 2019 par laquelle le jury de la deuxième année du master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produit " - a prononcé l'ajournement de M. A..., la décision de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée de lui refuser le redoublement et la décision du 15 novembre 2019 de rejeter son recours gracieux sont annulées et enjoint à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée de procéder à un réexamen de la situation de M. A..., en tenant compte des motifs d'annulation retenus, et de prendre une nouvelle décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 avril 2021 et le 13 décembre 2021, l'université Paris-Est Marne-la-Vallée devenue Université Gustave Eiffel, représentée par Me Claisse, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 février 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'université soutient que :

- il n'est pas établi que la minute du jugement attaqué aurait été régulièrement signée conformément aux exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu que les modalités de contrôle des connaissances n'étaient pas suffisamment définies et n'étaient pas régulièrement opposables aux étudiants ;

- les conclusions dirigées contre le refus du redoublement n'étaient pas recevables et en outre n'étaient pas fondées ;

- contrairement à ce que soutient M. A..., les modalités de contrôle des connaissances relatives à l'année 2018/2019 comportaient bien l'ensemble des renseignements exigées par la circulaire n° 2000-033.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2021, M. A... conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de l'Université Gustave Eiffel une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'université ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- l'arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Briançon, rapporteure,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me Girard, représentant l'Université Gustave Eiffel.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 14 juillet 1994, inscrit au titre de l'année universitaire 2018/2019 en deuxième année du master " Génie industriel ", parcours " Ingénierie de la production et conception de produit ", de l'Institut francilien des sciences appliquées (IFSA), créé au sein de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée. Au terme de cette année, le jury, par une délibération du 27 septembre 2019, a prononcé son ajournement et a proposé de ne pas l'autoriser à redoubler. Il a formé un recours gracieux par courrier du 21 octobre 2019 auprès du responsable de la formation, qui a été rejeté le 15 novembre 2019. L'université Paris-Est Marne-la-Vallée devenue Université Gustave Eiffel demande à la Cour d'annuler le jugement du 5 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé la délibération du 27 septembre 2019 par laquelle le jury de la deuxième année du master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produit " - a prononcé l'ajournement de M. A..., la décision de l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée de lui refuser le redoublement et la décision du 15 novembre 2019 de rejeter son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort de la minute du jugement produite avec les pièces du dossier de première instance que cette décision a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Elle comporte ainsi l'ensemble des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation qui a été notifiée aux parties ne comporte pas la reproduction de ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement.

3. En second lieu, contrairement à ce que soutient l'université, en se fondant sur les articles L. 613-1 et L. 712-6-1 du code de l'éducation et en indiquant que " si les documents déterminent les modalités générales de déroulement des épreuves, de fonctionnement des jurys et de validation des unités d'enseignement, aucun ne vient préciser, pour la formation considérée, le nombre d'épreuves, leur nature, leur durée, leur coefficient, la répartition éventuelle entre le contrôle continu et le contrôle terminal et la place respective des épreuves écrites et orales ", le tribunal a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'insuffisance de précision des modalités de contrôle des connaissances, alors même qu'il n'a pas mentionné le fondement des critères retenus ayant conduit à cette appréciation, qui relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la délibération du 27 septembre 2019 par laquelle le jury de la deuxième année du master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produit " - a prononcé l'ajournement de M. A... :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'éducation : " (...) / Les aptitudes et l'acquisition des connaissances sont appréciées, soit par un contrôle continu et régulier, soit par un examen terminal, soit par ces deux modes de contrôle combinés. Les modalités de ce contrôle (...) doivent être arrêtées dans chaque établissement au plus tard à la fin du premier mois de l'année d'enseignement et elles ne peuvent être modifiées en cours d'année. / (...) ". Aux termes de l'article L. 712-6-1 du même code : " I.- La commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique est consultée sur les programmes de formation des composantes. / Elle adopte : / (...) / 2° Les règles relatives aux examens ; / (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 22 janvier 2014 fixant le cadre national des formations conduisant à la délivrance des diplômes nationaux de licence, de licence professionnelle et de master : " Dans le cadre de la stratégie générale et de la politique des moyens de l'établissement arrêtées par le conseil d'administration, l'offre de formation ainsi que ses caractéristiques en termes de contenus, de structuration des parcours, de modalités de contrôle des connaissances et compétences et de dispositifs pédagogiques sont soumises à l'avis des conseils des composantes concernées et approuvées par l'instance de l'établissement qui a compétence en matière de formation. Ces caractéristiques sont transmises dans le cadre de la procédure nationale d'accréditation de l'établissement ". Aux termes de l'article 14 du même arrêté : " (...) les modalités de contrôle des connaissances et des compétences [...] sont arrêtées par la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique ou par l'instance qui en tient lieu, après avis des conseils de composante. De la même manière, la réglementation de chaque diplôme fixe le cadre dans lequel peuvent être définies des règles de compensation des résultats et, le cas échéant, les autres modalités d'évaluation applicables. / (...) ".

6. Enfin, aux termes de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'entrée en vigueur d'un acte réglementaire est subordonnée à l'accomplissement de formalités adéquates de publicité, notamment par la voie, selon les cas, d'une publication ou d'un affichage, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d'autres formalités préalables. (...) ". Par ailleurs, la circulaire n° 2000-033 du

1er mars 2000 relative à l'organisation des examens dans les établissements publics de l'enseignement supérieur publié au BO n°10 du 9 mars 2000, précise que : " Les modalités de contrôle des connaissances doivent comporter l'indication du nombre d'épreuves, de leur nature, de leur durée, de leur coefficient ainsi que la répartition éventuelle entre le contrôle continu et le contrôle terminal et la place respective des épreuves écrites et orales. L'ensemble de ce règlement doit être affiché dès son adoption, sur les lieux d'enseignement. ".

7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les examens conduisant à la délivrance du diplôme de master doivent être organisés conformément à des modalités précises permettant la complète information des étudiants. Edictées en vue d'assurer l'égalité entre les étudiants, elles doivent être arrêtées au plus tard au terme du premier mois de l'année d'enseignement et ne pas être modifiées en cours d'année. Par ailleurs, pour être régulièrement opposables aux étudiants, elles doivent avoir fait l'objet de formalités adéquates de publicité.

8. A supposer même que les documents adoptés par la commission de la formation et de la vie universitaire lors de ses séances des 3 mai et 28 juin 2018 et constituant le règlement des examens applicables à la formation considérée, à savoir le " règlement des examens 2018/2019 ", le " règlement des jurys 2018/2019 ", les " dispositions générales concernant les règles de progression et les modalités de contrôle des connaissances et des aptitudes en master 2018/2019 " ainsi qu'un document intitulé " organisation de la formation et modalités de contrôles des connaissances spécifiques " applicable au master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produit ", soient regardés comme suffisamment précis et détaillés, les éléments produits par l'université, à savoir deux captures d'écran de mise en ligne le 18 septembre 2018 et un courriel de la vice-présidente du 18 décembre 2018 concernant l'affichage de la composition du jury, et dont M. A... soutient sans être contredit que ces éléments attestent uniquement d'une diffusion sur l'intranet des personnels non accessible aux étudiants, ne permettent pas d'établir que la publicité des modalités de contrôle des connaissances et des aptitudes en master 2018/2019 aurait été régulièrement effectuée et que les étudiants ont pu en prendre connaissance sur un site de l'université ou par voie d'affichage. Dès lors, les modalités spécifiques de contrôle des connaissances du master 2 " génie industriel " parcours " Ingénierie de Production et Conception de Produit " au titre de l'année universitaire 2018-2019 n'ayant pas fait l'objet d'une publicité adaptée ne pouvaient être régulièrement opposés à M. A.... Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a annulé pour défaut de base légale la délibération du 27 septembre 2019 par laquelle le jury de la deuxième année du master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produit " a prononcé l'ajournement de M. A....

En ce qui concerne la décision de l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée de lui refuser le redoublement :

9. D'une part, aux termes du paragraphe 5 des " dispositions générales concernant les règles de progression et les modalités de contrôle des connaissances et des aptitudes en master 2018/2019 " : " La réinscription en première ou en deuxième année de master est soumise à l'avis du responsable de la formation sur proposition du jury ou de l'avis de l'équipe pédagogique ". Il en résulte que, contrairement à ce que soutient l'Université Paris-Est Marne-la- Vallée en défense, la décision d'autoriser le redoublement d'un étudiant ressortit à la compétence de l'administration de l'université sur proposition du jury. Il ressort de la délibération du 27 septembre 2019 que le jury qui a prononcé l'ajournement de M. A... a par ailleurs mentionné " non autorisé à redoubler ". Dans ces conditions, alors que M. A... n'était plus en mesure de solliciter son redoublement, l'administration doit être regardée comme ayant pris une décision non formalisée de refus de redoublement. Par suite, l'université n'est pas fondée à soutenir que les conclusions dirigées contre " la décision de l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée de lui refuser le redoublement " seraient irrecevables.

10. D'autre part, aux termes du paragraphe 5 des " dispositions générales concernant les règles de progression et les modalités de contrôle des connaissances et des aptitudes en master 2018/2019 " : " La réinscription en première ou en deuxième année de master est soumise à l'avis du responsable de la formation sur proposition du jury ou de l'avis de l'équipe pédagogique ". Ces dispositions sont reprises dans le paragraphe 5 du document intitulé " organisation de la formation et modalités de contrôles des connaissances spécifiques " applicable au master " Génie industriel " - parcours " Ingénierie de la production et conception de produit ".

11. En l'absence d'argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif ayant estimé à bon droit, eu égard à ses résultats et compte tenu notamment des notes obtenues par trois autres étudiants ajournés admis à redoubler alors que leurs résultats sur les mêmes unités d'évaluation sont comparables voire inférieurs aux siens, que la décision de refus de redoublement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Le moyen soulevé par l'université doit dès lors être écarté par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

12. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée devenue Université Gustave Eiffel doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Université Gustave Eiffel demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée devenue Université Gustave Eiffel est rejetée.

Article 2 : L'Université Gustave Eiffel versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'université Paris-Est Marne-la-Vallée devenue Université Gustave Eiffel et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 25 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Briançon, présidente assesseure,

- Mme Portes, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2022 .

La rapporteure,

C. BRIANÇON

La présidente,

M. HEERS

La greffière,

V. BREME

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01722
Date de la décision : 08/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Claudine BRIANÇON
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : ROZE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-08;21pa01722 ?
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