Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Compagnie Vueling Airlines a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision n°17/281-1608CDG6692 du 7 juin 2017 par laquelle l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) lui a infligé une amende administrative d'un montant de 35 000 euros et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1715470 du 30 décembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 7 juin 2017 du président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, prononcé une amende administrative d'un montant de 34 000 euros à l'encontre de la société Vueling Airlines et rejeté le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions présentées par l'ACNUSA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 février 2021, la compagnie Vueling Airlines demande à la Cour :
1°) de confirmer l'article 1er du jugement, et d'annuler ses articles 2 et 3 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le juge administratif ne pouvait exercer son office de plein contentieux en prononçant une nouvelle sanction dès lors que la procédure était entachée d'irrégularité du fait de l'incompétence de l'ACNUSA pour connaitre du manquement en cause, en méconnaissance notamment du principe de légalité des délits et des peines et d'application stricte de la loi pénale ;
- la sanction prononcée résulte d'une dénaturation dès lors qu'il est impossible de savoir si l'heure du manquement correspond à celle de la présence de l'aéronef sur l'aire de stationnement ou sur le point de stationnement.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 novembre 2021, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocats aux conseils, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de la Compagnie Vueling Airlines une somme de 3 000 euros en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 29 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
20 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des transports ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Labetoulle,
- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,
- et les observations de Me Thiriez pour l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA).
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision n°17/281-1608CDG6692 en date du 7 juin 2017, l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) a infligé à la société Vueling Airlines une amende administrative d'un montant de 35 000 euros au titre d'un manquement à l'arrêté du
6 novembre 2003 modifié portant interdiction entre 00 heure et 04h59 des décollages d'aéronefs non programmés pendant ladite période horaire sur l'aérodrome de Paris Charles de Gaulle. La société Vueling Airlines a dès lors saisi le tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 30 décembre 2020, a annulé cette décision du 7 juin 2017 du président de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, mais, qui, dans le cadre de ses pouvoirs de plein contentieux, s'est substitué à cet organisme pour prononcer une amende administrative d'un montant de
34 000 euros à l'encontre de la société Vueling Airlines. Cette société interjette dès lors appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé cette amende.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 160-1 du code de l'aviation civile: " I. - Le ministre chargé de l'aviation civile peut prononcer une amende administrative à l'encontre d'un transporteur aérien ou de tout autre exploitant d'aéronef civil qui : 1° Procède sur un aéroport coordonné, en violation de l'article R. 132-4 : à un atterrissage ou à un décollage sans disposer du créneau horaire correspondant ; à des atterrissages ou à des décollages, de façon répétée et intentionnelle, à des horaires significativement différents des créneaux horaires qui lui ont été attribués à cet effet par le coordonnateur de l'aéroport ou en utilisant des créneaux horaires d'une manière significativement différente de celle indiquée au moment de l'attribution (...) ". Aux termes de L. 6361-12 du code des transports : " L'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires prononce une amende administrative à l'encontre 1° De la personne exerçant une activité de transport aérien public au sens de l'article L. 6412-1 ; 2° De la personne au profit de laquelle est exercée une activité de transport aérien au sens de l'article L. 6400-1 ; 3° De la personne exerçant une activité aérienne, rémunérée ou non, autre que celles mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;4° Du fréteur dans le cas défini par l'article L. 6400-2 ne respectant pas les mesures prises par l'autorité administrative sur un aérodrome fixant : a) Des restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes, de la classification acoustique, de leur capacité en sièges ou de leur masse maximale certifiée au décollage ;b) Des restrictions permanentes ou temporaires apportées à l'exercice de certaines activités en raison des nuisances environnementales qu'elles occasionnent ; c) Des procédures particulières de décollage ou d'atterrissage en vue de limiter les nuisances environnementales engendrées par ces phases de vol ; d) Des règles relatives aux essais moteurs ; e) Des valeurs maximales de bruit ou d'émissions atmosphériques polluantes à ne pas dépasser ". Aux termes de l'article L. 6361-13 du même code : " Les amendes administratives mentionnées à l'article L. 6361-12 ne peuvent excéder, par manquement constaté, un montant de 1 500 € pour une personne physique et de
20 000 € pour une personne morale. S'agissant des personnes morales, ce montant maximal est porté à 40 000 € lorsque le manquement concerne :1° Les restrictions permanentes ou temporaires d'usage de certains types d'aéronefs en fonction de leurs émissions atmosphériques polluantes ou de la classification acoustique ;2° Les mesures de restriction des vols de nuit. (...) ". Enfin l'article L. 6361-14 du même code, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 30 juin 2018, disposait que : " Les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 6142-1 constatent les manquements aux mesures définies par l'article L. 6361-12. Ces manquements font l'objet de procès-verbaux qui, ainsi que le montant de l'amende encourue, sont notifiés à la personne concernée et communiqués à l'autorité. / A l'issue de l'instruction, le président de l'autorité peut classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières à la commission des faits le justifient ou que ceux-ci ne sont pas constitutifs d'un manquement pouvant donner lieu à sanction. / (...) / Un rapporteur permanent et son suppléant sont placés auprès de l'autorité. / Au terme de l'instruction, le rapporteur notifie le dossier complet d'instruction à la personne concernée. Celle-ci peut présenter ses observations au rapporteur. / L'autorité met la personne concernée en mesure de se présenter devant elle ou de se faire représenter. Elle délibère valablement au cas où la personne concernée néglige de comparaître ou de se faire représenter. / Après avoir entendu le rapporteur et, le cas échéant, la personne concernée ou son représentant, l'autorité délibère hors de leur présence. / Les membres associés participent à la séance. Ils ne participent pas aux délibérations et ne prennent pas part au vote. ".
3. Ainsi que l'a, à juste titre, rappelé le tribunal, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 6361-14 du code des transports, dans leur version applicable au présent litige, qu'à l'issue de l'instruction, le président de l'ACNUSA a le pouvoir de classer sans suite une procédure de sanction engagée à l'encontre d'une personne ayant fait l'objet d'un constat de manquement aux mesures définies par l'article L. 6361-12 du même code s'il estime que les faits ne sont pas constitutifs d'un manquement pouvant donner lieu à sanction, ou que les circonstances particulières à la commission des faits justifient un tel classement. Il a, à juste titre aussi, jugé qu'il résulte de l'instruction que dans les procédures concernant la société requérante, le président a fait usage de son pouvoir de poursuite des manquements constatés et que, dans ces conditions, sa participation aux débats et au vote à l'issue desquels a été prononcée la sanction contestée, alors qu'il devait être regardé comme ayant refusé de procéder au classement sans suite du dossier, a méconnu les exigences attachées au principe d'impartialité rappelées par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et qu'ainsi la décision attaquée avait été adoptée par une formation composée en méconnaissance du principe d'impartialité et devait être annulée.
4. Cependant, cette méconnaissance du principe d'impartialité n'entache pas d'irrégularité l'ensemble de la procédure suivie devant l'ACNUSA, et n'affecte ni l'engagement de cette procédure, ni l'instruction et les poursuites. Mais la société requérante fait valoir que l'ACNUSA n'était pas compétente pour prononcer l'amende en cause, qui n'aurait pu l'être selon elle que par le ministre chargé de l'aviation civile, en application des dispositions précitées de l'article R. 160-1 du code de l'aviation civile, et elle doit dès lors être regardée comme mettant en cause la régularité de l'ensemble de la procédure ayant donné lieu à cette sanction, comme conduite par une autorité incompétente. Toutefois si elle fait valoir que le manquement à l'origine des poursuites, qualifié dans le procès-verbal de manquement en date du
13 septembre 2016 de " départ de nuit sans créneau ", consisterait de ce fait essentiellement en un décollage dépourvu de créneau horaire, dont le caractère nocturne serait accessoire, il résulte au contraire tant de ce procès-verbal que de la décision de l'ACNUSA du 7 juin 2017 que les poursuites ont été engagées pour méconnaissance des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du
6 novembre 2003 modifié portant interdiction entre 0h et 4h59 des décollages d'aéronefs non programmés pendant ladite période horaire sur l'aérodrome de Paris Charles de Gaulle, lesquelles ont pour objet de restreindre la circulation aérienne de nuit et revêtent ainsi le caractère de " restrictions permanentes ou temporaires apportées à l'exercice de certaines activités en raison des nuisances environnementales qu'elles occasionnent " au sens des dispositions précitées de l'article L. 6361-12 du code des transports instaurant la compétence de l'ACNUSA pour sanctionner de telles infractions. Ainsi le manquement constaté entre bien dans le champ d'application de cet article, ainsi qu'il ressort d'ailleurs également des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 6361-13 du même code mentionnant explicitement, parmi les manquements relevant de cet article L. 6361-12, et par suite de la compétence de l'ACNUSA, ceux concernant " les mesures de restriction des vols de nuit ", sans que la société requérante soit, compte tenu de ce qui précède et des termes de ces deux articles, fondée à invoquer une quelconque contradiction entre eux, les mesures de restrictions des vols de nuit, si elles ne sont pas explicitement mentionnées à l'article L. 6361-12, étant incluses dans la catégorie des activités faisant l'objet de restrictions en raison de leurs nuisances environnementales. Dès lors la société Vueling n'est, en tout état de cause, pas non plus fondée à invoquer le principe de légalité des délits et des peines et celui de l'application stricte de la loi pénale, pour en déduire que l'ACNUSA n'aurait pu connaitre de l'infraction en cause " faute d'un texte précis " lui conférant cette compétence.
5. En revanche, alors que l'article 1er de l'arrêté du 6 novembre 2003 interdit en principe " le départ d'un aéronef du point de stationnement en vue d'un décollage de cette plate forme entre 0 heure et 4h59 heures locales, si ce décollage n'a pas fait l'objet de l'attribution d'un créneau horaire de départ (...) ", la société Vueling Airlines fait valoir à juste titre que les pièces du dossier de poursuite ne permettaient pas de déterminer avec certitude si l'heure qui a été constatée correspondait au départ de l'aéronef en cause du point de stationnement ou de l'aire de stationnement. Toutefois, elle n'établit pas que, contrairement à ce que soutient l'ACNUSA, ces deux emplacements seraient à une distance telle l'un de l'autre que cette ambiguïté aurait été susceptible d'avoir une incidence sur la matérialité du manquement à l'origine de la procédure pas plus que sur le caractère proportionné, au demeurant non contesté, du montant de l'amende prononcée. Par suite la société Vueling n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a, dans le cadre de ses pouvoirs de plein contentieux, prononcé à son encontre une amende d'un montant de 34 000 euros.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vueling Airlines n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé à son encontre une amende d'un montant de 34 000 euros. Elle n'est par suite pas fondée à demander l'annulation des articles 2 et 3 du jugement attaqué.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Vueling Airlines au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Vueling Airlines une somme de 1 500 euros à verser à l'Etat (ACNUSA) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête susvisée est rejetée.
Article 2 : La société Vueling Airlines versera à l'Etat (ACNUSA) une somme de 1 500 euros en application de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à la société Vueling Airlines et à l'ACNUSA.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 avril 2022.
La rapporteure,
M-I. LABETOULLELe président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00959