Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 25 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2003380 du 24 juin 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mai 2021, M. A..., représenté par Me Koszczanski, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003380 du 24 juin 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Seine-Saint-Denis du 25 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un défaut d'examen ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est estimé en situation de compétence liée pour prononcer à son encontre une mesure d'éloignement ;
- le préfet de la Seine-Saint-Denis n'établit pas l'avoir invité à présenter une demande d'admission au séjour à un autre titre que l'asile ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles L. 114-5 et L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il méconnaît son droit à être entendu ; ce faisant, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 29 janvier 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- et le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Aggiouri a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 25 février 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. A..., ressortissant sri-lankais né le 21 juin 1981, à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent [...] ".
3. L'arrêté contesté, après avoir visé la convention de Genève du 28 juillet 1951, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 311-6 et son livre VII, relève que " la demande d'asile présentée le 7 juillet 2008 par M. A... a fait l'objet d'un rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 30 octobre 2008, notifié le 7 novembre 2008, que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours par une décision du 11 juin 2010, notifiée le 18 juin 2010 ". Il ajoute que " la demande de réexamen présentée le 5 juin 2018 par M. A... a fait l'objet d'un rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 23 août 2019, notifié le 2 septembre 2019, en application du 2° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", " qu'en application de l'article L. 743-2 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit au maintien sur le territoire français de M. A... a pris fin le 2 février 2019 " et " que le recours introduit par l'intéressé le 30 septembre 2019 devant la Cour nationale du droit d'asile ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de ces dispositions ". Par ailleurs, il indique que " l'intéressé ne justifie pas, en France, d'une situation personnelle et familiale à laquelle la présente décision porterait une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi ". Enfin, il relève que " l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ". Ainsi, l'arrêté comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour ".
5. M. A... soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne l'aurait pas invité à indiquer s'il entendait présenter une demande d'admission au séjour sur un autre fondement que l'asile. Toutefois, il résulte du paragraphe IV de l'article 71 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 que son article 44, dont sont issues les dispositions alors codifiées à l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'applique aux demandes d'asile déposées à compter du 1er mars 2019. M. A..., qui a déposé sa demande d'asile le 5 juin 2018, ne peut donc utilement s'en prévaloir. Dès lors que ces dispositions n'étaient pas applicables, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions des articles L. 114-5 et L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration.
6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre [...] ".
7. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
8. En l'espèce, M. A... soutient qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter des observations préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté. Toutefois, et à supposer même que, contrairement à ce que mentionne l'arrêté contesté, il n'aurait pas été invité à présenter des observations, il n'indique pas en quoi il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu, tel qu'il est énoncé notamment au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.
9. En quatrième lieu, il ressort des dispositions alors codifiées à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à un étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, imposant de façon générale le respect d'une procédure contradictoire en préalable aux décisions individuelles soumises à l'exigence de motivation, ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une telle mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté.
10. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'était nullement tenu de solliciter de la part de M. A... le dépôt d'éventuelles pièces ou observations complémentaires préalablement au prononcé de l'arrêté contesté, n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation, ni qu'il se serait estimé en situation de compétence liée pour prononcer à son encontre une mesure d'éloignement.
11. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. M. A... se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France, depuis plus de dix ans, et de son activité professionnelle en qualité de monteur d'échafaudages, puis de commis de cuisine. Toutefois, M. A... n'apporte aucune précision ni élément de preuve quant à sa situation familiale, et n'établit pas qu'il serait dépourvu d'attaches privées ou familiales dans son pays d'origine, où il a vécu, à tout le moins, jusqu'à l'âge de 30 ans. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que cet arrêté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
13. En septième lieu, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas l'attribution de plein droit d'un titre de séjour, de sorte que M. A... ne saurait utilement s'en prévaloir pour soutenir que le préfet de police ne pouvait prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire français.
14. En huitième lieu, M. A... ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, laquelle ne comporte aucune valeur réglementaire.
15. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " [...] Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
16. M. A... soutient qu'il encourt de graves dangers en cas de retour au Sri Lanka en raison du soutien qu'il aurait apporté au mouvement des Tigres libérateurs (LTTE). Toutefois, il n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ses allégations et n'établit pas, ce faisant, qu'il encourrait des risques personnels et effectifs pour sa sécurité en cas de retour au Sri Lanka, alors, au demeurant, que ses demandes de reconnaissance du statut de réfugié ont été successivement rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par des décisions du 30 octobre 2008 et du 23 août 2019, la première d'entre elles ayant été confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 juin 2010. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 1er avril 2022.
Le rapporteur,
K. AGGIOURILa présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNANLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA02847 2