Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.
Par un jugement n° 1811054 du 29 janvier 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. et Mme B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 mars 2020, le 21 décembre 2020 et le 11 février 2021, M. et Mme B..., représentés par Me Canis, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1811054 du 29 janvier 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que les pénalités pour manquement délibéré n'étaient pas justifiées ;
- les premiers juges ne pouvaient se fonder sur certains éléments dont se prévalait l'administration fiscale ;
- les avis d'imposition sont entachés d'irrégularité dès lors qu'ils comportent un montant d'intérêts de retard différent de celui indiqué dans les conséquences financières du contrôle annexées au courrier du 16 novembre 2015 ;
- les sommes versées aux sociétés Ferlicot et Carola Technologies correspondent au paiement de prestations de services rendues par ces sociétés à la société Van Neulen et Schmit ;
- l'administration ne démontre pas que les sommes en litige ont été mises à la disposition de M. B... ;
- les sommes n'apparaissent pas au crédit de leurs comptes bancaires ;
- l'administration fiscale ne pouvait se fonder sur l'existence de plusieurs maîtres de l'affaire ;
- l'administration fiscale a méconnu la doctrine référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-10, en ses paragraphes 230 et 260 ;
- le manquement délibéré n'est pas établi ;
- l'administration fiscale a méconnu la doctrine administrative référencée BOI-CF-INF-10-20-20, en son paragraphe n° 40.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 octobre 2020 et le 28 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- et le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Aggiouri ;
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Tozzi, substituant Me Canis, avocat de M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., consultant informatique auprès de la société Van Neulen et Schmit, a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, à l'issue duquel l'administration fiscale a mis à sa charge, selon la procédure de rectification contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011 à 2013. Par une décision du 2 mai 2018, l'administration fiscale a, d'une part, dégrevé les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. B... au titre des années 2012 et 2013, d'autre part réduit, en application de la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, la base d'imposition des contributions sociales mises à la charge de M. B... au titre de l'année 2011, qu'elle avait initialement affectée d'un coefficient de 1,25, et prononcé un dégrèvement à concurrence de cette réduction. M. et Mme B... demandent l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions restant à leur charge.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". A cet égard, si le juge est tenu de répondre aux moyens des parties, il n'est pas dans l'obligation de répondre à l'ensemble des arguments soulevés à l'appui de ces moyens.
3. Les premiers juges ont suffisamment répondu, aux points 6 et 7 de leur jugement, au moyen tiré de ce que les majorations mises à la charge de M. et Mme B... sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts n'étaient pas justifiées. Par ailleurs, si M. et Mme B... soutiennent que les premiers juges ne pouvaient se fonder sur certains éléments dont se prévalait l'administration fiscale, au motif qu'ils seraient selon eux erronés, un tel moyen ressortit au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
4. Aux termes de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales : " [...] L'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement [...] ".
5. M. et Mme B... soutiennent que les deux avis d'imposition qui leur ont été adressés au titre de l'année 2011, portant respectivement sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge, seraient irréguliers dès lors qu'ils mentionnent un montant total dû de 67 900 euros, alors que le tableau synthétisant les " conséquences financières du contrôle " annexé au courrier du 16 novembre 2015 qui leur a été adressé par l'inspectrice des finances publiques à la suite de l'exercice de leur recours hiérarchique faisait état d'un montant total dû au titre de l'année 2011 de 62 539 euros.
6. D'une part, dans le cadre d'un contentieux d'assiette, les irrégularités qui entachent les avis relatifs aux impositions recouvrées par voie de rôle sont sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de l'impôt.
7. D'autre part, il résulte des mentions du tableau annexé au courrier du 16 novembre 2015 que la discordance relevée par les requérants, qui s'élève à 5 361 euros, correspond au montant des intérêts de retard assis sur les impositions mises à leur charge au titre de l'année 2011, la mention " 5 361 ", figurant sur ce tableau au titre des intérêts de retard, étant suivie d'une mention
" - 5 361 ", et la récapitulation des sommes dues ne mentionnant plus les intérêts en cause. Or, il résulte des mentions, dépourvus d'ambiguïté, du courrier du 16 novembre 2015, que le service, qui n'a mentionné aucun dégrèvement des intérêts de retard, a entendu maintenir l'ensemble des rehaussements mis à la charge des intéressés au titre de l'année 2011, de sorte que la suppression des intérêts de retard dans le tableau annexé à ce courrier doit être regardée comme une erreur matérielle. Par ailleurs, dans leur réclamation du 28 septembre 2016, postérieure à ce courrier, M. et Mme B... ont indiqué contester " fermement le montant des intérêts de retard ". Par suite, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir qu'ils auraient été privés d'une garantie du fait de l'erreur matérielle figurant sur le tableau annexé au courrier de l'administration fiscale daté du 16 novembre 2015.
Sur le bien-fondé des impositions :
8. L'administration fiscale a estimé que la société Van Neulen et Schmit avait versé à M. B..., au cours de l'année 2011, une somme totale de 90 570 euros, qu'elle a regardée comme un revenu distribué, entrant dans le champ d'application du c. de l'article 111 du code général des impôts.
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
9. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / [...] c. Les rémunérations et avantages occultes ".
S'agissant de l'existence et de l'appréhension de revenus distribués :
10. En premier lieu, pour établir la réalité de cette distribution, l'administration fiscale fait valoir, notamment, que la somme de 90 570 euros apparaît sur un tableau de répartition des bénéfices qui figurait sur un fichier intitulé " Rest2011.xlsx " découvert sur le serveur de stockage et de partage de fichiers (" Dropbox "), utilisé par la société Van Neulen et Schmit, et regroupant divers éléments comptables. Ce tableau mentionne une somme totale de bénéfices attribués d'un montant total de 355 764 euros - à savoir, outre la somme de 90 570 euros que le service a regardé comme ayant été perçue par M. B..., les sommes de 49 400 euros, 63 674 euros et 152 120 euros, attribuées respectivement à MM. Cao Van Tuc, Ndiaye et A... - qui est suivie de la mention des sommes alors facturées par les sociétés Ferlicot et Carola Technologies, elle-même suivie de la mention des sommes " à facturer ", le total obtenu, s'élevant à 355 700 euros, étant très proche du montant des sommes attribuées à chacun des intéressés. Or, l'administration fiscale fait valoir, d'une part, qu'aucun élément ne permet de rattacher les sommes ainsi attribuées à MM. A..., Ndiaye, Cao Van Tuc et B..., qui n'ont pas été enregistrées dans la comptabilité de la société Van Neulen et Schmit, à une intervention spécifique des intéressés, d'autre part, que le total de ces sommes est quasiment égal au total des sommes facturées par les sociétés Ferlicot et Carola Technologies, lesquelles ne correspondaient à aucune opération réelle, ainsi que l'a démontré le service, dans la proposition de rectification du 16 décembre 2014 adressée à la société Van Neulen et Schmit, jointe à la proposition de rectification du 17 décembre 2014 adressée à M. et Mme B..., en s'appuyant notamment sur diverses échanges de courriels entre les intéressés. A cet égard, la finalité du tableau produit par l'administration fiscale est corroborée par les annotations qui le suivent - selon lesquelles, en particulier, le rédacteur indique qu' " il reste trois factures pour Ferlicot " et qu'il " pense augmenter les montants afin de compenser " - ainsi qu'un courriel envoyé par M. A... le 11 octobre 2011, dans lequel il fait état de la rédaction d'un " fichier distribution " et de la possibilité de " [faire] une autre écriture compensatoire ".
11. Si M. et Mme B... soutiennent que le tableau produit par l'administration fiscale comporte seulement, en face de chacune des sommes attribuées, non pas le patronyme des bénéficiaires, mais des surnoms, l'administration fiscale produit un autre tableau, trouvé dans un fichier intitulé " distribution.xlsx ", comportant diverses charges, associées à chacun des intéressés, dont les prénoms ou des diminutifs sont mentionnés, qu'elle a comparé à un troisième tableau, trouvé dans un fichier dénommé " distribution 120703.xlsx ", comportant les mêmes mouvements, mais cette fois-ci associés aux surnoms figurant dans le tableau de répartition des bénéfices. Si M. et Mme B... soutiennent que les sommes figurant sur les factures émises par les sociétés Ferlicot et Carola Technologie correspondraient à des prestations effectives, ils ne l'établissent pas, en se bornant à faire état d'une attestation du vice-président de la société Technicolor indiquant que M. A..., associé de la société Ferlicot, a travaillé auprès de cette société et de la circonstance que MM. B..., Cao Van Tuc et Ndiaye avaient eux-mêmes créé des sociétés unipersonnelles afin de facturer leurs prestations. Et en se bornant à faire état de relevés bancaires faisant apparaître des virements adressés par la société Van Neulen et Schmit aux sociétés Carola Technologies et Ferlicot, d'un montant total de 160 200 euros au titre de l'année 2011, et à soutenir que la somme de 90 570 euros figurant sur le tableau produit par l'administration fiscale n'apparaît pas sur les comptes bancaires consultés dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, M. et Mme B... ne remettent pas utilement en cause les recoupements effectués par l'administration fiscale, qui établissent que M. B... a bien perçu la somme de 90 570 euros au titre de l'année 2011. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration fiscale, qui n'était pas tenue de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article 117 du code général des impôts, a regardé la somme de 90 570 euros comme un avantage occulte entrant dans le champ d'application du c. de l'article 111 du code général des impôts et l'a imposé sur ce fondement, entre les mains de M. B..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
12. En second lieu, dès lors que l'administration fiscale a établi l'appréhension effective de la somme de 90 570 euros par M. B..., la circonstance qu'elle ne pouvait faire état de l'existence de plusieurs maîtres de l'affaire est sans incidence sur les impositions en litige.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
13. M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration fiscale aurait méconnu la doctrine référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-10, dès lors que celle-ci ne comporte pas, en ses paragraphes 230 et 260 dont ils se prévalent, une interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il a été fait application.
Sur les pénalités :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré [...] ".
15. L'administration fiscale fait valoir que M. B... a participé, aux côtés de trois autres consultants ayant travaillé pour la société Van Neulen et Schmit, à la mise en place d'une comptabilité occulte afin de les faire bénéficier d'un avantage occulte, lequel a pu être financé par la facturation fictive de deux sociétés panaméennes contrôlés par eux. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a fait application de la majoration prévue par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts lorsque le manquement délibéré est établi, et a donc assorti les rehaussements en cause de la majoration au taux de 40 % prévue par ces dispositions.
En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :
16. Si M. et Mme B... soutiennent que l'administration fiscale aurait méconnu la doctrine administrative référencée BOI-CF-INF-10-20-20, celle-ci ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il a été fait application.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF).
Délibéré après l'audience du 17 mars 2022, où siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2022 .
Le rapporteur,
K. AGGIOURILa présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA00825