La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2022 | FRANCE | N°21PA01988

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 22 mars 2022, 21PA01988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2005025/2-3 du 8 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rej

eté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2019 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2005025/2-3 du 8 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2021, M. A..., représenté par Me Ababsa, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 8 octobre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 19 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour, l'autorisant à travailler, dans un délai de 15 jours, à défaut de réexaminer sa situation administrative, dans un délai de 15 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de séjour :

- la décision est entachée d'incompétence;

- elle est entachée de défaut de motivation et défaut d'examen sérieux de la demande ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'une exception d'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet de police a produit un mémoire, enregistré le 7 mars 2022, postérieurement à la clôture automatique de l'instruction, trois jours francs avant la date d'audience.

Par une décision du 26 février 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 2 novembre 1999, entré en France en mars 2016, a été admis au séjour en qualité de salarié sur le fondement des dispositions de l'article

L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a demandé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire, valable du 6 mars 2018 au 5 mars 2019. Par un arrêté du 19 décembre 2019, le préfet de police a rejeté sa demande et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination. M. A... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à titre principal à l'annulation de cet arrêté du 19 décembre 2019. Par un jugement du 8 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. A... relève appel de l'article 2 de ce jugement.

Sur la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par Mme C... B..., chef du 9ème bureau, qui bénéficie d'une délégation à cet effet en vertu d'un arrêté du 11 décembre 2019 du préfet de police, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué, après avoir visé les textes applicables, mentionne les motifs pour lesquels M. A... ne remplit pas les conditions des articles L. 313-15 et

L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il résulte des dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du même code que l'obligation faite à un étranger de quitter le territoire français n'a pas à comporter une motivation spécifique, distincte de celle du refus de titre de séjour qu'elle accompagne. L'arrêté attaqué mentionne ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen sérieux de la demande doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié " / La carte de séjour est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. (...) ; / 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du même code, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 dudit code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " (...) ". L'article L. 313-15 du même code dispose toutefois que : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité le 2 février 2019 le renouvellement de son titre de séjour en qualité de salarié, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. A cette date, l'intéressé était âgé de dix-neuf ans et ne se trouvait plus dans le champ d'application de ces dispositions. D'autre part, il est constant qu'à la date de la décision en litige, date à laquelle s'apprécie la légalité de celle-ci, M. A... n'était titulaire d'aucun contrat de travail ni d'apprentissage. S'il soutient que son titre de séjour initial aurait dû être prolongé d'un an, en vertu du 1° de l'article L. 313-10 du même code, dès lors qu'il s'est trouvé involontairement privé d'emploi, cette disposition n'est applicable qu'aux contrats de travail à durée indéterminée, dont ne fait pas partie le contrat d'apprentissage dont il était titulaire et qui arrivait à expiration le 31 août 2019. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 313-15 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... est entré sur le territoire français en mars 2016 alors qu'il était mineur et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance jusqu'à sa majorité, puis dans le cadre d'un contrat " jeune majeur ". S'il fait valoir qu'il a obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) d'agent de propreté et d'hygiène au titre de l'année scolaire 2018/2019, qu'il recherche activement un emploi depuis la fin de son contrat d'apprentissage, en août 2019 et qu'il entretient une relation amoureuse depuis trois ans avec une compatriote en situation régulière, il ne justifie pas d'une vie commune avec celle-ci et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Côte-d'Ivoire où réside sa tante. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée du séjour de M. A... sur le territoire français, le refus de renouvellement de séjour et l'obligation de quitter le territoire français en litige ne portent pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par ces décisions. Celles-ci ne sont en outre pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission [du titre de séjour] est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) ". Si M. A... soutient que le préfet de police aurait dû, préalablement à l'examen de sa demande, saisir la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions relatives à la délivrance de plein droit des cartes de séjour citées audit article, auxquels il envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Le requérant ne justifiant pas devoir bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour de plein droit, le préfet de police n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande de titre de séjour.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français:

9. En premier lieu, M. A... n'établissant pas que le refus de délivrance d'un titre de séjour serait illégal, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée et doit, en conséquence, être écartée.

10. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mars 2022.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01988
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : ABABSA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-22;21pa01988 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award