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22/03/2022 | FRANCE | N°20PA02684

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 22 mars 2022, 20PA02684


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 152 798 euros en réparation des préjudices causés par la discrimination syndicale qu'il estime avoir subie, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900519/5-2 du 17 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée

le 11 septembre 2020, M. B..., représenté par

Me Maixant, demande à la Cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 152 798 euros en réparation des préjudices causés par la discrimination syndicale qu'il estime avoir subie, outre des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900519/5-2 du 17 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2020, M. B..., représenté par

Me Maixant, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 152 798 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier ; les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence de réduction d'ancienneté d'échelon pendant 17 ans ; les premiers juges ont omis tous les faits exposés dans sa requête ; ils ont commis une dénaturation des faits ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'Etat n'avait pas commis de faute car il a bien été victime de discrimination syndicale s'agissant de ses notations, de ses primes et de l'absence d'avancement ;

- il a droit à la réparation des préjudices causés par cette discrimination syndicale, soit un préjudice financier s'élevant à 92 798 euros et un préjudice moral évalué à la somme de 60 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... sont infondés.

Par une ordonnance du 7 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

31 janvier 2022 à 12 heures.

Un mémoire a été déposé pour M. B... le 3 mars 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-11 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 99-787 du 13 septembre 1999 ;

- le décret n° 2003-770 du 20 août 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès ;

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,

- et les observations de Me Maixant pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 6 septembre 2018, reçu le 10 septembre suivant, M. B..., inspecteur du travail, bénéficiaire d'une décharge partielle d'activité pour raison syndicale, a adressé à la ministre du travail une demande indemnitaire préalable tendant à l'indemnisation des préjudices causés par la discrimination syndicale qu'il estime avoir subie. Du fait du silence gardé par l'administration pendant deux mois, cette demande a été implicitement rejetée.

M. B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 152 798 euros. Il relève appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si M. B... soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence de réduction d'ancienneté d'échelon pendant 17 ans, il ne s'agissait pas d'un moyen mais d'un argument au soutien de son moyen tiré de la discrimination syndicale, auquel ils n'étaient pas tenus de répondre expressément. Le requérant soutient aussi que les premiers juges ont omis tous les faits exposés dans sa requête et ont commis une dénaturation des faits. Toutefois, d'une part, il ressort de la motivation du jugement que le tribunal a pris en compte les faits exposés, sans qu'il soit tenu de les énumérer tous, d'autre part, le moyen tiré de la dénaturation des faits, qui relève du contrôle de cassation et non du contrôle du juge d'appel, ne peut qu'être écarté comme inopérant. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 8 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le droit syndical est garanti aux fonctionnaires. Les intéressés peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats. (...) ". L'article 6 de la même loi dispose que : " La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires. / Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions (...) syndicales (...) / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir des agissements contraires aux principes énoncés au deuxième alinéa du présent article ; / 2° Le fait qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire respecter ces principes ; / 3° Ou bien le fait qu'il a témoigné d'agissements contraires à ces principes ou qu'il les a relatés. (...) ". Et aux termes du premier alinéa de l'article 4 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. ". De manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de non-discrimination, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge administratif, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. M. B... soutient que, depuis 2000, il est victime de discrimination syndicale dans le cadre de sa notation, de l'attribution de sa prime d'activité et de son avancement.

5. En premier lieu, M. B... soutient que ses notations entre 2003 et 2005 sont entachées de discrimination. Toutefois, comme l'a jugé à juste titre le tribunal, il n'est pas établi par les pièces versées aux débats que son implication, en tant que représentant syndical dans le cadre de plusieurs litiges impliquant sa hiérarchie, lui ait par la suite porté préjudice dans le cadre de son évaluation annuelle. En outre, la circonstance que l'administration ait procédé à une révision de ses notations au titre des années 2004 et 2005 ne suffit pas en soi à révéler une situation de discrimination, ce d'autant plus que les éléments modifiés dans ces comptes rendus d'entretien professionnels n'étaient pas liés à son engagement syndical. Dans ces circonstances, les éléments apportés par M. B... ne suffisent pas à faire présumer l'existence d'une discrimination syndicale dans le cadre de sa notation.

6. En deuxième lieu, le moyen tiré de la discrimination lors de la fixation des parts variables doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 6 à 9 du jugement attaqué.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 : " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. (...) / Sauf pour les emplois laissés à la décision du Gouvernement, l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : / 1° Soit au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents (...) / Tout fonctionnaire bénéficiant d'un avancement de grade est tenu d'accepter l'emploi qui lui est assigné dans son nouveau grade. Sous réserve de l'application des dispositions de l'article 60, son refus peut entraîner la radiation du tableau d'avancement ou, à défaut, de la liste de classement. ". L'article 2 du décret du 20 août 2003 portant statut particulier du corps de l'inspection du travail dispose que : " Le corps de l'inspection du travail comprend quatre grades ; (...) / 3° Le grade de directeur adjoint du travail qui comprend huit échelons ; / 4° Le grade d'inspecteur du travail qui comprend dix échelons et un échelon d'inspecteur-élève. ". Aux termes de l'article 14 du même décret : " Les avancements de grade (...) s'effectuent au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire. Les avancements de grade ont lieu dans les conditions suivantes : / a) Peuvent être promus directeurs adjoints du travail les inspecteurs du travail ayant atteint le 5e échelon de leur grade et exercé effectivement les fonctions d'inspecteur pendant au moins cinq années (...) ".

8. M. B... fait valoir qu'il n'a jamais été proposé à l'avancement au grade de directeur adjoint du travail alors qu'il remplissait les conditions statutaires depuis l'année 2000 et qu'il a sollicité de manière réitérée cette promotion.

9. M. B... soutient que sur les 60 agents de sa promotion en 1993, il est l'un des seuls à ne pas avoir été proposé alors qu'il avait le plus d'ancienneté au sein de la fonction publique et le plus de diplômes. Il précise que parmi sa promotion, 35 ont été promus directeurs adjoints du travail dont 15 sont même devenus directeurs du travail, que 8 ont quitté le corps ou ont renoncé pour un motif personnel et que 5 ont été proposés avant de renoncer. Le ministre du travail soutient, en défense, que sur les 33 agents nommés et titularisés inspecteurs du travail, à l'instar du requérant, 14 agents ont été promus au cours de leur carrière au grade de directeur adjoint du travail et 8 n'ont pas poursuivi leur carrière dans le corps de l'inspection du travail.

Il en déduit que 11 des 33 lauréats issus de la promotion de M. B..., soit exactement un sur trois, appartiennent toujours au grade d'inspecteur du travail. Or, d'une part, les deux parties ne se fondent pas sur les mêmes chiffres. M. B... se fonde sur une liste, qu'il produit, de personnes de sa promotion de l'année 1993, qui comprend 60 noms. Le ministre retient lui une liste de 33 personnes correspondant à ceux ayant été nommés et titularisés par des arrêtés des

7 juillet 1994 et 11 juillet 1994 non produits. D'autre part, les deux parties se bornent, dans leurs écritures, à faire un état statistique de la répartition des agents sans fournir la moindre pièce au soutien de leurs allégations, qui sont contradictoires. Dès lors, l'état du dossier ne permet pas de trancher la question de l'existence ou non d'une présomption de discrimination syndicale relative à l'absence d'avancement du requérant au grade supérieur, ni même à l'absence de proposition à l'avancement.

10. Par conséquent, il y a lieu d'ordonner avant dire droit une mesure d'instruction aux fins pour le ministre du travail de produire la liste des inspecteurs du travail recrutés en 1993 et titularisés en 1994 en précisant, pour chacun, l'année où il remplissait les conditions statutaires pour l'accès au grade de directeur adjoint du travail, la ou les années où il a été proposé à l'avancement, l'année où il a été inscrit au tableau d'avancement, éventuellement l'année où il a renoncé à cette inscription.

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M. B..., procédé à un supplément d'instruction tel que défini au point 10 des motifs du présent arrêt.

Article 2 : Il est accordé au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, pour l'exécution de la mesure d'instruction prescrite à l'article 1er ci-dessus, un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions et moyens des parties sur lesquels il n'a pas été expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mars 2022.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA02684


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02684
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : MAIXANT BAPTISTE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-22;20pa02684 ?
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