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22/03/2022 | FRANCE | N°20PA00337

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 22 mars 2022, 20PA00337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société GL Constructions a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant, à titre principal, à la condamnation de la Polynésie française à lui verser la somme de 95.628.151 FCFP TTC qu'elle estime lui être due dans le cadre de l'exécution du marché de réaménagement du débarcadère de Vaitahu, sur l'île de Tahuata, à titre subsidiaire, à ce qu'une expertise avant-dire-droit soit diligentée aux fins de déterminer le montant de l'indemnisation à allouer, outre

des conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société GL Constructions a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant, à titre principal, à la condamnation de la Polynésie française à lui verser la somme de 95.628.151 FCFP TTC qu'elle estime lui être due dans le cadre de l'exécution du marché de réaménagement du débarcadère de Vaitahu, sur l'île de Tahuata, à titre subsidiaire, à ce qu'une expertise avant-dire-droit soit diligentée aux fins de déterminer le montant de l'indemnisation à allouer, outre des conclusions au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900031 du 31 octobre 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2020, la société GL Constructions, représentée par Me Mikou, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2019 du Tribunal administratif de la

Polynésie française ;

2°) à titre principal, de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de 95.628.151 F CFP ;

3°) à titre subsidiaire, de diligenter une expertise avant-dire droit aux fins de déterminer le montant de l'indemnisation à allouer ;

4°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a le droit au paiement de travaux supplémentaires au titre de la réalisation d'une étude précise sur la profondeur du substrat rocheux ; la responsabilité de cet aléa géotechnique incombe au maître d'ouvrage, qui a confié un appel d'offres sur la base de données erronées ; elle est en droit de solliciter le paiement d'une somme de 4.753.346 FCP au titre des investigations réalisées du 29 mai au 8 juin 2015 et une somme de 1.341.691 FCP au titre du levé réalisé du 19 au 25 juin 2015 ;

- elle a droit, sur le fondement de l'article 6.6 du CCAG, au versement d'une indemnisation de 18 263 432 F CFP au titre de l'immobilisation du matériel et du personnel pendant l'ajournement des travaux pour la période allant du 7 juillet 2015 au 19 août 2015, et une somme de 37 672 219 F CFP au titre la période allant du 20 août 2015 au 22 juillet 2016 ; la cause de la suspension des travaux résulte de la découverte d'un aléa géotechnique rencontré en cours d'exécution, de sorte que les études de conception et d'exécution ont dû être partiellement reprises ;

- elle doit être indemnisée des frais de repli de la grue à chenilles pour un montant de 8 855 551 F CFP ; le repli de la grue a généré un coût qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;

- elle a subi un préjudice lié à la désorganisation du suivi du chantier par le maître d'œuvre, ce qui a entraîné des frais d'immobilisation de personnel et de matériel ainsi que des frais de gardiennage de son matériel pour la période allant du 5 janvier au 24 mars 2015, pour un montant de 24 741 912 F FCFP.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2020, la Polynésie française, représentée par Me Dubois, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au partage de responsabilité et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société GL Constructions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, à titre principal, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et, à titre subsidiaire, que la société GL Constructions est partiellement responsable du retard pris dans l'exécution du marché public.

Par une ordonnance du 28 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

22 octobre 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'arrêté n° 835 CG en date du 3 mai 1984 portant établissement du cahier des clauses administratives générales concernant les marchés publics passés au nom de la

Polynésie française et de ses établissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- et les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société GL Constructions s'est vu attribuer par la Polynésie française, le

15 juillet 2014, un marché de réaménagement du débarcadère de Vaitahu, sur l'île de Tahuata, conclu à prix unitaire. La réception des travaux a été prononcée au 23 février 2017. Le décompte général et définitif a été arrêté le 10 avril 2018 et notifié à la société le 16 avril suivant.

Par mémoire en réclamation du 27 avril 2018, la société GL Constructions conteste le décompte, en ce qu'il ne comporte pas l'indemnisation des conséquences de " l'aléa géotechnique ", lié à des données erronées quant à la profondeur du substratum rocheux, et ayant notamment conduit à un ajournement du chantier. La société GL Constructions a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la Polynésie française à lui verser la somme de

95 628 151 FCFP TTC. Elle relève appel du jugement du 31 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

2. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

3. La société GL Constructions sollicite le versement d'une somme totale de

6 095 037 F CFP correspondant au coût de l'étude qu'elle a réalisée afin de déterminer la profondeur du substrat rocheux en se prévalant d'une faute du maître d'ouvrage, lequel aurait passé le marché en cause sur la base de données erronées s'agissant de l'étude de sol. Or, d'une part, la société requérante ne justifie pas cette dernière allégation dès lors que les plans de conception produits dans le cadre de l'appel d'offres ne sont pas des pièces contractuelles et que l'article 1.8.2.7 du cahier des clauses techniques particulières concernant les caractéristiques des sols stipule qu'" Il n'existe pas de données disponibles. Si l'entreprise le juge nécessaire, une étude géotechnique pourra être menée à sa charge après soumission préalable de son contenu à la maîtrise d'œuvre ". En l'occurence, la difficulté rencontrée n'était pas un problème de profondeur du sol mais de caractéristiques du sol différentes de celles envisagées. D'autre part, aux termes de l'article 1.5 " Sujétions diverses " du cahier des clauses administratives particulières : " L'entrepreneur est réputé connaître pour s'en être personnellement rendu compte, la nature des lieux, la situation des travaux ainsi que les risques et sujétions qu'elles peuvent entraîner ". Or, la requérante n'a pas procédé à une étude préalable du substrat rocheux. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que devait être indemnisée, à titre de travaux supplémentaires, l'étude réalisée au cours du marché.

En ce qui concerne les frais d'immobilisation au titre de la période du 5 janvier 2015 au 24 mars 2015 :

4. La société GL Constructions sollicite le versement d'une somme de

24 741 912 F CFP à titre d'indemnisation des frais d'immobilisation au titre de la période du

5 janvier au 24 mars 2015, se prévalant d'un retard dû à une faute dans le déroulement du chantier. Toutefois, il résulte de l'instruction que les retards proviennent, d'une part, d'une remise tardive des notes de calcul par la société GL Constructions elle-même, d'autre part, du délai anormalement long mis par le maître d'œuvre pour valider ces notes de calcul. Aucun retard ne pouvant être imputé à une faute du maître d'ouvrage, la société requérante n'est pas fondée à demander une indemnisation à ce dernier à ce titre.

En ce qui concerne les frais d'immobilisation au titre de la période du 7 juillet 2015 au 22 juillet 2016 :

5. Aux termes de l'article 6.6 du cahier des clauses administratives générales, dans sa version applicable au marché en litige : " 1 -L'ajournement des prestations peut être décidé. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l'article 2.4 à la constatation des ouvrages et parties d'ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. Le titulaire qui conserve la garde du chantier, a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu'il aura éventuellement subi du fait de l'ajournement. Une indemnité d'attente de reprise des prestations peut être fixée dans les mêmes conditions que les prix nouveaux, suivant les modalités prévues à l'article 2.5. ". Il y a ajournement des travaux au sens des stipulations de l'article 6.6 lorsque le maître d'ouvrage décide de différer leur début ou d'en suspendre l'exécution.

6. Par ordre de service en date du 3 juillet 2015, la Polynésie française a prononcé " la suspension du délai d'exécution du marché à compter du 6 juillet 2015 ". Si la société requérante soutient qu'elle est en droit d'obtenir une indemnité d'un montant de 55 935 651 F CFP au titre de l'immobilisation permanente de matériel qui en est résulté pour la période allant du 7 juillet 2015 au 22 juillet 2016, il ne résulte toutefois pas de l'instruction qu'elle ait demandé, en application des dispositions de l'article 2.4 du cahier des clauses administratives générales, auquel se réfère expressément l'article 6.6 précité, qu'il soit procédé à des constatations contradictoires en ce qui concerne l'immobilisation de son matériel. Contrairement à ce que soutient la requérante, ce constat contradictoire était obligatoire et son absence faisait ainsi obstacle à ce qu'elle puisse être regardée comme justifiant avoir subi un préjudice du fait de l'immobilisation de son matériel. En tout état de cause, si la société requérante soutient avoir dû immobiliser différents matériels sur le chantier, elle n'établit pas, en l'absence de tout élément comptable, la réalité du montant des frais qu'elle allègue avoir supportés. Ainsi, la société GL Constructions ne justifie pas de la réalité et du montant du préjudice subi du fait de l'ajournement du chantier

En ce qui concerne l'indemnisation des frais de repli de la grue à chenilles :

7. La demande présentée par la société GL Constructions afin d'obtenir le versement d'une somme de 8 855 551 F CFP à titre d'indemnisation des frais de repli de la grue à chenilles n'est pas assortie, quant à son fondement juridique, de précisions, comme l'avait déjà jugé le tribunal, et ne permet pas ainsi au juge administratif d'en apprécier le bien-fondé, alors que le maitre d'oeuvre s'était opposé au repli de cette grue et que le montant de cette indemnisation n'est, en tout état de cause, pas justifié par les pièces du dossier. La requérante n'est donc pas fondée à solliciter une indemnisation à ce titre.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande d'expertise présentée par la société GL Constructions, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par la Polynésie française.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société GL Constructions est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société GL Constructions et à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mars 2022.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00337
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : SELARL MIKOU

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-22;20pa00337 ?
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