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18/03/2022 | FRANCE | N°21PA02172

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 18 mars 2022, 21PA02172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté en date du 8 août 2019, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.

Par jugement n° 1913703 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par

une requête, enregistrée le 24 avril 2021, Mme A..., représentée par Me Launois, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté en date du 8 août 2019, par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.

Par jugement n° 1913703 du 1er décembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 avril 2021, Mme A..., représentée par Me Launois, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1913703 du tribunal administratif de Montreuil en date du 1er décembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution forcée ;

3°) d'enjoindre à l'autorité administrative de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut de réexaminer sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité en ce que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

- l'arrêté préfectoral est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait retirer la décision née du silence gardé sur sa demande de titre au-delà du délai de quatre mois sans méconnaître les dispositions de l'article L. 243-3 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été rendu dans des conditions irrégulières ;

- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins ;

- la décision de refus de titre de séjour a été prise en violation du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention européenne des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire a été prise en violation du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observation.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Simon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante marocaine née en 1942, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par arrêté du 8 août 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, et fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite. Elle demande à la Cour l'annulation du jugement du 1er décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le recours formé contre la décision préfectorale du 8 août 2019, ainsi que l'annulation de ladite décision.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ".

3. Mme A... est entrée en France en 2011 et s'y maintient depuis. Divorcée de son époux, désormais décédé, elle bénéficie de la présence en France de quatre de ses cinq enfants vivants, dont deux ont la nationalité française et deux autres résident régulièrement sous couvert de cartes de résident, le dernier résidant en Allemagne. Elle réside aux côtés de sa fille, titulaire d'une carte de résident. Ses nombreux petits-enfants ont pour la plupart la nationalité française. En outre, elle s'est vu délivrer deux cartes temporaires de séjour en 2015 et 2016 et justifie d'une bonne intégration dans son environnement immédiat. Compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, de la présence de ses enfants et petits-enfants et de l'absence de relations effectives au Maroc, la décision attaquée a porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée avec les buts en vue desquels elle a été prise. La décision attaquée doit ainsi être annulée.

4. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis lui délivre un titre de séjour. Il y a lieu de l'enjoindre de le faire, dans un délai de deux mois, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement entrepris, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de titre de séjour, et à demander à la Cour d'annuler l'arrêté attaqué ainsi que le jugement entrepris.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Launois, conseil de la requérante, renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 visée

ci-dessus.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 1er décembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil est annulé

Article 2 : L'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 8 août 2019 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer une carte de séjour temporaire à Mme A... dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera 1 200 euros à Me Launois, avocat de Mme A..., sous réserve que

celle-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle dans la présente instance.

Article 5 : Les conclusions de Mme A... sont rejetées pour le surplus.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 17 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. Simon, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 18 mars 2022.

Le rapporteur,

C. SIMON

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA02172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02172
Date de la décision : 18/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Claude SIMON
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : LAUNOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-18;21pa02172 ?
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