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18/03/2022 | FRANCE | N°20PA02608

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 18 mars 2022, 20PA02608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Institut de gestion sociale (IGS) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution au développement de l'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013, ainsi que des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, taxes additionnelles et frais de gestion, et des rappels de taxe d'apprentissage auxquelles elle a

té assujettie au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1813860 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Institut de gestion sociale (IGS) a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution au développement de l'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013, ainsi que des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, taxes additionnelles et frais de gestion, et des rappels de taxe d'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1813860 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 septembre 2020 et 18 novembre 2020, l'association IGS, représentée par Me Donnedieu de Vabres et Me Daguzan, avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1813860 du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution au développement de l'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2013, ainsi que des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, taxes additionnelles et frais de gestion, et des rappels de taxe d'apprentissage auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association IGS soutient que :

- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier pour défaut de mention des bases légales des impositions, l'administration ayant méconnu sa propre doctrine exprimée aux paragraphes 10 et 50 de la documentation administrative référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 du 17 juillet 2015, laquelle lui est opposable en vertu des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- en ce qui concerne son assujettissement aux impôts commerciaux pour l'ensemble de ses activités, ses activités lucratives ne sont pas prépondérantes dès lors que les activités d'enseignement supérieur hors apprentissage relèvent du secteur non lucratif, qu'elle est fondée à se prévaloir à ce titre de la décision de rescrit du 19 février 2003 et, au surplus, que le critère du chiffre d'affaires n'est en tout état de cause pas pertinent pour apprécier cette prépondérance ;

- elle a mis en place une sectorisation de ses activités et il n'existe aucune relation privilégiée entre elle et des entreprises du secteur lucratif ;

- les dispositions de l'article 228 bis du code général des impôts instituant une majoration de 100 % ne sont pas applicables à la contribution au développement de l'apprentissage ;

- les majorations appliquées en matière de taxe d'apprentissage et de contribution au développement de l'apprentissage méconnaissent les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 septembre 2020 et 18 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués par l'association IGS ne sont pas fondés et qu'en tout état de cause, les dispositions de l'alinéa 4 de l'article 1599 quinquies A du code général des impôts doivent être substituées à celles de l'article 228 bis du même code en ce qui concerne la majoration de la contribution au développement de l'apprentissage.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 ;

- la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fullana,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Daguzan pour l'association IGS ;

Une note en délibéré, enregistrée le 21 février 2022, a été présentée par l'association IGS.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Institut de gestion sociale (IGS) est une association spécialisée dans le domaine de la formation professionnelle. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, étendue jusqu'au 30 novembre 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution au développement de l'apprentissage, au titre de l'année 2013, ainsi que des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, taxes additionnelles et frais de gestion et des rappels de taxe d'apprentissage, au titre des années 2013 et 2014, ont été mis en recouvrement. La société relève appel du jugement du 10 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ainsi que des pénalités et majorations correspondantes.

Sur les conclusions tendant à la décharge de la contribution au développement de l'apprentissage au titre de l'année 2013 et de la taxe d'apprentissage au titre de l'année 2014 :

2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / (...) 4° Sur les litiges relatifs aux impôts locaux et à la contribution à l'audiovisuel public, à l'exception des litiges relatifs à la contribution économique territoriale (...) ". Pour l'application de ces dispositions, doit être regardé comme un impôt local tout impôt dont le produit, pour l'année d'imposition en cause, est majoritairement affecté aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux établissements publics qui en dépendent.

3. D'une part, aux termes de l'article 1599 quinquies A du code général des impôts, alors en vigueur : " I.- Il est institué une contribution au développement de l'apprentissage dont le produit est reversé aux fonds régionaux de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue mentionnés à l'article L. 4332-1 du code général des collectivités territoriales. (...) ". En vertu de cet article L. 4332-1, le fonds régional de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue est destiné à financer les charges des régions dans ce domaine.

4. D'autre part, aux termes de l'article 1599 ter A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2014 : " 1. Il est établi une taxe, dite taxe d'apprentissage, dont le produit, net des dépenses admises en exonération en application des articles 1599 ter E, 1599 ter F et 1599 ter G, favorise l'égal accès à l'apprentissage sur le territoire national et contribue au financement d'actions visant au développement de l'apprentissage dans les conditions prévues à l'article L. 6241-2 du code du travail. (...) " et aux termes de l'article L. 6241-2 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : " I.- Une première fraction du produit de la taxe d'apprentissage mentionnée à l'article 1599 ter A du code général des impôts, dénommée : " fraction régionale pour l'apprentissage ", est versée au Trésor public avant le 30 avril de l'année concernée, par l'intermédiaire des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage mentionnés au chapitre II du présent titre IV. Le montant de cette fraction est égal à 51 % du produit de la taxe due. / Par dérogation au 2° du I de l'article 23 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, cette fraction est reversée aux régions, à la collectivité territoriale de Corse et au Département de Mayotte pour le financement du développement de l'apprentissage, selon les modalités définies au présent I. (...) ".

5. Il résulte des dispositions citées aux points 3 et 4 que la contribution au développement de l'apprentissage due au titre de l'année 2013 et la taxe d'apprentissage due au titre de l'année 2014 doivent être regardées, du fait de leur affectation principale aux régions, comme des impôts locaux au sens du 4° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative et que le tribunal administratif a donc, par son jugement du 10 juillet 2020, statué en premier et dernier ressort. Il y a lieu, dès lors, en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, de transmettre au Conseil d'Etat les conclusions de la requête relatives à la contribution au développement de l'apprentissage au titre de l'année 2013 et à la taxe d'apprentissage au titre de l'année 2014.

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions restant en litige :

6. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige.

En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement :

7. Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) ".

8. En premier lieu, l'avis de mise en recouvrement des impositions litigieuses émis le 16 octobre 2017 comporte toutes les mentions exigées par les dispositions précitées et fait en particulier référence à la proposition de rectification du 7 novembre 2016. En outre, il ne résulte pas des dispositions précitées que l'avis de mise en recouvrement doive nécessairement mentionner en complément la base légale de chaque imposition. Dès lors, cet avis de mise en recouvrement est régulier au regard des prescriptions de la loi fiscale.

9. En second lieu, sont opposables à l'administration, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les instructions ou circulaires publiées relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt, ainsi que celles relatives au bien-fondé ou au recouvrement des pénalités fiscales, mais non celles relatives à la procédure d'établissement de l'impôt, ni celles relatives à la procédure d'établissement des pénalités fiscales. Dès lors que l'avis de mise en recouvrement est l'acte par lequel l'administration établit sa créance sur le contribuable et rend celle-ci exigible, sans pour autant constituer un acte de poursuite, une instruction portant sur les mentions devant figurer sur l'avis de mise en recouvrement est relative à la procédure d'établissement de l'impôt ou des pénalités fiscales, et non au recouvrement de l'impôt.

10. L'association IGS fait valoir que l'avis de mise en recouvrement qui lui a été adressé, qui ne comporte ni référence au code général des impôts, ni indication de la base légale des rehaussements, méconnaît le contenu de la doctrine référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 du 17 juillet 2015, laquelle prévoit, en son paragraphe 50 que " la nature exacte de l'imposition est donnée par la référence au Code Général des Impôts. En cas de rehaussements, la base légale de chacun d'eux doit figurer sur l'avis. ". Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'une telle instruction est relative à la procédure d'établissement de l'impôt ou des pénalités fiscales, et non au recouvrement de l'impôt, et que l'association requérante ne peut dès lors, en tout état de cause, s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne l'assujettissement de l'association IGS à l'impôt sur les sociétés, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et à la taxe additionnelle ainsi qu'à la taxe d'apprentissage :

11. D'une part, aux termes de l'article 206 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA, 239 bis AB et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues au IV de l'article 3 du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que, sous réserve des dispositions des 6° et 6° bis du 1 de l'article 207, les établissements publics, les organismes de l'Etat jouissant de l'autonomie financière, les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. / 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, les associations régies par la loi locale maintenue en vigueur dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les syndicats régis par les articles L. 2131-1 à L. 2136-2 du code du travail, les fondations reconnues d'utilité publique, les fondations d'entreprise, les fonds de dotation et les congrégations, dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 60 000 euros. (...) ".

12. D'autre part, aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " I. - Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale et les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. (...) " et aux termes de l'article 1600 du code général des impôts dans sa version alors applicable : " (...) III. - 1. - La taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mentionnée au I est égale à une fraction de la cotisation visée à l'article 1586 ter due par les entreprises redevables après application de l'article 1586 quater ". Aux termes de l'article 1447 du même code : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale ou les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. (...) / II. - La cotisation foncière des entreprises n'est pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 qui remplissent les trois conditions fixées par ce même alinéa. (...) ". Il résulte des dispositions précitées de l'article 1586 ter du code général des impôts, éclairées par leurs travaux préparatoires que, pour définir les redevables de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et, par conséquent, de la taxe additionnelle, le législateur a entendu renvoyer à la définition des redevables de la cotisation foncière des entreprises telle qu'elle résulte de l'ensemble des dispositions de l'article 1447 du code général des impôts.

13. Enfin, aux termes de l'article 224 du code général des impôts, relatif à la taxe d'apprentissage, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) 2. Cette taxe est due : (...) / 2° Par les sociétés, associations et organismes passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206, à l'exception de ceux désignés au 5 de l'article précité, quel que soit leur objet (...) ".

Sur le terrain de la loi fiscale :

14. En vertu de la combinaison de ces dispositions, les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ne sont exonérées, en application du 1 de l'article 206 du code général des impôts, de l'impôt sur les sociétés, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la taxe additionnelle ainsi que de la taxe d'apprentissage que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et que, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de ces impôts si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre. Est également regardée comme exerçant une activité lucrative une association qui, quelles que soient les modalités d'exercice de son activité, fournit des services aux entreprises ou organismes exerçant des activités lucratives qui en sont membres, dans l'intérêt de leur exploitation.

15. En outre, en vertu des dispositions du 1 bis de l'article 206 du code général des impôts, sont exonérées les associations qui se livrent à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif dès lors que, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé et que, d'autre part, leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes, sans que les recettes d'exploitation correspondant aux activités lucratives n'excèdent 60 000 euros au cours de l'année civile.

16. L'association IGS n'établit ni même n'allègue qu'elle n'exercerait aucune activité lucrative. Si elle soutient que ses activités d'enseignement supérieur hors apprentissage ne constituent pas des activités à caractère lucratif et que la part de ses activités non lucratives, incluant également l'activité des centres de formation des apprentis, est significativement prépondérante, il résulte de l'instruction qu'elle propose des formations conduisant à la délivrance de diplômes de niveau bac + 2 à bac + 5 dans des instituts situés à Paris, Lyon, Toulouse et à l'étranger. Elle ne conteste pas l'existence d'une offre concurrente dans la même zone géographique d'attraction, proposée au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique, et n'établit pas exercer son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales. Par suite, les activités d'enseignement supérieur hors apprentissage constituent des activités lucratives, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que les diplômes et titres qu'elle délivre sont enregistrés au répertoire national des certifications professionnelles. Si l'association requérante se prévaut également, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, aux termes duquel : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ", d'un rescrit du 19 février 2003, en ce qu'il vise les activités d'enseignement des 2ème et 3ème cycles, ce rescrit ne prend pas parti sur le caractère lucratif ou non de ces activités mais se borne à indiquer que les cotisations versées par les étudiants ne sont pas soumises aux impôts commerciaux en vertu du 5° bis du 1 de l'article 207 du code général des impôts, et ne contient aucune prise de position formelle au titre des dispositions précitées de l'article 206 du même code. Dès lors, l'association IGS n'est pas davantage fondée à se prévaloir de ce rescrit.

17. En outre, eu égard au mode de fonctionnement de l'association IGS, le critère des ressources, incluant tant le chiffre d'affaires que les subventions d'exploitation et les autres produits d'exploitation, constitue un paramètre pertinent propre à permettre d'apprécier la part respective de ses activités lucratives et non lucratives. Il résulte de l'instruction que les activités d'apprentissage, qui doivent seules être prises en compte eu égard à ce qui a été dit au point précédent, correspondent à un montant de ressources, établi à partir de la propre comptabilité de l'association, compris, au titre des exercices 2012 à 2014, entre 46,50 % et 50,40 % du total de ses ressources et non à 60 % comme l'allègue la requérante dans ses écritures. A supposer même que, comme elle le soutient, la part des moyens humains affectés aux centres de formation des apprentis corresponde à 60 % de ses effectifs globaux, les activités non lucratives de l'association ne peuvent être regardées comme significativement prépondérantes.

18. Il résulte de ce qui précède que l'association IGS a été assujettie aux impositions en litige conformément à la loi fiscale.

Sur le terrain de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

19. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

20. L'association IGS doit être regardée comme se prévalant, sur le fondement de ces dispositions, de la documentation administrative de base BOI-IS-CHAMP-10-50-20-10 du 25 février 2013 en ce qu'elle précise que, lorsque les activités non lucratives sont significativement prépondérantes, elle peut procéder à une sectorisation des activités lucratives en vue d'être assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre de ces seules activités. Eu égard à ce qui a été dit au point 17, les activités non lucratives de l'association requérante ne sont pas significativement prépondérantes. Par suite, elle n'est pas fondée à invoquer le bénéfice de l'interprétation par l'administration de la loi fiscale, indépendamment du point de savoir si, comme elle le soutient, elle a procédé à une sectorisation effective de ses activités lucratives.

21. Il résulte de ce qui précède que, l'association IGS devant être assujettie aux impositions en litige à raison de la totalité de ses activités, elle ne saurait soutenir utilement qu'elle n'entretient pas de relations privilégiées avec les autres associations ou les sociétés du groupe dont elle fait partie.

En ce qui concerne la majoration de la taxe d'apprentissage au titre de l'année 2013 :

22. Aux termes de l'article 228 bis du code général des impôts, ultérieurement repris à l'article 1599 ter I du même code puis par les dispositions de l'article 37 de la loi du 5 septembre 2018 : " A défaut de versement ou en cas de versement insuffisant de la taxe d'apprentissage aux organismes collecteurs habilités en application des articles L. 6242-1 et L. 6242-2 du code du travail avant le 1er mars de l'année suivant celle du versement des salaires, le montant de la taxe, acquitté selon les modalités définies au III de l'article 1678 quinquies, est majoré de l'insuffisance constatée ".

23. D'une part, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ".

24. L'objectif de la majoration prévue par les dispositions précitées de l'article 228 bis du code général des impôts est essentiellement de réprimer les défauts et retards volontaires de liquidation ou d'acquittement de l'impôt. Elle vise à inciter le contribuable à s'acquitter avec exactitude de ses obligations déclaratives. Ainsi, cette majoration présente le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elle vise et le litige relatif à son application procède d'une accusation en matière pénale au sens des stipulations citées ci-dessus de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

25. Les dispositions de l'article 228 bis du code général des impôts, qui prévoient que la majoration correspond au montant des sommes sur lesquelles porte l'infraction, instituent une sanction en proportion des droits éludés. En outre, le juge de l'impôt exerce un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer la majoration et décide, selon les résultats de ce contrôle, de maintenir ou non cette majoration. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 228 bis du code général des impôts seraient incompatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

26. D'autre part, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ".

27. L'article 228 bis du code général des impôts poursuit l'objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude en matière fiscale. Le montant de la majoration, égal à l'insuffisance constatée, correspond à la part inexécutée de l'obligation fiscale, laquelle s'élève à 0,5 % des rémunérations versées par l'employeur. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article 228 bis instituerait une sanction disproportionnée au regard des exigences de l'intérêt général poursuivi et méconnaîtrait pour ce motif le droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

28. Il résulte de tout ce qui précède que l'association IGS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la décharge, en droits, pénalités et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013, des rappels de taxe d'apprentissage au titre de l'année 2013 et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, taxes additionnelles et frais de gestion au titre des années 2013 et 2014 auxquelles elle a été assujettie. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions de l'association IGS relatives à la contribution au développement de l'apprentissage au titre de l'année 2013 et à la taxe d'apprentissage au titre de l'année 2014 sont transmises au Conseil d'Etat.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Institut de gestion sociale (IGS), au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 18 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. Carrère, président de chambre,

- Mme Fullana, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 18 mars 2022.

La rapporteure,

M. FULLANA La présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA02608 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02608
Date de la décision : 18/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Maguy FULLANA
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : ERNST et YOUNG, SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-18;20pa02608 ?
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