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08/03/2022 | FRANCE | N°19PA03895

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 08 mars 2022, 19PA03895


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'ordonner la communication des procès-verbaux établis par les services de police à l'occasion des opérations de saisie de son arme à feu, intervenues selon lui les

6 et 7 juin 2018, d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a ordonné à titre conservatoire la remise de son arme et l'a inscrit sur le fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'a

rmes pour une durée d'un an, d'ordonner la restitution de cette arme et de ses acc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'ordonner la communication des procès-verbaux établis par les services de police à l'occasion des opérations de saisie de son arme à feu, intervenues selon lui les

6 et 7 juin 2018, d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a ordonné à titre conservatoire la remise de son arme et l'a inscrit sur le fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes pour une durée d'un an, d'ordonner la restitution de cette arme et de ses accessoires ou leur remboursement, et de condamner l'Etat à indemniser les dégâts occasionnés par l'intervention policière du

7 juin 2018 à son domicile, à hauteur de 25 000 francs CFP.

Par un jugement n°1800231 du 14 mars 2019, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2019, M. B..., représenté par

Me Henochsberg, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du

14 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a ordonné à titre conservatoire la remise de sa carabine de calibre 7-08 de marque Savage, et l'a inscrit sur le fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui restituer son arme, ainsi que ses accessoires, confisqués lors de l'intervention du 7 juin 2018 dans un délai de quinze jours à compter du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui payer les sommes de

114 000 francs CFP correspondant au coût d'achat de son arme et de 68 000 francs CFP correspondant au coût d'achat de ses accessoires ;

5°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui payer la somme correspondant au produit net de la vente de son arme et de ses accessoires aux enchères publiques ;

6°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 25 000 francs CFP en réparation de son préjudice lié à l'intervention policière du 7 juin 2018 à son domicile ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions tendant à la communication des procès-verbaux relatifs aux opérations préalables à l'intervention du

6 juin 2018 ;

- le tribunal a irrégulièrement procédé à une substitution de motifs ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de fait ;

- l'illégalité de l'arrêté prive de base légale la saisie de son arme et des accessoires ;

- si son arme devait être définitivement retenue, il serait fondé à demander à être indemnisé de son préjudice pour des montants de 114 000 et de 68 000 francs CFP, correspondant au coût d'achat de son arme et des accessoires ;

- il a subi un préjudice matériel lié à l'intervention du 7 juin 2018 à son domicile, qu'il évalue à une somme de 25 000 francs CFP.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2021, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête de M. B... est irrecevable du fait de sa tardiveté ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;

- ses conclusions indemnitaires sont irrecevables en l'absence de demande préalable.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 21 juin 2021, M. B... conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 27 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au

22 octobre 2021.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 16 juillet et du

4 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,

- et les observations de Me Henochsberg pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 juin 2018, le haut-commissaire de la République en

Nouvelle-Calédonie a ordonné à M. B... de remettre à titre conservatoire sa carabine de marque Savage et toutes autres armes et munitions susceptibles de lui appartenir, et l'a inscrit sur le fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes pour une durée d'un an.

M. B... fait appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ressort des visas du jugement attaqué que le tribunal administratif s'est estimé saisi d'une demande tendant notamment à ce qu'il soit enjoint " aux services compétents, de lui communiquer les procès-verbaux (PV) liés aux interventions policières du

6 et 7 juin 2018 ", et du point 6 de ce jugement que le tribunal a estimé que : " En l'absence d'éléments établissant la réalité de l'intervention policière du 6 juin 2018, les conclusions de

M. B... tendant à ce que lui soient communiquées les procès-verbaux de cette intervention doivent être rejetées ". Il doit ainsi, contrairement à ce que soutient M. B..., être regardé comme ayant rejeté ses conclusions tendant à la communication des procès-verbaux relatifs aux opérations préalables à la même intervention.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure : " Sont interdites d'acquisition et de détention d'armes des catégories A, B et C : 1° Les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour l'une des infractions suivantes : (...) - menaces d'atteinte aux personnes prévues aux articles 222-17 à 222-18-3 du même code (...) ". Aux termes de l'article L. 312-7 du même code : " Si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes et de munitions présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le représentant de l'Etat dans le département peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l'autorité administrative, quelle que soit leur catégorie ". Aux termes de l'article R. 312-67 de ce code : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : (...) 2° Le demandeur ou le déclarant a été condamné pour l'une des infractions mentionnées au 1° de l'article L. 312-3 figurant au bulletin n° 2 de son casier judiciaire ou dans un document équivalent pour les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (...) ".

4. En relevant que M. B... a été condamné pour des faits de menaces d'atteinte aux personnes prévus par les dispositions des articles 222-17 et suivants du code pénal, et qu'il faisait donc l'objet d'une interdiction d'acquisition et de détention d'armes en vertu de l'article

L. 312-3 du code de la sécurité intérieure, cité ci-dessus, le tribunal administratif ne s'est pas, alors même que l'arrêté attaqué est motivé par référence à l'article L. 312-7 de ce code, livré à une substitution de motifs irrégulière, mais s'est borné à constater qu'ainsi que le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie l'avait soutenu dans son mémoire en défense, les moyens dirigés contre la décision inscrivant M. B... sur le fichier des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes étaient inopérants.

Sur la légalité de l'arrêté du 6 juin 2018 :

5. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que le relève le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, M. B... a été condamné pour des faits de menaces d'atteinte aux personnes prévus par les dispositions des articles 222-17 et suivants du code pénal. Il fait donc l'objet d'une interdiction d'acquisition et de détention d'armes des catégories A, B et C tant que la mention de ces condamnations figurera sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire et devait figurer sur le fichier des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes des catégories A, B et C en exécution des dispositions de l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure. Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie se trouvait donc en situation de compétence liée pour ordonner la remise de sa carabine, selon les dispositions citées ci-dessus du 2°) de l'article R. 312-67 et du 1°) de l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure. Les moyens, qu'il tire de l'insuffisance de la motivation de l'arrêté attaqué et de l'erreur de fait dont il serait entaché, ne peuvent donc qu'être écartés comme inopérants.

Sur les conclusions indemnitaires de M. B... :

6. Si M. B... demande réparation des préjudices prétendument causés par la saisie de son arme et de ses accessoires, ainsi que par l'intervention policière du 7 juin 2018, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait préalablement saisi l'administration d'une demande indemnitaire préalable. Par suite, ses conclusions aux fins d'indemnisation doivent être rejetées comme irrecevables.

7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée, pour information au ministre des outre-mer ainsi qu'au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 15 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2022.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

T. CELERIER

La greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19PA03895


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03895
Date de la décision : 08/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : LOIRE-HENOCHSBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-08;19pa03895 ?
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