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08/03/2022 | FRANCE | N°19PA03686

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 08 mars 2022, 19PA03686


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 18 septembre 2017 par laquelle le président de

la Polynésie française a prononcé sa révocation à titre disciplinaire et l'arrêté n° 00776 PR du

23 octobre 2017 par lequel le président de la Polynésie française a constaté la cessation définitive de ses fonctions suite à cette révocation et l'a radié à compter du 30 septembre 2017 du cadre d'emplois des praticiens hospitaliers de l

a fonction publique de la Polynésie française, de substituer à la révocation une interdiction te...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 18 septembre 2017 par laquelle le président de

la Polynésie française a prononcé sa révocation à titre disciplinaire et l'arrêté n° 00776 PR du

23 octobre 2017 par lequel le président de la Polynésie française a constaté la cessation définitive de ses fonctions suite à cette révocation et l'a radié à compter du 30 septembre 2017 du cadre d'emplois des praticiens hospitaliers de la fonction publique de la Polynésie française, de substituer à la révocation une interdiction temporaire de fonctions pour une durée maximale de 18 mois à compter du 30 septembre 2017 et d'enjoindre au président de la Polynésie française de le réintégrer en qualité de néphrologue au service de néphrologie du centre hospitalier de la Polynésie française à l'issue de l'exécution de cette nouvelle sanction, dans le délai de huit jours.

Par une ordonnance n° 1800097 du 25 avril 2018, le président du Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°18PA02542 du 7 février 2019, la Cour administrative d'appel de Paris a annulé cette ordonnance du président du Tribunal administratif de la Polynésie française, et a renvoyé l'affaire devant le Tribunal administratif de la Polynésie française.

Par un jugement n° 1900053 du 24 septembre 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé la décision du 18 septembre 2017 et l'arrêté du 23 octobre 2017 du président de la Polynésie française, et lui a enjoint de procéder à la réintégration de

M. B... avec effet au 30 septembre 2017, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le N° 19PA03686 le 22 novembre 2019, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 13 février 2020, la Polynésie française, représentée par Me Quinquis, puis par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du

24 septembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a, contrairement à ce qui est affirmé dans le jugement attaqué, pas prononcé directement la radiation des cadres de M. B... au motif que les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire seraient incompatibles avec l'exercice de ses fonctions, mais a, au contraire, suivi une procédure disciplinaire ;

- la sanction de révocation n'était pas disproportionnée par rapport à la faute commise par M. B... ;

- cette faute a porté à la réputation du service, une atteinte aggravée par le retentissement médiatique de cette affaire ;

- le conseil de discipline de recours ne s'est, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, pas prononcé contre la sanction de révocation.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 18 juillet et le 18 septembre 2020,

M. B..., représenté par Me Loyant, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la Polynésie française ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 26 août 2020, la Polynésie française conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 26 août 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au

30 septembre 2020.

II. Par une requête, enregistrée sous le N° 20PA0559 le 14 février 2020, la Polynésie française, représentée par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 24 septembre 2019.

Elle soutient que :

- elle fait valoir des moyens sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation de M. B... ;

- l'exécution de ce jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 30 juillet et le 19 décembre 2020,

M. B..., représenté par Me Loyant, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de

2 000 euros soit mise à la charge de la Polynésie française sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la Polynésie française ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 26 août 2020, la Polynésie française conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique,

- et les observations de Me Doumic-Seiller pour la Polynésie française.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., praticien hospitalier au sein du Centre hospitalier de la

Polynésie française (CHPF) depuis le 2 novembre 2003, a été condamné par un jugement du Tribunal correctionnel de Papeete du 8 novembre 2016, à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une amende de 500 000 francs CFP et d'une amende douanière de 881 200 francs CFP, pour des faits d'usage, d'acquisition, de transport, de détention et d'importation non autorisée de produits stupéfiants (condamnation inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire). Cette condamnation a été confirmée par un arrêt de la

Cour d'appel de Papeete du 20 avril 2017. M. B... a été suspendu de ses fonctions par une décision du président de la Polynésie française du 2 mai 2017, avant d'être révoqué par une décision de la même autorité du 18 septembre 2017, puis radié du cadre d'emplois des praticiens hospitaliers de la fonction publique de la Polynésie française avec effet au 30 septembre 2017 par un arrêté du 23 octobre 2017. Par un jugement du 24 septembre 2019, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé la décision du 18 septembre 2017 et l'arrêté du 23 octobre 2017. La Polynésie française fait appel de ce jugement.

Sur la requête N° 20PA0559 :

2. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de la

Polynésie française tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur la requête N°19PA03686 :

3. Aux termes de l'article 85 de la délibération de la délibération n° 95-215 AT du

14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique du territoire de la Polynésie française : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en 4 groupes : (...) 3e groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois à deux ans. 4e groupe : la révocation. ".

4. Il ressort du jugement attaqué, et n'est pas contesté, que lors d'un contrôle en décembre 2014, le service des douanes a découvert dans un colis à destination de M. B... une boîte de chocolats contenant six petits paquets de méthamphétamines (" ice ") pour un poids total de 3,23 grammes, et qu'une perquisition effectuée à son domicile par les fonctionnaires des douanes a abouti à la saisie d'" ecstasy ", de cannabis, d'amphétamines et de méthamphétamines. Il ressort également de ce jugement que, pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif a notamment relevé que, si M. B... a commis une faute d'une particulière gravité, les faits en cause ont été commis en dehors du service, et n'ont eu, au vu des attestations produites, aucune incidence sur l'exercice de son activité, et que le conseil de discipline s'est prononcé en faveur de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an et six mois. Dans ces conditions, même si la Polynésie française fait état des risques liés à la consommation de produits stupéfiants, et fait valoir, sans être sérieusement contredite, que M. B... avait déjà fait l'acquisition de tels produits au mois de

septembre 2014 et en a alors consommé de manière occasionnelle, qu'il a utilisé le numéro de la boite postale du CHPF pour se faire envoyer le colis mentionné ci-dessus, non dans les locaux de l'hôpital, mais dans un bureau de poste distant de plusieurs kilomètres, que cette affaire a donné lieu à un certain retentissement médiatique, établi par la production de plusieurs articles de presse, et que le conseil de discipline de recours s'est prononcé en faveur de la sanction de révocation, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de la Polynésie française a considéré que cette sanction était disproportionnée.

5. La Polynésie française ne saurait enfin faire valoir utilement qu'elle a suivi une procédure disciplinaire à l'encontre de M. B..., en s'abstenant de prononcer directement sa radiation des cadres en raison des seules mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, le jugement attaqué n'ayant pas retenu une telle radiation.

6. Il résulte de ce qui précède que la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a annulé les décisions en litige et enjoint la réintégration de M. B....

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Polynésie française demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête N° 20PA0559.

Article 2 : La requête N° 19PA03686 de la Polynésie française est rejetée.

Article 3 : La Polynésie française versera à M. B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Polynésie française et à M. A... B....

Copie en sera adressée au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 mars 2022.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLETLe président,

T. CELERIERLa greffière,

K. PETIT

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 19PA03686 - 20PA00559


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03686
Date de la décision : 08/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe NIOLLET
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : SELARL PIRIOU QUINQUIS BAMBRIDGE-BABIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-08;19pa03686 ?
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