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02/03/2022 | FRANCE | N°21PA00079

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 02 mars 2022, 21PA00079


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Les Gourmets des Ternes a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 31 août des années 2012 à 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période 1er septembre 2011 au 28 février 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1809147/1-3 du 13 novembre 2020, le Tribunal administratif d

e Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Les Gourmets des Ternes a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 31 août des années 2012 à 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période 1er septembre 2011 au 28 février 2015, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1809147/1-3 du 13 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 janvier 2021 et le 3 mai 2021, la SARL Les Gourmets des Ternes, représentée par la SCP Nataf et Planchat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1809147/1-3 du 13 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de la décharger de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen tiré de ce que l'administration n'a pas établi que la comptabilité de la société était tenue au moyen d'un système informatisé ;

- l'administration n'établit pas que sa comptabilité était tenue au moyen d'un système informatisé au sens de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- la procédure de l'article L. 47 A a été mise en œuvre irrégulièrement et il a été porté atteinte au droit de la défense du contribuable ;

- il a été porté atteinte aux droits de la défense de la société qui ne pouvait faire l'objet de la procédure prévue à l'article L. 47 A III du livre des procédures fiscales ;

- les traitements informatiques ont porté sur des fichiers saisis lors de la visite domiciliaire et ces traitements n'ont pas été précédés de l'envoi au contribuable d'une demande d'option prévue par l'article L. 47 A II du livre des procédures fiscales ;

- les dispositions du troisième alinéa du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 mars 2021 et le 10 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jurin,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Planchat, avocat de la SARL Les Gourmets des Ternes.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Les Gourmets des Ternes qui exploite un restaurant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er septembre 2011 au 31 août 2014, étendue jusqu'au 28 février 2015 en matière de taxe sur le chiffre d'affaires, à l'issue de laquelle l'administration a écarté sa comptabilité et a procédé à la reconstitution de ses recettes. Par une proposition de rectification du 18 décembre 2015, elle lui a notifié des cotisations supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. La SARL Les Gourmets des Ternes fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et en pénalités, des rehaussements dont elle a fait l'objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

3. La société requérante soutient que les juges de première instance n'ont pas statué sur le moyen tiré de ce que l'administration n'a pas établi que la comptabilité de la société était tenue au moyen d'un système informatisé. Toutefois, il ressort des écritures de première instance que ce moyen n'a été soulevé par la société requérante devant le tribunal que dans un mémoire enregistré le 6 janvier 2020 après la clôture de l'instruction. Si la société requérante soutient que, l'instruction aurait dû être réouverte et que ce mémoire aurait dû être soumis au débat contradictoire dès lors que cette production contenait l'exposé d'un élément de droit dont elle n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, il résulte de l'instruction qu'à l'appui de ses écritures la société requérante se fondait sur un arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille du 29 octobre 2019 relatif à un cas d'espèce qui ne constitue pas un élément de droit nouveau susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. En conséquence, les premiers juges n'étaient pas tenus de tenir compte de cette production enregistrée après la clôture de l'instruction et donc de répondre au nouveau moyen soulevé dans ce mémoire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements ". Aux termes de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l'administration fiscale peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable. / Celui-ci peut demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. / Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. / Ces copies seront produites sur un support informatique fourni par l'entreprise, répondant à des normes fixées par arrêté. / Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées. / Les copies des documents transmis à l'administration ne doivent pas être reproduites par cette dernière et doivent être restituées au contribuable avant la mise en recouvrement ".

5. La société requérante soutient que sa comptabilité n'est pas tenue au moyen de systèmes informatisés et qu'en conséquence, l'administration n'était pas fondée à demander d'effectuer certains traitements informatiques sur les systèmes utilisés par elle. Toutefois il résulte de l'instruction que la SARL Les Gourmets des Ternes utilise une caisse équipée d'un logiciel informatique qui permet de facturer et d'encaisser les ventes, qui comprend l'ensemble des recettes journalières de la société et permet une centralisation journalière de ces recettes. Ainsi, et quand bien même le logiciel de caisse ne serait pas relié au logiciel de comptabilité utilisé par l'expert-comptable de la société, les données issues de ces logiciels concourent à la formation des résultats comptables de la SARL Les Gourmets des Ternes et sont par suite soumises au contrôle prévu par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 47 A du même livre : " II. - En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. (...) c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. (...) Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées. L'administration détruit, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis. (...) ". Aux termes du dernier alinéa du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales : " (...) En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés saisie dans les conditions prévues au présent article, l'administration communique au contribuable, au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76, sous forme dématérialisée ou non au choix de ce dernier, la nature et le résultat des traitements informatiques réalisés sur cette saisie qui concourent à des rehaussements, sans que ces traitements ne constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité. Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui, et sous le contrôle desquels, les opérations sont réalisées ".

7. Si la société requérante soutient que des traitements informatiques ont été réalisés à partir des données issues des fichiers comptables, il résulte toutefois de l'instruction que la vérification a été effectuée à partir de documents saisies lors des visites domiciliaires qui ont eu lieu le 3 novembre 2015 dans les locaux de la société et au domicile personnel de son gérant sur le fondement d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, et notamment sur un fichier " JFMprive.xls " trouvé sur l'ordinateur personnel du gérant, dont la validité a été constatée à partir des données figurant dans un fichier CAMETEO.FIC. Or, il résulte de l'instruction que le service n'a utilisé les fichiers obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité que pour s'assurer que la comptabilité de la société était effectivement établie sur la base des données issues d'un logiciel de suppression de recettes et que l'administration n'a effectué que des rapprochements entre les données issues de ce logiciel, les recettes et nombre de couverts figurant sur le fichier JLMprive.xls et les déclarations de la société sans aucun retraitement de données issues des fichiers saisis. Dans ces conditions, la société Les Gourmets des Ternes ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'elle n'aurait pas été informée avant le 19 octobre 2015 que des traitements seraient réalisés sur les dossiers copiés lors du contrôle inopiné du 31 mars 2015 ou de ce que les traitements informatiques portant sur les fichiers saisis lors de la visite inopinée n'ont pas été précédés de l'envoi au contribuable de la demande d'option prévu par le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. Pour les mêmes raisons, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir de ce que les traitements réalisés sur les fichiers saisis lors de l'opération fondée sur l'article L. 16 B n'aurait pas été précédé d'une demande d'option ou de ce que les dispositions du 3e alinéa du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales auraient été méconnues.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur à la date des opérations de visite et de saisie en cause dans le litige : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter (...) ". Eu égard aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'administration fiscale ne saurait se prévaloir, pour établir une imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge. En particulier, l'administration fiscale ne saurait se fonder, pour établir une imposition, sur des éléments qu'elle a recueillis au cours d'une opération de visite et de saisie conduite par ses soins en application des dispositions précitées de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans des conditions ultérieurement déclarées illégales, que cette opération ait été conduite à l'égard du contribuable lui-même ou d'un tiers.

9. La procédure de visite et de saisie dont a fait l'objet a société requérante a été autorisée par une ordonnance du 2 novembre 2015 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris vainement contestée devant la Cour d'appel de Paris. En conséquence, les informations et les documents saisis sur le fondement de cette ordonnance pouvaient être utilisés pour fonder les rectifications contestées sans que la société ne puisse utilement soutenir que le juge des libertés et de la détention aurait été insuffisamment informé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Les Gourmets des Ternes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Les Gourmets des Ternes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les Gourmets des Ternes au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au directeur régional du contrôle fiscal d'Île-de-France (division juridique).

Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.

La rapporteure,

E. JURINLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 21PA00079 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00079
Date de la décision : 02/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-03 Contributions et taxes. - Généralités. - Règles générales d'établissement de l'impôt. - Contrôle fiscal. - Vérification de comptabilité. - Garanties accordées au contribuable.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-02;21pa00079 ?
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