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02/03/2022 | FRANCE | N°20PA03946

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 02 mars 2022, 20PA03946


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Ra a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2014, 2015 et 2016 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 1817819/2-1 du 13 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu

à statuer à concurrence du dégrèvement d'un montant de 123 948 euros, prononcé en cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Ra a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 2014, 2015 et 2016 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 1817819/2-1 du 13 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'un montant de 123 948 euros, prononcé en cours d'instance par l'administration, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de la SARL Ra.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2020, la SARL Ra, représentée par Me Zeglin, puis par Me Hoin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1817819/2-1 du 13 octobre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de la décharger des impositions restant en litige.

Elle soutient que :

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires est viciée et a abouti à des évaluations exagérées dès lors que l'administration n'a pas suffisamment pris en compte les formule " vin de table offert ", que la période utilisée à titre d'échantillon n'est pas significative car il s'agit d'une période de ramadan et estivale, que le taux de réfaction appliqué et fixé à 8 % est insuffisant dès lors qu'il ne tient pas compte des vols, que le chiffre d'affaires reconstitué est exagéré eu égard aux conditions réelles d'exploitation car les réductions " La Fourchette " accordées et les consommations du personnel sont sous évaluées ;

- les redressements afférents au passif injustifié correspondant à des apports en compte courant ne sont pas fondés ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées dès lors que la situation personnelle de la gérante de la société n'a pas été prise en compte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Ra ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jurin,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Hoin, avocat de la SARL Ra.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL RA qui exploite un restaurant de spécialités marocaines et libanaises, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. A l'issue de cette vérification, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos au cours des années 2014, 2015 et 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondante à ces trois mêmes années lui ont été notifiés. Les impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été mis à sa charge selon la procédure de redressement contradictoire et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont fait l'objet d'une procédure de taxation d'office en application de l'article L. 66-2° du livre des procédures fiscales en l'absence de dépôt des déclarations requises. Par un jugement du 13 octobre 2020, le Tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance par l'administration et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de la SARL Ra. La société relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires de la société :

2. Il résulte de la proposition de rectification que le vérificateur a retenu la méthode dite des vins pour procéder à la reconstitution des recettes de la SARL Ra. A cette fin, et en l'absence de justificatifs, le vérificateur a, après avoir demandé à la gérante de la société de conserver les justificatifs lors de la première intervention, exploité les notes délivrées aux clients pendant la période du 19 juin 2017 au 13 septembre 2017, soit un total de 771 notes. Puis le vérificateur a, à partir de l'analyse de ces données, déterminé le coefficient correspondant au rapport entre le chiffre d'affaires résultant de la vente des vins et le chiffre d'affaires global réalisé. Il a ensuite établi le montant des achats revendus de vin à partir de l'ensemble des factures d'achats de vin présentées par la société et obtenues en exerçant son droit de communication, ayant estimé qu'en l'absence d'inventaire des stocks, que les vins achetés au cours de la période considérée avaient été intégralement revendus. Enfin le vérificateur a appliqué le coefficient calculé au montant des achats revendus de vin, selon les prix facturés par la société Ra au cours de la période vérifiée. Un abattement de 8 % a finalement été pratiqué sur le chiffre d'affaires ainsi reconstitué pour tenir compte de la casse, du coulage, de la consommation du personnel, des kirs servis occasionnellement en apéritifs et des offerts.

3. En premier lieu, la société requérante soutient que les formules " vin inclus " ont été insuffisamment prises en compte. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la réclamation contentieuse de la société Ra, le vérificateur a réduit le nombre de bouteilles retenu pour déterminer la quantité des achats revendus de vin afin de prendre en compte celles correspondant aux formules vin inclus, soit 90 bouteilles pour 716 formules vendues en 2014, 57 bouteilles pour 460 formules vendues en 2015 et 53 bouteilles pour 423 formules en 2016. Pour déterminer le nombre de bouteilles à prendre en compte, l'administration a considéré que chaque formule comprenait un verre de vin de 12,5 cl et qu'ainsi une bouteille de vin d'un litre correspondait à 8 formules. La société soutient que le nombre de bouteilles retenues est insuffisant dès lors qu'une bouteille d'un litre de vin correspond à trois personnes et donc à trois formules. Toutefois, il résulte de l'instruction que la carte du restaurant ne comprenait pas de formules vin compris et que ces formules ont été mises en place dans le cadre d'un partenariat avec une société située à proximité du restaurant bénéficiant de formule " vin compris ". D'une part, si la société produit un devis et une facture correspondant à une prestation fournie en 2016 à la société " Ca c'est Paris " comprenant des formules à 25 euros avec un kir et une bouteille de Boulaouane pour 3, il résulte de l'instruction que les bouteilles correspondant à cette formule à savoir les bouteilles de Boulaouane achetées en 2014, 2015 et 2016 ont été retirées du volume d'achats de vin retenus par le vérificateur compte tenu du faible volume des ventes qu'elles représentaient et de la différence de prix avec le vin majoritairement vendu. En outre, ces documents correspondant à une prestation ponctuelle ne suffisent pas à établir que les formules à 17 euros proposées par la société Ra à une autre société comprendrait également une bouteille pour 3 personnes alors que le descriptif du menu à 17 euros produit par la société présente le menu comme comprenant un couscous royal, un thé gourmand et de l'eau gazeuse/eau plate/vin de table offert. Aucun autre élément produit par la société Ra, et notamment pas l'attestation du 14 avril 2020 de la société Espace Vinci, ne permet d'établir que la formule à 17 euros comprenait plus d'un verre de vin de 12,5 cl par formule. Ainsi, la société Ra n'est pas fondée à soutenir qu'en retenant un verre de vin de 12,5 cl pour une formule à 17 euros, l'administration a sous-évalué le nombre des bouteilles à déduire des achats de vin à raison de cette formule " vin compris ".

4. En deuxième lieu, la société soutient que la période utilisée à titre d'échantillons n'est pas significative dès lors qu'elle correspond à une période où la consommation d'alcool est moins importante à raison de l'été et du ramadan. Toutefois il résulte de l'instruction que cette période ne comprend que six jours de chevauchement avec le ramadan qui s'est achevé le 24 juin en 2017. En outre, la société n'apporte aucun élément de nature à établir que sa clientèle serait constituée d'une part importante de personne s'abstenant de consommer de l'alcool pour des raisons religieuses alors qu'au demeurant, il résulte de l'instruction que le restaurant est situé dans une zone touristique du centre de Paris. En outre, la société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que la consommation d'alcool serait moins importante en période estivale.

5. En troisième lieu, si la société soutient que le taux de réfaction de 8 % est insuffisant et que l'administration aurait dû retenir un taux de 10 % à raison des vols pratiqués, il résulte de l'instruction que ce taux a été établi en tenant compte de la casse, du coulage, de la consommation du personnel, des kirs servis occasionnellement en apéritifs et des offerts et la société Ra n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des vols allégués. La société soutient également que les consommations du personnel sont sous évaluées. Toutefois, les consommations du personnel ont été prise en compte par l'application du taux de réfaction de 8 % et la société requérante n'apporte aucun élément justifiant qu'un taux supérieur au taux pratiqué aurait dû être retenu.

6. En quatrième lieu, la société soutient que le chiffre d'affaires reconstitué est exagéré eu égard aux conditions réelles d'exploitation car les réductions accordées pour les réservations effectuées via le site " La Fourchette " sont sous évaluées. Toutefois, le calcul du coefficient pratiqué a été fait à partir de l'ensemble des notes établies pendant la période d'échantillonnage, y compris les éventuelles réservations effectuées pendant cette période via des sites type " La Fourchette ", et incluant leurs éventuelles remises. Or, la société n'établit ni même n'allègue qu'aucune réduction correspondant à des réservations sur le site " La Fourchette " n'aurait été effectuée pendant la période témoin, ayant conduit à une absence de prise en compte de ces réductions sur le chiffre d'affaires retenus pendant cette période. En outre, les factures " La Fourchette " produites, relatives aux exercices vérifiés, n'indiquent pas ce que les clients ont consommé, ne mentionnent pas de formule " vin compris ", et ne mentionnent même pas le montant de l'éventuelle remise accordée.

7. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la méthode de reconstitution des recettes mise en œuvre par l'administration n'est ni excessivement sommaire ni radicalement viciée.

En ce qui concerne le redressement sur passif injustifié :

8. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ".

9. L'administration a estimé que les sommes de 33 900 euros au titre de l'année 2014, 1 397 euros au titre de l'année 2015 et 9 080 euros au titre de l'année 2016 figurant au crédit du compte courant d'associés devaient être regardées comme un passif injustifié, qu'elle a réintégré aux résultats imposables de la société requérante. Si la société Ra soutient que ces sommes correspondent à des remboursements de sommes payées par les associés pour le compte de la société, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier la réalité de ces dépenses. Dès lors que la société Ra, à qui incombe la preuve, ne justifie pas de la réalité de ses dépenses, c'est à bon droit que l'administration a réintégré ces sommes dans le résultat imposable de la société Ra.

Sur les pénalités pour manquements délibérés :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

11. La société requérante soutient que l'état de santé de sa gérante n'a pas été pris en compte et qu'il n'a pas été fait une juste application des pénalités pour manquement délibéré. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'au cours de la période en litige la gérante de la société requérante a fait l'objet de cinq jours d'hospitalisation, ce qui ne saurait la dispenser de ses obligations déclaratives. En outre, eu égard à l'importance et à la répétition des dissimulations de recettes sur la période vérifiée, l'administration doit être regardée comme établissant le caractère délibéré du manquement de la société. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts les rappels d'impositions litigieux, doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Ra n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Ra est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Ra et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).

Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.

La rapporteure,

E. JURINLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 20PA03946 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03946
Date de la décision : 02/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-06-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Établissement de l'impôt. - Bénéfice réel. - Redressements.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : ZEGLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-02;20pa03946 ?
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