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02/03/2022 | FRANCE | N°20PA02769

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 02 mars 2022, 20PA02769


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 23 juillet 2018 par laquelle la ville de Paris a refusé de le reclasser et a mis en œuvre une procédure de retraite pour invalidité, d'enjoindre à la ville de Paris, à titre principal, de procéder à l'aménagement de son poste de travail et, à titre subsidiaire, de mettre en œuvre la procédure de reclassement à son égard et de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 4 230 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1816944/2-3 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 23 juillet 2018 par laquelle la ville de Paris a refusé de le reclasser et a mis en œuvre une procédure de retraite pour invalidité, d'enjoindre à la ville de Paris, à titre principal, de procéder à l'aménagement de son poste de travail et, à titre subsidiaire, de mettre en œuvre la procédure de reclassement à son égard et de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 4 230 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1816944/2-3 du 23 juillet 2020, ayant fait l'objet d'une ordonnance de rectification d'erreur matérielle du 28 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 23 juillet 2018, a enjoint à la ville de Paris de mettre en œuvre la procédure de reclassement concernant M. B... et a mis à la charge de la ville de Paris la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 septembre 2020, le 5 octobre 2020 et le 11 juin 2021, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1816944/2-3 du 23 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de juger qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de M. B... présentées devant le Tribunal administratif de Paris ou, à tout le moins de rejeter sa demande.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'est pas signé ;

- la requête de M. B... devant le Tribunal administratif de Paris n'était pas recevable dès lors que le courrier du 23 juillet 2018 ne présentait pas de caractère décisoire ;

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision du 23 juillet 2018 n'avait pas été rapportée par la décision du 19 octobre 2018 ;

- contrairement à ce qui a été jugé, la ville de Paris pouvait subordonner le reclassement de M. B... dans le corps des adjoints administratifs à la réalisation préalable d'un bilan d'évaluation de compétences.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 mai 2021 et le 22 juin 2021, M. B..., représenté par la SELAS Citylex avocats, conclut au rejet de la requête de la ville de Paris et, à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est régulier ;

- les moyens soulevés par la ville de Paris ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jurin,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Moscardini, avocate de la ville de Paris et de Me Soularue, avocate de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a été recruté en 1985 en qualité de stagiaire puis titularisé en 1986 en qualité d'éboueur à la direction de la propreté et de l'eau de la ville de Paris. Il été titularisé en qualité de conducteur d'automobile de transport en 1989. Après avoir été promu chef d'équipe conducteur automobile principal, il a été détaché sur un emploi fonctionnel d'assistant d'exploitation conducteur à compter du 1er janvier 2012. A la suite d'un accident de service le 24 juin 2013, M. B... a été placé en congé de maladie imputable au service. Par un avis du médecin du service de médecine statutaire du 6 octobre 2015, M. B... a été reconnu définitivement inapte à ses fonctions d'assistant d'exploitation conducteur automobile. Par un courrier du 26 février 2016, la ville de Paris a informé M. B... qu'un reclassement allait lui être proposé et qu'il serait prochainement convoqué. Le 1er juin 2016, M. B... a demandé à être reclassé dans le corps des adjoints administratifs. Après avoir demandé à plusieurs reprises à M. B... de faire un bilan d'évaluation professionnelle et de maintien dans l'emploi et face à l'impossibilité pour M. B... de suivre un tel bilan, le requérant a été informé par un courrier du 15 mai 2018 que dès lors qu'il ne pouvait plus exercer d'activités techniques et que son reclassement n'était pas envisageable, la ville de Paris envisageait d'engager une procédure de mise à la retraite pour invalidité. Par un courrier du 2 juillet 2018, le conseil de M. B... a sollicité la ville de Paris en vue d'une part d'obtenir le maintien en congé pour accident de service jusqu'à la consolidation de son état de santé et d'autre part, à compter de la date de la consolidation de conserver son emploi d'assistant d'exploitation conducteur sur un poste aménagé et dédié à des fonctions exclusivement administratives après reclassement dans le corps des adjoints administratifs. Par un courrier du 23 juillet 2018, la ville de Paris a, d'une part, constaté, " l'échec du processus de reclassement " et a, d'autre part, informé le requérant de la mise en œuvre d'une procédure de retraite pour invalidité. Par un jugement du 23 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 23 juillet 2018 et a enjoint à la ville de Paris de reprendre la procédure de reclassement concernant M. B.... La ville de Paris relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " (...) la minute est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance transmis à la Cour que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures prévues par les dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. En tout état de cause, si l'expédition du jugement du Tribunal administratif de Paris notifié à la ville de Paris ne comporte pas ces signatures, cette circonstance n'est pas de nature à entacher la régularité du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, la ville de Paris a soutenu devant le tribunal qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la requête de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 23 juillet 2018 dès lors que cette décision avait été implicitement mais nécessairement retirée par un courrier du 19 octobre 2018. Toutefois il ressort des termes même de la décision contestée qu'elle constitue un refus de reclassement de M. B.... Or, si le courrier du 19 octobre 2018 se borne à proposer un nouveau bilan de compétences à M. B... et à remettre en œuvre la procédure de reclassement, ce courrier qui ne comprend aucune proposition de reclassement effective, n'abroge ni ne retire le refus de reclassement contesté par M. B.... Ainsi, la ville de Paris n'est pas fondée à soutenir que la proposition d'un nouveau bilan de compétences a privé d'objet la requête de M. B... devant le tribunal. En conséquence, c'est à bon droit que les juges de première instance ont écarté l'exception de non-lieu à statuer opposée par la ville de Paris devant le tribunal.

5. En troisième lieu, la ville de Paris soutient que la requête de première instance de M. B... n'était pas recevable dès lors que le courrier du 23 juillet 2018 ne lui fait pas grief car il ne présente pas de caractère décisoire et ne constitue pas un refus de reclassement. Toutefois il ressort de ses termes même que le courrier du 23 juillet 2018 constate expressément " l'échec du processus de reclassement " et conclut à la mise en œuvre d'une procédure de retraite pour invalidité. Ainsi, il contient une décision de refus de reclassement faisant grief à M. B... et qui est par suite susceptible de recours. La ville de Paris n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de décision faisant grief à M. B....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Pour annuler la décision contestée, les premiers juges ont relevé qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne conditionne le reclassement d'un agent public à la réalisation d'un bilan d'évaluation professionnelle et de maintien dans l'emploi et qu'ainsi, la ville de Paris qui n'établissait ni même n'alléguait que le reclassement de M. B... était impossible en raison de l'absence d'emploi vacant ou de refus de l'intéressé d'une proposition qui lui aurait été faite a entaché sa décision de refus de reclassement d'erreur de droit.

7. Aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 susvisé : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. " Aux termes de l'article 83 de cette même loi : " Il peut être procédé dans un cadre d'emploi, emploi ou corps de niveau équivalent ou inférieur au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'article 81 par la voie de détachement. / Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le cadre d'emploi, emploi ou corps de détachement. Leur ancienneté est déterminée selon les modalités prévues par l'article 82. ". Aux termes de l'article 2 du décret du 30 septembre 1985 : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'autorité territoriale ou le président du centre national de la fonction publique territoriale ou le président du centre de gestion, après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadres d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. "

8. En vue d'apprécier les aptitudes de ses agents, notamment lorsqu'est envisagé un reclassement d'un corps technique à un corps administratif ou un reclassement dans un autre cadre d'emploi, l'employeur a la possibilité dans le cadre de l'exercice de son pouvoir réglementaire d'organisation des services et dans la mesure où les nécessités de service l'exigent, et afin d'évaluer les capacités professionnelles de son agent à exercer des fonctions dans le nouveau cadre d'emploi, de demander à son agent d'effectuer un bilan de compétences. Ainsi, la ville de Paris avait la possibilité de demander à M. B... de réaliser un bilan de compétences avant de lui proposer un reclassement sans commettre d'erreur de droit. C'est donc à tort que les premiers juges ont jugé que la décision contestée était entachée d'erreur de droit.

9. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que par un avis du 6 octobre 2015, M. B... a été déclaré définitivement inapte aux fonctions d'assistant d'exploitation conducteur automobile. A la suite de cet avis, M. B... a demandé le 1er juin 2016 son reclassement sur un emploi d'adjoint administratif. A cet effet la ville de Paris a à plusieurs reprises invité M. B... a effectué un bilan de compétences. Il résulte de l'instruction que si M. B... ne s'est pas rendu aux bilans de compétences proposés par son employeur et organisés par un prestataire extérieur, il n'est pas contesté que ces absences ont été motivées par des raisons médicales. Ainsi, le refus de participer aux bilans de compétences proposés ne saurait être assimilé à un refus de reprendre une activité professionnelle. Or, dès lors qu'il n'a à aucun moment manifesté de manière expresse et non équivoque son refus de reprendre une activité professionnelle, M. B... bénéficiait du droit d'être reclassé. Par conséquent, la ville de Paris, qui en outre n'établit ni même n'allègue que le reclassement de M. B... était impossible, ne pouvait refuser son reclassement au motif qu'il n'avait pas effectué de bilan de compétences. Ainsi en refusant le reclassement de M. B... pour ce motif, la ville de Paris a entaché d'illégalité sa décision du 23 juillet 2018.

10. Il résulte de ce qui précède que la ville de Paris n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 23 juillet 2018 et lui a enjoint de reprendre la procédure de reclassement.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la ville de Paris le versement d'une somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la ville de Paris est rejetée.

Article 2 : La ville de Paris versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Paris et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2022.

La rapporteure,

E. JURINLe président

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

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N° 20PA02769


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02769
Date de la décision : 02/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Changement de cadres, reclassements, intégrations. - Questions d'ordre général.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : SCP FOUSSARD-FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-02;20pa02769 ?
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