Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2107433/5-3 du 13 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 29 mars 2021, enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... B... dans le délai de deux mois et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 août 2021, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2107433/5-3 du 13 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de M. A... B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que dès lors que M. A... B... ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, ce motif peut être substitué à celui tiré de la menace à l'ordre public.
La requête a été communiquée à M. A... B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Une mise en demeure a été adressée le 24 septembre 2021 à M. A... B..., en application des articles R. 612-3 et R. 612-6 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 20 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Platillero a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien, a sollicité son admission au séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 29 mars 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Le préfet de police relève appel du jugement du 13 juillet 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 mars 2021, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... B... dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 juin 1988 en matière de séjour et de travail : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 de la même convention stipule que : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que : " le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".
3. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 précité à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas des modalités d'admission exceptionnelle au séjour semblables à celles prévues à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
4. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... B... soutient être entré en France en 2016, il ne disposait pas de visa de long séjour et s'est maintenu sur le territoire français en situation irrégulière. Il est constant qu'il est célibataire et sans enfant, ses parents et sa fratrie résidant en Tunisie, pays dans lequel il a lui-même résidé selon ses propres déclarations jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Si M. A... B..., qui a par ailleurs été condamné le 16 janvier 2019 pour des faits de conduite sous l'emprise d'un état alcoolique, se prévaut de l'exercice d'un emploi d'aide-chauffeur qu'il soutient exercer depuis deux ans et demi, il ne justifie ainsi d'aucune expérience ou qualification professionnelles particulières. Dans ces conditions, le préfet de police ne s'est pas livré à une appréciation manifestement erronée de la situation de M. A... B... en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation exceptionnelle pour l'admettre au séjour. A cet égard, la circonstance que, contrairement à ce que mentionne l'arrêté contesté, la condamnation précitée ne caractérise pas une menace à l'ordre public est sans incidence, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police aurait pris la même décision sans se fonder sur une telle menace. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le motif tiré de l'absence de menace à l'ordre public pour annuler son arrêté du 29 mars 2021.
5. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... B... devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... B... :
6. En premier lieu, à supposer que M. A... B... ait entendu se prévaloir d'une insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué, ce moyen manque en fait, dès lors que cet arrêté comprend l'ensemble des considérations de droit et de fait qui le fondent et que, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet de police n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé.
7. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été rappelé au point 3, M. A... B... ne peut utilement soutenir que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4., M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris et aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur sa situation personnelle.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. M. A... B... n'évoque aucun élément de nature à établir que son éloignement vers la Tunisie constituerait un traitement inhumain ou dégradant. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 29 mars 2021, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... B... dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ce jugement doit dès lors être annulé et la demande de M. A... B... devant le Tribunal administratif de Paris doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2107433/5-3 du 13 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. A... B... devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 2 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Platillero, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2022.
Le président assesseur, rapporteur
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
F. PLATILLEROL'assesseur le plus ancien,
F. MAGNARD
Le greffier,
I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04601