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16/02/2022 | FRANCE | N°21PA04595

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 février 2022, 21PA04595


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2106583/2-2 du 12 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 22 février 2021, enjoint au préfet de police de

délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2106583/2-2 du 12 juillet 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 22 février 2021, enjoint au préfet de police de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 et 17 août 2021, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 du jugement n° 2106583/2-2 du 12 juillet 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a fait droit au moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens doivent être écartés par les motifs invoqués devant le tribunal.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Yann Le Goater, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués par le préfet de police ne sont pas fondés ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception, méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie d'exception et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les observations de Me Le Goater pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante tunisienne, a sollicité son admission au séjour à raison de son état de santé, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 février 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite d'office. Le préfet de police relève appel du jugement du 12 juillet 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 février 2021, lui a enjoint de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 425-9 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ".

3. Pour refuser à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour à raison de son état de santé, le préfet de police s'est approprié l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 15 janvier 2021, qui a estimé que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical établi par un diabétologue de l'hôpital Pitié-Salpêtrière du 6 septembre 2019, dont la teneur est confirmée par le même médecin dans des certificats ultérieurs, et de certificats médicaux de docteurs en ophtalmologie antérieurs à l'arrêté contesté et confirmés par des certificats postérieurs, que Mme B... souffre d'un diabète de type 1 nécessitant une pompe à insuline sous-cutanée ultra-rapide et un capteur de glucose interstitiel, un suivi spécialisé étant nécessaire en raison de complications ophtalmologiques sévères liées à une rétinopathie diabétique proliférante, qui a nécessité des injections intra-vitréennes répétées et des traitements par laser, pouvant conduire à la cécité. Ce traitement est, selon les différents certificats médicaux produits, le seul qui permet de stabiliser l'état de santé de Mme B..., le traitement reposant sur des injections d'insuline qui lui avait été prodigué en Tunisie ne permettant pas de stabiliser son diabète et entraînant des complications ophtalmiques graves, des troubles de la dentition et des séquelles abdominales. Si le préfet de police justifie que la Tunisie dispose de structures médicales en ophtalmologie et endocrinologie, Mme B... fait valoir que son traitement par la voie d'une pompe d'insulinothérapie permettant d'assurer un équilibre glycémique, associée à des capteurs et à des injections intra-vitréennes, n'est pas disponible dans son pays d'origine, ce que confirment des certificats médicaux de médecins tunisiens et un document du fabricant de cette pompe qui mentionne l'absence de commercialisation en Tunisie. Dans ces conditions, Mme B... apporte des éléments suffisants permettant d'infirmer l'avis du collège de médecins de l'OFII quant à la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Tunisie. Par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal, qui a par ailleurs également jugé à bon droit que la demande introductive d'instance était motivée, le préfet de police a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur en refusant de délivrer à Mme B... un titre de séjour.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er à 3 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 22 février 2021, lui a enjoint de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sa requête doit dès lors être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais que Mme B... a exposés, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... B....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 2 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Platillero, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2022.

Le président assesseur, rapporteur

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative

F. PLATILLEROL'assesseur le plus ancien,

F. MAGNARD

Le greffier,

I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04595
Date de la décision : 16/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SELARL RAMBAUD-LE-GOATER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-16;21pa04595 ?
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