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16/02/2022 | FRANCE | N°20PA00824

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 16 février 2022, 20PA00824


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1703730/1-1 du 8 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mars 2020, Mme C..., représentée par Me Eric Planchat, demande à

la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703730/1-1 du 8 janvier 2020 du Tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des contributions sociales mises à sa charge au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1703730/1-1 du 8 janvier 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mars 2020, Mme C..., représentée par Me Eric Planchat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703730/1-1 du 8 janvier 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité dès lors que l'administration a sollicité, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, des justifications portant sur les sommes figurant au crédit des comptes des SCI C... Etoile et C... de la Forge sans apporter la preuve d'une confusion de patrimoine de ces sociétés et de Mme C... ; la circonstance qu'elle soit gérante de ces deux sociétés civiles immobilières n'implique pas la confusion des patrimoines ; elle ne s'est jamais présentée comme la propriétaire des appartements appartenant à ces deux sociétés ; les loyers ont été encaissés sur les comptes des sociétés civiles immobilières ; les SCI C... Etoile et C... de la Forge n'ont aucune obligation légale de tenir une comptabilité ;

- les crédits bancaires figurant sur les comptes ouverts au nom des SCI C... Etoile et C... de la Forge, que l'administration a taxé dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, proviennent des SARL Etoile, Société hôtelière de Bruxelles et du Nord et Société Hôtel Metropol ; les mouvements financiers ont été portés en comptabilité aux comptes de la classe 467 ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévu au a. de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée dès lors que l'administration ne démontre pas l'intention d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 janvier 2021 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Planchat, avocat de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., gérante des SCI C... Etoile et C... de la Forge, a fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle au titre des années 2011 et 2012. Parallèlement, l'administration fiscale a procédé à un contrôle sur place de ces deux sociétés civiles immobilières au titre des mêmes années. A l'issue des opérations de contrôle, l'administration fiscale, après avoir notifié à Mme C... deux propositions de rectification des 17 décembre 2014, au titre de 2011, et du 22 janvier 2015, au titre de 2012, suivant la procédure de taxation d'office, a mis à la charge de l'intéressée des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à raison de la réintégration, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, de sommes créditées sur les comptes bancaires des SCI C... Etoile et C... de la Forge. Par un jugement du 8 janvier 2020, dont Mme B... C... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à être déchargée, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des contributions sociales mises à sa charge au titre des deux années en litige.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...). / . Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, (...) ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " (...), sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

3. Il résulte des propositions de rectification des 17 décembre 2014 et 22 janvier 2015 que, lors du contrôle des SCI C... Etoile et C... de la Forge, l'administration fiscale a constaté des mouvements de fonds entre ces deux sociétés et des sociétés sans lien juridique, économique ou commercial, avec elles, les SARL Société Hôtelière de Bruxelles et du Nord, Etoile et Hôtel Métropole, dont Mme C... est, par ailleurs, la gérante. A défaut pour les SCI, qui ont présenté à l'administration fiscale des cahiers retraçant les loyers encaissés et les frais, d'avoir tenu une comptabilité dans les conditions fixées par les dispositions de l'article 46 D de l'annexe III au code général des impôts, et d'avoir procédé à la reddition des comptes sur la période vérifiée, ces mouvements n'ont pu être rattachés à leur activité. L'administration a, par ailleurs, constaté, des mouvements de fonds entre ces deux SCI et les comptes bancaires de Mme C..., qui a détenu avec son beau-frère, jusqu'au 28 décembre 2011, la totalité du capital social des SCI C... Etoile et C... de la Forge, puis seule avec ses enfants. A... sa qualité de gérante, Mme C... disposait de toutes les prérogatives attachées à cette fonction, y compris s'agissant de la gestion des comptes bancaires. Dans ces conditions, en l'absence d'informations comptables probantes sur les flux financiers de ces sociétés, et au vu d'éléments précis et concordants tirés du fonctionnement des

SCI C... Etoile et C... de la Forge, l'administration a pu à bon droit considérer que la gestion sociale de ces deux sociétés ne pouvait être distinguée de la gestion patrimoniale propre des associés. En se bornant à soutenir que la tenue d'une comptabilité ne constituait pas une obligation légale pour ces deux sociétés civiles immobilières, que la circonstance qu'elle en était la gérante n'était pas suffisante pour caractériser une confusion des patrimoines, qu'elle ne s'est jamais présentée comme la propriétaire des appartements détenus par les deux SCI et que les loyers étaient versés sur leurs comptes bancaires, Mme C... ne conteste pas sérieusement la confusion des patrimoines des SCI avec le sien. Il suit de là que l'administration fiscale pouvait valablement mettre en œuvre la procédure de demande de justifications prévue par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales afin d'identifier l'origine des sommes figurant au crédit des comptes financiers des SCI C... Etoile et C... de la Forge.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue. Il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus.

5. Il résulte des propositions de rectification des 17 décembre 2014 et 22 janvier 2015 que l'administration fiscale a constaté, au titre des années 2011 et 2012, plusieurs mouvements de fonds entre les SCI C... Etoile et C... de la Forge et les SARL Société Hôtelière de Bruxelles et du Nord, Etoile et Métropole Hôtel identifiés sous les libellés " Virement crédit " du 5 mai 2011 d'un montant de 500 euros, " Virement Sarl Hôtelière de Bruxelles et du Nord " du 18 mai 2011 d'un montant de 1 000 euros, " Virt Remb Crédit KBC " du 30 mai 2012 d'un montant de 1 200 euros, " Virt Bruxelles Nord " du 2 octobre 2012 d'un montant de 5 000 euros, " Virt Bruxelle et Nord " du 22 novembre 2012 d'un montant de 20 000 euros, " Rem Chèque " du 26 décembre 2012 d'un montant de 20 000 euros, " Virt Etoile " du 1er août 2012 d'un montant de 10 000 euros et

" Virt Brux et " du 25 septembre 2012 d'un montant de 10 000 euros. Il est constant, ainsi que le souligne l'administration, que le crédit bancaire de 500 euros correspondant à l'écriture enregistrée le 5 mai 2011 a été prise en compte à la suite du recours hiérarchique du 30 avril 2015. Pour justifier l'origine des autres crédits bancaires, Mme C... soutient qu'ils correspondent soit à des remboursements de prêts consentis aux SARL Société Hôtelière de Bruxelles et du Nord, Etoile et Hôtel Métropole, soit à des prêts consentis aux SCI C... Etoile et C... de la Forge. Toutefois, l'intéressée ne produit aucun contrat de prêt, ni pièces justificatives probantes, et ce alors que ces mouvements de fonds n'ont pas été comptabilisés en tant que prêt dans les écritures comptables des différentes SCI mais uniquement au travers d'un compte tel qu'intitulé par le plan comptable général " débiteurs divers et créditeurs divers ". Faute d'établir l'origine et la nature desdits fonds, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a maintenu la réintégration dans ses revenus imposables des crédits d'origine indéterminée.

Sur les pénalités :

6. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

7. Pour justifier l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré aux droits résultant de la réintégration aux revenus imposables de Mme C... de revenus d'origine indéterminée, l'administration s'est fondée sur la confusion qu'elle a volontairement entretenue entre les patrimoines des SCI et le sien et la circonstance qu'elle ne pouvait ignorer les conséquences financières en résultant, le montant des sommes figurant sur ses comptes bancaires étant révélateur d'une volonté de soustraire à l'administration la connaissance de sommes donnant lieu à imposition.

8. Toutefois, eu égard aux rectifications notifiées à Mme C..., au titre de l'année 2011, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée et maintenues, au stade de la réponse aux observations du contribuable du 4 mars 2015, pour un montant de 1 500 euros, puis de 1 000 euros au stade du recours hiérarchique, l'administration fiscale ne peut être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée de Mme C... de se soustraire à l'impôt pour cette année 2011.

9. En revanche, les rectifications notifiées à Mme C..., au titre de l'année 2012, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ayant été maintenues, au stade de la réponse aux observations du contribuable du 4 mars 2015, pour un montant de 66 200 euros, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de Mme C... de se soustraire à l'impôt et, par suite, du bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré de 40 % qui lui a été infligée sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts. En se bornant à se prévaloir des conséquences du contrôle dont elle a fait l'objet au titre des années 2007 et 2008, l'administration n'ayant alors pas procédé à une taxation dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ni évoqué de confusion de patrimoines, Mme C... ne conteste pas utilement le bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré mise à sa charge au titre de l'années 2012.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a pas prononcé la décharge de la pénalité pour manquement délibéré ayant assorti les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2011 et à demander la réformation du jugement attaqué conformément au motif énoncé au point 8. du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme C... demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administratif.

DECIDE :

Article 1er : Mme C... est déchargée des pénalités pour manquement délibéré afférentes aux suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Article 2 : Le jugement n° 1703730/1-1 du 8 janvier 2020 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 2 février 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Platillero, président,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2022.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président assesseur,

En application de l'article R. 222-26 du code

de justice administrative,

F. PLATILLERO

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA00824


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00824
Date de la décision : 16/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PLATILLERO
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-16;20pa00824 ?
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