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15/02/2022 | FRANCE | N°21PA00600

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 15 février 2022, 21PA00600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 13 décembre 2020 par lesquels le préfet de police a déclaré caduc son droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2021229/8 du 24 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administrat

if de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 13 décembre 2020 par lesquels le préfet de police a déclaré caduc son droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2021229/8 du 24 décembre 2020, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2021, M. A..., représenté par Me Kempf, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 24 décembre 2020 ;

2°) d'annuler les arrêtés mentionnés ci-dessus du 13 décembre 2020 ;

3°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les arrêtés attaqués sont insuffisamment motivés ;

- ils méconnaissent son droit d'être entendu ;

- ils méconnaissent l'article L. 511-3-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de circuler sur le territoire français est manifestement disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès ;

- et les conclusions de Mme Mach, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant belge, né le 29 septembre 1982, a souhaité se rendre à la manifestation organisée le 12 décembre 2020 à Paris. Il a fait l'objet d'un contrôle préventif préalable à cette manifestation effectué par les forces de l'ordre alors qu'il se trouvait à proximité du point de rassemblement de cette manifestation. A l'occasion de ce contrôle, le requérant a été trouvé notamment en possession d'une fusée ; il a été interpellé et placé en garde à vue. Il a ensuite fait l'objet d'arrêtés du 13 décembre 2020 par lesquels le préfet de police a déclaré caduc son droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de circuler sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. M. A... relève appel du jugement du 24 décembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ". Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par M. A... qui n'a pas sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, si M. A... soutient que l'arrêté est entaché d'insuffisance de motivation, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux vise les articles L. 511-3-1 et L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que le comportement personnel de M. A... constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société du fait que son comportement a été signalé par le commissariat du 17ème arrondissement le 12 décembre 2020 pour détention sans motif légitime de substances ou produits explosifs à Paris. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté en litige comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; / [...] ".

5. Il découle de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, et se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit implique ainsi que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

6. En l'espèce, M. A... soutient que son droit d'être entendu a été méconnu dès lors qu'il n'a pas été informé de la possibilité qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre et qu'il n'a pas davantage été mis à même de présenter ses observations avant que le préfet de police ne décide de lui faire obligation de quitter le territoire français. A cet égard, le préfet de police ne conteste pas que le requérant n'a pas été informé de la mesure d'éloignement envisagée. Toutefois, M. A... a bien fait l'objet d'une audition par les services de police à la suite de son interpellation et il ne justifie pas qu'il a été privé, du fait de l'absence de cette information, de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu des décisions litigieuses. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu doit donc être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant belge, a souhaité se rendre à une manifestation organisée le 12 décembre 2020 à Paris. Contrairement à ce que soutient le requérant, ce dernier a fait l'objet d'un contrôle préventif préalable à la manifestation du 12 décembre 2020 effectué par les forces de l'ordre alors qu'il se trouvait à proximité du point de rassemblement de cette manifestation. A l'occasion de ce contrôle, le requérant a été trouvé en possession d'un engin pyrotechnique, qui est susceptible de causer à autrui des blessures. Par ailleurs, outre cet engin pyrotechnique, M. A... a également été trouvé en possession d'un masque de protection, un masque de ski, un cache-cou noir, un bonnet noir et une grande écharpe noire, vêtements susceptibles de constituer des tenues de camouflage. S'il invoque le classement sans suite de la procédure pénale diligentée à son encontre, cette circonstance est sans influence sur l'appréciation de la menace pour l'ordre ou la sécurité publiques dans le cadre de la police administrative. Dès lors, en retenant que le requérant constituait, du point de vue de l'ordre public, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française, le préfet de police, dans les circonstances de l'espèce, n'a ni méconnu l'article L. 511-3-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

9. En dernier lieu, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation à l'encontre de la décision faisant interdiction à M. A... de circuler sur le territoire français pour une durée de 24 mois doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge au point 24 du jugement attaqué.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions susvisées font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, au titre des frais exposés par

M. A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu d'admettre M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2: La requête de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 1er février 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2022.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

T. CELERIER

La greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00600
Date de la décision : 15/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme MACH
Avocat(s) : KEMPF

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-15;21pa00600 ?
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