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10/02/2022 | FRANCE | N°21PA02476

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, Chambres reunies, 10 février 2022, 21PA02476


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2104641 du 6 mai 2021, enregistrée le même jour au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a transmis à la Cour la requête de M. G... Q..., Mme AE... AD..., Mme T... AJ..., M. B... AO..., M. W... AL..., Mme O... R..., M. X... AK..., Mme M... AP..., Mme P... F..., M. AA... AQ..., Mme Z... AQ..., M. E... Y..., Mme K... N..., Mme D... L..., M. C... AN..., Mme I... AB..., M. U... AM..., Mme AH... S..., M. H... V..., Mme AF... AG... et Mme A... AC..., en

registrée sous le n° 21PA02476 devant la Cour.

Par cette req...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 2104641 du 6 mai 2021, enregistrée le même jour au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a transmis à la Cour la requête de M. G... Q..., Mme AE... AD..., Mme T... AJ..., M. B... AO..., M. W... AL..., Mme O... R..., M. X... AK..., Mme M... AP..., Mme P... F..., M. AA... AQ..., Mme Z... AQ..., M. E... Y..., Mme K... N..., Mme D... L..., M. C... AN..., Mme I... AB..., M. U... AM..., Mme AH... S..., M. H... V..., Mme AF... AG... et Mme A... AC..., enregistrée sous le n° 21PA02476 devant la Cour.

Par cette requête, enregistrée le 5 avril 2021 au greffe du tribunal administratif de Montreuil, un mémoire en réplique enregistré le 22 novembre 2021 et de nouveaux mémoires enregistrés le 8 décembre 2021 et le 27 janvier 2022, M. Q... et autres, représentés par Me Heddi, demandent à la Cour :

1°) d'annuler la décision implicite par laquelle l'établissement public territorial (EPT) Plaine Commune a rejeté leur demande en date du 16 décembre 2020 tendant à l'abrogation du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) ;

2°) d'enjoindre au président de l'EPT Plaine Commune d'inscrire sans délai l'abrogation du plan local d'urbanisme intercommunal à l'ordre du jour du conseil de territoire ;

3°) de mettre à la charge de l'EPT Plaine Commune la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils ont intérêt à agir contre la décision attaquée ;

- leur requête est recevable, ayant été introduite dans le délai de recours ;

- le rapport de présentation du PLUi est insuffisant en ce qu'il ne justifie pas de la complémentarité entre le règlement et les différentes orientations d'aménagement et de programmation (OAP) thématiques et sectorielles ;

- le PLUi, en ce qu'il ouvre à l'urbanisation la frange ouest des jardins des Vertus, n'est pas compatible avec les objectifs et les orientations réglementaires du schéma directeur de la région d'Île-de-France (SDRIF) tendant à préserver les espaces verts ;

- le règlement du PLUi pour le secteur des jardins des Vertus n'est pas cohérent avec les orientations du PADD relatives à la préservation des espaces verts, contrairement aux prescriptions de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme ;

- l'OAP du Fort d'Aubervilliers est incohérente avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) contrairement aux prescriptions de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme ;

- le classement de la frange ouest des jardins des Vertus en zone urbaine est entaché d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'absence d'équipements permettant sa desserte par les réseaux d'assainissement et d'électricité.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 septembre 2021 et le 25 janvier 2022, l'établissement public territorial Plaine Commune, représenté par Me Lherminier, sollicite la cristallisation des moyens et conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge de M. Q... et autres une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 janvier 2022 à 14h30.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2020-745 du 17 juin 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de la nouvelle audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 28 janvier 2022 :

- le rapport de Mme Renaudin,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- les observations de Me Heddi, avocat des requérants, et de Me Baron substituant Me Lherminier, avocat de l'établissement public territorial Plaine Commune.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 25 février 2020, le conseil de territoire de l'établissement public territorial (EPT) Plaine Commune a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). Par une délibération du 13 octobre 2020, le conseil de territoire a mis en compatibilité le PLUi avec la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Village olympique et paralympique ". M. G... Q... et les autres requérants ont, par un courrier du 16 décembre 2020, saisi le président de l'établissement public territorial d'une demande d'abrogation du PLUi, estimant ce dernier illégal en ce qu'il porte sur le secteur des jardins des Vertus à Aubervilliers. Cette demande ayant été implicitement rejetée, M. G... Q... et les autres requérants demandent l'annulation de la décision implicite de refus d'abrogation du PLUi.

Sur les conclusions à fin d'annulation du refus d'abrogation du PLUi :

S'agissant de l'insuffisance du rapport de présentation du PLUi :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".

3. Si, dans le cadre de la contestation d'un acte réglementaire susceptible d'intervenir après l'expiration du délai de recours contentieux contre cet acte, par la voie de l'exception ou sous la forme d'un recours pour excès de pouvoir contre le refus de l'abroger, la légalité des règles qu'il fixe, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiqués, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Dès lors, le moyen de légalité externe tiré des insuffisances du rapport de présentation du PLUi ne peut être utilement soulevé par les requérants et doit être écarté.

S'agissant de la compatibilité du PLUi sur le secteur des jardins des Vertus avec le schéma directeur de la région d'Île-de-France en ce qui concerne les espaces verts :

4. Aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction demeurée applicable aux plans locaux d'urbanisme dont l'élaboration ou la révision a été engagée avant le 1er avril 2021 : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 131-7 du même code, dans cette même rédaction : " En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont compatibles, s'il y a lieu, avec les documents énumérés aux 1° à 10° de l'article L. 131-1 et prennent en compte les documents énumérés à l'article L. 131-2. (...) ", et aux termes de cet article L. 131-1 : " Les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec : (...) / 3° Le schéma directeur de la région d'Île-de-France prévu à l'article L. 123-1 ; (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'au sein de la région d'Ile-de-France les schémas de cohérence territoriale et, en leur absence, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont soumis à une obligation de compatibilité avec le schéma directeur de cette région. Pour apprécier cette compatibilité, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire pertinent pour prendre en compte les prescriptions du schéma directeur de la région, si le schéma de cohérence territoriale ou, en son absence, le plan local d'urbanisme, le document en tenant lieu ou la carte communale ne contrarie pas les objectifs et les orientations d'aménagement et de développement fixés par le schéma, compte tenu du degré de précision des orientations adoptées, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque orientation ou objectif particulier.

6. Les requérants soutiennent que le PLUi n'est pas compatible avec le schéma directeur de la région d'Île-de-France, en ce que le classement de la frange ouest des jardins des Vertus en différentes zones urbaines, pour accueillir, principalement, la gare du Fort d'Aubervilliers, desservant la ligne 15 Est du Grand Paris Express, et le centre aquatique olympique d'Aubervilliers, équipements dont l'implantation est prévue dans le cadre de la ZAC du Fort d'Aubervilliers, contrarierait l'objectif du SDRIF tendant à la préservation des espaces verts.

7. Le SDRIF, dans son fascicule 2 " défis, projet spatial régional et objectifs ", développe, notamment, un objectif d'amélioration de la vie quotidienne des franciliens (3), qui se décline sur le plan des espaces verts en deux sous-objectifs principaux. Le premier, qui s'inscrit dans l'objectif plus général de " 3.3 Garantir l'accès à des équipements et des services publics de qualité ", tend à " renforcer l'accès des franciliens à des espaces verts et de loisirs de proximité ". A ce titre, le fascicule du SDRIF expose que : " Si les espaces verts urbains, squares et jardins publics, sont nécessaires, ils ne sont pas suffisants pour répondre à la demande de nature des habitants. Ainsi, une offre complète d'espaces de nature accessibles au public doit être proposée : espaces verts urbains, mais aussi jardins partagés, jardins solidaires (...) Malgré les efforts menés, les territoires les plus carencés en espaces verts le sont restés, notamment du fait de la difficulté à libérer du foncier. Les deux tiers des communes du cœur de métropole ont une offre inférieure à 10 m² d'espaces verts publics par habitant, notamment dans la partie nord de l'agglomération. Le SDRIF prévoit donc la préservation des espaces verts existants mais aussi la création de nouveaux espaces dans les territoires carencés, afin d'atténuer les inégalités territoriales. Il définit aussi un réseau de liaisons vertes, permettant un accès facile et agréable à ces espaces. Espaces verts et liaisons vertes constituent la composante publique d'une véritable Trame verte d'agglomération (...) ". Le deuxième objectif développé par le SDRIF pour les espaces verts s'inscrit dans l'objectif " 3.5 Améliorer l'espace urbain et de son environnement naturel ", qui se décline notamment par celui consistant à " faire entrer la nature dans la ville ". A ce titre le fascicule du SDRIF expose que : " Si les espaces verts et boisés publics sont essentiels pour la qualité de vie des Franciliens, les autres espaces ouverts urbains méritent également d'être préservés. À ce titre, les jardins familiaux et jardins partagés peuvent être développés pour répondre à la forte demande urbaine de nature, de lien social, et apporter un complément d'alimentation locale, notamment dans les quartiers ayant une part importante de logements sociaux ou collectifs. (...) ". Il ressort des exposés ci-dessus que l'objectif de développement des espaces verts pour répondre à la demande de nature, affiché par le SDRIF, par une offre résultant à la fois de la préservation des espaces existants et de la création de nouveaux espaces verts, s'appuie sur une notion globalisante de ces derniers, incluant, notamment, les jardins partagés. A ce titre, la carte de " la composante publique de la trame verte d'agglomération " contenue dans le fascicule 2 du SDRIF, intègre, sous la légende " Pérenniser et développer l'offre en espaces verts et boisés publics ", les " espaces verts et boisés ouverts au public ", mais également les " autres espaces verts et boisés ", lesquels sont symbolisés par un aplat vert, tandis que les espaces verts à créer sont également représentés, par un symbole en forme de marguerite. Le site du Fort d'Aubervilliers est ainsi répertorié par le SDRIF, à la fois au titre des espaces verts existants, dont font partie les jardins partagés qui bordent la couronne du fort, dont les jardins des Vertus, et comme lieu de création de nouveaux espaces verts et de loisirs de 2 à 5 hectares.

8. Les orientations réglementaires du SDRIF, contenues dans le fascicule 3, qui traduisent la stratégie et les objectifs déterminés dans le fascicule 2 pour le projet spatial, comprennent sous le pilier " 3. Préserver et valoriser ", des orientations sur les espaces verts et espaces de loisirs (3.4). Les orientations sont déclinées spatialement dans la carte de destination générale des différentes parties du territoire (CDGT), " qui donne la traduction cartographique réglementaire du projet spatial régional " tel que le mentionne ce fascicule. Concernant les espaces verts, ce fascicule indique, à l'instar du fascicule 2, que sont considérés comme espaces verts et espaces de loisirs, notamment : " les espaces verts publics, les jardins et les grands parcs publics; les jardins familiaux, les jardins partagés et les jardins solidaires ". Les orientations prescrivent que : " Il convient de pérenniser la vocation des espaces verts publics existants, de valoriser les espaces ouverts privés insérés dans la ville dense, d'optimiser l'ensemble des fonctions ou des services que rendent ces espaces " et que : " Il reviendra en conséquence aux collectivités territoriales de s'assurer que leurs documents d'urbanisme permettent notamment : de préserver les emprises dédiées aux espaces verts publics existants ; de créer les espaces verts d'intérêt régional ". Ainsi que le font valoir les requérants, les jardins des Vertus sont répertoriés sur la carte de destination générale des différentes parties du territoire, qui reprend celle de la composante publique de la trame verte du fascicule 2, au titre des espaces verts et des espaces de loisirs.

9. Les orientations réglementaires du SDRIF exposent également, à propos de la carte de destination générale des différentes parties du territoire, que : " Cette carte indique les vocations des espaces concernés, telles qu'elles résultent des caractéristiques de l'espace en cause et des orientations réglementaires auxquelles elle est étroitement subordonnée, sans que cette représentation puisse être précise eu égard à l'échelle de la carte. Il appartient donc aux documents d'urbanisme locaux de préciser les limites des espaces identifiés, ainsi que celles des éléments représentés symboliquement sur la CDGT du SDRIF, dans le respect des principes de subsidiarité et de compatibilité ". Ainsi, en vertu de ces dispositions et de celles ci-dessus rappelées de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme, dont il résulte que les plans locaux d'urbanisme sont soumis à une obligation de compatibilité avec le schéma directeur de la région d'Ile-de-France, et non de conformité à celui-ci, l'EPT Plaine Commune disposait d'une marge d'appréciation dans la délimitation des espaces verts existants à préserver sur le site du Fort d'Aubervilliers.

10. Il ressort des documents de Grand Paris aménagement (GPA), l'aménageur de la ZAC du Fort d'Aubervilliers, produits au dossier par l'EPT Plaine Commune, et n'est pas contesté, que les zones urbaines en cause prévues par le PLUi sur le site du jardin des Vertus, soit une partie des zones UG permettant d'accueillir les équipements prévus de la gare et de la piscine, et une zone UM, correspondant à une zone urbaine mixte, portent soustraction de 9 000 mètres carrés du site actuel des jardins ouvriers comprenant 70 000 mètres carrés dans son ensemble, soit 13 % de sa superficie totale. Si l'EPT Plaine Commune fait valoir que cet hectare de jardins sera compensé par la création de nouveaux emplacements au sud du site, une telle compensation ne préserve pas l'emprise existante des jardins familiaux et ces nouveaux emplacements sont créés au moins pour une part dans un secteur faisant jusque-là partie de la couronne boisée du fort, relevant également des espaces à préserver.

11. Le SDRIF affiche, comme essentiel, un objectif de préservation et de développement des espaces verts dans la région d'Île-de-France, au titre duquel il prescrit notamment de " préserver les emprises dédiées aux espaces verts publics existants ". En faisant figurer sur le site du Fort d'Aubervilliers, à la fois, la préservation des espaces verts existants et la création de nouveaux espaces de plus de 2 hectares, il ambitionne la constitution d'un pôle important d'espaces verts, dans une commune de la région parmi les plus carencées en la matière. Dans ces conditions, si les auteurs du PLUi de Plaine commune pouvaient ajuster la délimitation des espaces verts existants sur ce site, le cas échéant pour permettre la réalisation d'un projet d'infrastructure de transport tel que la gare du Grand Paris Express, également prévu par le SDRIF et figurant sur la carte de destination générale des différentes parties du territoire, ainsi qu'un grand équipement, dont le SDRIF prévoit la localisation préférentielle à proximité d'une gare du réseau de transport en commun de niveau métropolitain, la suppression de près d'un hectare de jardins des espaces verts existants, cartographiés au schéma directeur et inclus dans un site présentant une cohérence d'ensemble créée par la continuité entre la couronne boisée du fort et les jardins partagés qui la bordent, est trop importante pour être regardée comme compatible avec le SDRIF.

S'agissant de la cohérence du règlement du PLUi en ce qui concerne le secteur des jardins des Vertus avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durable (PADD) :

12. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

13. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le PADD, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou à un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

14. Les requérants soutiennent que les dispositions du règlement pour les zones urbaines prévues sur le secteur des jardins des Vertus sont contradictoires avec les objectifs du PADD de développement des espaces verts. Le PADD retient l'objectif d'un territoire écologiquement responsable pour le bien-être de ses habitants. Il mentionne que l'enjeu de l'accueil de nouvelles populations résidentes, dans un cadre de vie à même de protéger au mieux leur santé, notamment en cherchant à préserver le climat, et restaurer la biodiversité " implique un développement urbain économe en consommation des sols, qui contribue à renforcer la végétalisation de la ville et la présence d'espaces verts, qui préserve ou restaure les continuités écologiques et les noyaux de biodiversité, qui favorise la pleine terre et la végétalisation du bâti ". Le PADD retient, à ce titre, un objectif de développement des espaces verts, pour atteindre 70 hectares d'espaces verts d'une surface unitaire supérieure à un hectare, en création ou requalification d'espaces existants, à l'horizon 2030. Il retient également un objectif de préservation de la biodiversité et la création des continuités vertes, les continuités écologiques s'appuyant sur des espaces constituant des noyaux de biodiversité, tels que le fort d'Aubervilliers qui y est classé en noyau primaire. A ce titre, il prévoit que : " Les noyaux primaires de biodiversité doivent être préservés en les protégeant de toute construction ou en limitant fortement celle-ci " et mentionne que certains d'entre eux constituent des points de jonction entre les continuums écologiques et les noyaux de biodiversité, citant à ce titre le continuum Fort d'Aubervilliers - canal Saint-Denis. La carte n° 2 du PADD, qui illustre ces objectifs, a prévu une zone de restauration des corridors écologiques discontinus, qui relie le cimetière de Pantin au canal Saint-Denis en traversant le nord du fort. Enfin, le PADD fixe un objectif de protection et de soutien au développement de l'agriculture urbaine sous toutes ses formes, notamment celle des jardins familiaux ou partagés. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'OAP n° 2 du PLUi couvrant l'aménagement du Fort d'Aubervilliers, que, selon les cartes qui l'illustrent, la couronne et le sud du fort, comme les jardins partagés, sont constitutifs, dans leur ensemble, du noyau primaire de biodiversité susmentionné.

15. D'une part, si l'aménagement de l'emprise devant accueillir la gare du Grand Paris Express et le centre aquatique olympique répond à d'autres objectifs du PADD, comme celui consistant à " Densifier et consolider les transports collectifs structurants " notamment par la création de la nouvelle ligne 15 du réseau Grand Paris Express, que la gare prévue sur le site desservira, et celui consistant à " proposer une offre d'équipements et de services de qualité adaptée aux besoins présents et faire des jeux olympiques et des nouvelles gares une opportunité au service du projet de territoire ", en revanche, l'implantation sur les jardins des Vertus d'une zone UM, correspondant à une zone urbaine mixte, dont la destination précise n'est pas justifiée au dossier, ne se rattache pas directement à ces grands objectifs. D'autre part, l'urbanisation de la frange ouest des jardins des Vertus, pour une superficie de près d'un hectare, portera également atteinte à la préservation d'un noyau de biodiversité primaire et accroîtra les discontinuités écologiques existantes, alors qu'un corridor écologique est pourtant prévu par le PADD au nord du site, et lui-même repris sur la carte de l'OAP n° 2. Le règlement du PLUi, en ce qu'il prévoit le classement en zone urbaine UM d'une partie de la frange ouest des jardins des Vertus, présente donc une incohérence avec le PADD.

S'agissant de la cohérence de l'OAP n° 2 du Fort d'Aubervilliers avec les orientations du PADD :

16. Aux termes de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles ".

17. L'OAP n° 2 du Fort d'Aubervilliers rappelle, pour l'aménagement du site, les objectifs environnementaux du PADD. Elle prévoit qu'un espace vert central soit aménagé dans le fort ainsi qu'un parc dans les douves dont une partie sera inaccessible au public afin de préserver la biodiversité, et prévoit elle-même la déclinaison en deux branches du corridor écologique prévu par le PADD entre le fort et le canal Saint-Denis, dont l'une traverse les jardins des Vertus et la couronne nord du fort. Toutefois, en prévoyant, parallèlement, un secteur constructible, s'intercalant entre le secteur dédié aux transports collectifs et activités de loisirs et la frange ouest des jardins des Vertus, sur laquelle il empiète, alors que cette dernière est par ailleurs considérée comme noyau primaire de diversité et traversée par un corridor écologique, cette OAP présente une incohérence avec les objectifs environnementaux du PADD dont elle affiche pourtant l'intention de les mettre en œuvre. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme doit être également accueilli.

18. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". En l'état du dossier, aucun des autres moyens de la requête ne paraît de nature à justifier l'annulation du refus implicite d'abrogation du plan local d'urbanisme intercommunal de l'établissement public territorial Plaine Commune en ce qu'il classe en zone urbaine la frange ouest des jardins des Vertus.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. Q... et les autres requérants sont fondés à demander l'annulation du refus implicite opposé à leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

20. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

21. Aux termes de l'article L. 153-36 du code de l'urbanisme : " Sous réserve des cas où une révision s'impose en application de l'article L. 153-31, le plan local d'urbanisme est modifié lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide de modifier le règlement, les orientations d'aménagement et de programmation ou le programme d'orientations et d'actions ". Aux termes de l'article L. 153-37 du même code : " La procédure de modification est engagée à l'initiative du président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du maire qui établit le projet de modification ".

22. L'annulation de la décision attaquée implique, eu égard aux motifs d'annulation retenus, que le président de l'EPT Plaine Commune engage, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, la procédure de modification du plan local d'urbanisme intercommunal en ce qu'il classe en zone urbaine une partie de la frange ouest des jardins des Vertus à Aubervilliers excédant les zones UG strictement nécessaires à l'implantation de la gare du Grand Paris Express et de la piscine olympique.

Sur les frais liés à l'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. Q... et des autres requérants, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'établissement public territorial Plaine Commune demande au titre des frais qu'il a exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'établissement public territorial Plaine Commune une somme de 100 euros à verser à chacun des requérants.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision implicite par laquelle l'établissement public territorial Plaine Commune a rejeté la demande de M. Q... et des autres requérants en date du 16 décembre 2020 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au président de l'établissement public territorial Plaine Commune d'engager la procédure de modification du plan local d'urbanisme intercommunal en ce qu'il classe en zone urbaine une partie de la frange ouest des jardins des Vertus excédant les zones UG strictement nécessaires à l'implantation de la gare du Grand Paris Express et de la piscine olympique, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'établissement public territorial Plaine Commune versera à chacun des requérants une somme de 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... Q..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, et à l'établissement public territorial Plaine Commune.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. AI..., premier vice-président,

- M. Luben, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Renaudin, Mme J..., premières conseillères, et M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.

La rapporteure,

M. RENAUDINLa présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02476


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : Chambres reunies
Numéro d'arrêt : 21PA02476
Date de la décision : 10/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-005-02 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. - PLANS D'AMÉNAGEMENT ET D'URBANISME. - SCHÉMAS DIRECTEURS D'AMÉNAGEMENT ET D'URBANISME. - EFFETS. - SCHÉMA DIRECTEUR DE LA RÉGION D'ILE-DE-FRANCE - OBLIGATION DE COMPATIBILITÉ DES PLANS LOCAUX D'URBANISME, EN L'ABSENCE DE SCHÉMA DE COHÉRENCE TERRITORIALE - INCOMPATIBILITÉ EN L'ESPÈCE - SUPPRESSION DE JARDINS OUVRIERS EXCÉDANT LA MARGE D'APPRÉCIATION DES AUTEURS DU PLAN LOCAL D'URBANISME INTERCOMMUNAL DANS LA DÉLIMITATION DES ESPACES VERTS À PRÉSERVER.

68-01-005-02 Le schéma directeur de la région d'Île-de-France (SDRIF) affiche, comme essentiel, un objectif de préservation et de développement des espaces verts dans la région d'Île-de-France, au titre duquel il prescrit notamment de « préserver les emprises dédiées aux espaces verts publics existants ». En faisant figurer sur le site du Fort d'Aubervilliers, à la fois, la préservation des espaces verts existants et la création de nouveaux espaces de plus de 2 hectares, il ambitionne la constitution d'un pôle important d'espaces verts, dans une commune de la région parmi les plus carencées en la matière. Dans ces conditions, si les auteurs du plan local d'urbanisme intercommunal de Plaine commune disposaient d'une marge d'appréciation dans la délimitation des espaces verts existants à préserver et pouvaient ajuster la délimitation des espaces verts existants sur ce site, le cas échéant pour répondre à d'autres objectifs du SDRIF, la suppression de près d'un hectare - soit 13 % de leur superficie - de jardins ouvriers, cartographiés au schéma directeur et inclus dans un site présentant une cohérence d'ensemble créée par la continuité entre la couronne boisée du fort et les jardins partagés qui la bordent, est trop importante pour être regardée comme compatible avec le SDRIF.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : HEDDI

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-10;21pa02476 ?
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