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08/02/2022 | FRANCE | N°21PA00897

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 février 2022, 21PA00897


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination duquel il sera éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour " salarié " dans un délai

d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination duquel il sera éloigné et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans les mêmes conditions.

Par un jugement n° 2007209 du 25 janvier 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2021, M. A..., représenté par Me Babin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2007209 du 25 janvier 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- le refus de séjour contesté est entaché d'erreur de fait ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas tenu compte des critères de régularisation par le travail fixés par la circulaire du 28 novembre 2012, qu'il remplissait, alors que cette circulaire, publiée sur le site internet du ministère de l'intérieur, est opposable à l'administration ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire méconnaît l'exigence de respect du contradictoire résultant des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est entaché d'inconventionnalité au regard de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la décision méconnaît les dispositions de ce même article L. 511-1 ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jurin,

- et les observations de Me Babin, avocate de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sri lankais né le 29 septembre 1986, est entré irrégulièrement en France le 13 janvier 2014, selon ses déclarations. Le 8 avril 2019, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 20 décembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 25 janvier 2021 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les moyens communs aux décisions en litige :

2. L'arrêté attaquée vise les textes dont il fait application, notamment les dispositions et stipulations applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il comporte également les considérations de fait qui en constituent le fondement. Par suite, cet arrêté est suffisamment motivé.

Sur le refus de séjour :

3. Le requérant soutient que la décision contestée est entachée d'erreurs de fait dès lors qu'il ne s'est pas contenté de verser une promesse d'embauche tendant à l'exercice du métier de boulanger et qu'il a commencé à travailler en 2015 et non en 2016 comme indiqué dans l'arrêté attaqué. Toutefois il ressort des pièces du dossier que le refus de séjour est motivé par l'insuffisance de qualification de M. A... et par son absence de résidence habituelle suffisamment ancienne en France. Si le requérant soutient qu'à l'appui de sa demande, il a déposé un " pack employeur " complet comprenant un contrat à durée indéterminée et non une promesse d'embauche, il ressort des pièces du dossier que le contrat à durée indéterminée produit laisse apparaître un nom différent de celui du requérant qui quand bien même il s'agirait d'un nom d'emprunt ne permet pas d'établir que le requérant disposait d'un contrat à durée indéterminée à la date de la décision attaquée. En outre, la seule circonstance que le requérant ait commencé à travailler le 4 mai 2015 et non en 2016 comme indiqué dans l'arrêté contesté, ne suffit pas à établir qu'eu égard au motif du rejet de séjour contesté, le préfet aurait pas pris une autre décision relative à l'admission exceptionnelle au séjour s'il s'était fondé sur la date du 4 mai 2015.

4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L.313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

5. Pour soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions précitées, M. A... fait valoir qu'il travaille depuis plusieurs années dans une boulangerie où il a commencé à travailler sous une fausse identité et qu'il dispose d'un contrat à durée indéterminée à son propre nom depuis le 29 juin 2018 comme boulanger. Toutefois, ces seuls éléments ne suffisent pas à caractériser un motif humanitaire ou exceptionnel au sens des dispositions citées au point précédent et donc à établir que la décision de refus de séjour attaquée serait entachée, à ce titre, d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Si M. A... invoque les dispositions de l'article L. 313-10 du code précité, le requérant n'a pas présenté à l'appui de sa demande de titre de séjour de contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi. Par suite, le moyen tiré de la connaissance de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

8. M. A... soutient qu'il réside en France depuis 2014 et y possède de réelles attaches personnelles et familiales. Toutefois, le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir la nature et la réalité des attaches dont il se prévaut sur le territoire français. En outre, son entrée en France est relativement récente à la date de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, le refus de séjour contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, cette décision ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.

9. Aux termes de l'article L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Font l'objet d'une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n'ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code : " Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret./ Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée./Les dispositions du présent article ne peuvent pas faire obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". Aux termes de l'article R. 312-10 du même code : " Les sites internet sur lesquels sont publiés les documents dont toute personne peut se prévaloir dans les conditions prévues à l'article L. 312-3 précisent la date de dernière mise à jour de la page donnant accès à ces documents ainsi que la date à laquelle chaque document a été publié sur le site./ Ces sites comportent, sur la page donnant accès aux documents publiés en application de l'article L. 312-3, la mention suivante : " Conformément à l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration, toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par les documents publiés sur cette page, pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée, sous réserve qu'elle ne fasse pas obstacle à l'application des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement ". Enfin, aux termes de l'article D. 312-11 du même code : " Les sites internet mentionnés au premier alinéa de l'article L. 312-3 sont les suivants : / (...) / ; www.interieur.gouv.fr (...)/ Lorsque la page à laquelle renvoient les adresses mentionnées ci-dessus ne donne pas directement accès à la liste des documents mentionnés à l'article L. 312-3, elle comporte un lien direct vers cette liste, identifié par la mention " Documents opposables ".

10. Les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est dépourvue de caractère réglementaire, constituent seulement des orientations générales adressées par le ministre aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, ces autorités administratives disposant d'un pouvoir d'appréciation pour prendre une mesure au bénéfice de laquelle la personne intéressée ne peut faire valoir aucun droit. Cette circulaire, qui ne prévoit pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour à l'étranger qui totaliserait les durées de résidence et d'emploi qu'elle indique, ne comporte ainsi pas de lignes directrices dont les intéressés pourraient utilement se prévaloir devant le juge et ne comporte pas davantage une interprétation du droit positif ou d'une règle qu'ils pourraient invoquer sur le fondement des articles L. 312-2 et L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration. Au surplus, il résulte des dispositions combinées des articles L. 312-3, R. 312-10 et D. 312-11 du code des relations entre le public et l'administration que, pour être opposable, une circulaire du ministre de l'intérieur adressée aux préfets doit faire l'objet d'une publication sur le site www.interieur.gouv.fr par le biais d'une insertion dans la liste définissant les documents opposables et comportant les mentions prescrites à l'article R. 312-10, et doit comporter un lien vers le document intégral publié sur le site " Légifrance.gouv.fr ", site relevant du Premier ministre. En l'espèce, la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, si elle a bien été publiée sur le site Légifrance et figure sur le site du ministère de l'intérieur reprenant les publications au bulletin officiel, ne l'a pas été dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code des relations entre le public.

11. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le requérant ne saurait utilement se prévaloir des critères de régularisation figurant dans la circulaire du 28 novembre 2012.

12. Si M. A... soutient qu'il risque de subir des traitements inhumains et dégradants, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant à l'encontre du refus de titre de séjour.

13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour doivent être rejetées.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

14. Compte tenu de ce qui a été dit au point 13, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.

15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points ci-dessus s'agissant du refus de titre de séjour, les moyens tirés de l'erreur de fait et de la méconnaissance des stipulations des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation ainsi que de la méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012 doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire sur la situation personnelle du requérant.

Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

16. Il résulte de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du même code. Dès lors, les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code, ne sauraient être utilement invoquées ni à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à l'encontre de la décision relative au délai de départ volontaire. Le moyen tiré de l'absence de respect du contradictoire doit donc être écarté.

17. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. (...) ".

18. Les dispositions citées au point précédent s'appuient, pour caractériser le " risque de fuite ", sur des critères objectifs et précis, et prévoient, sans faire supporter à l'étranger la charge d'une preuve impossible à rapporter, que des circonstances particulières peuvent s'opposer à ce que ce risque soit regardé comme établi. Elles ne dispensent pas l'autorité administrative d'examiner la situation personnelle de l'étranger et ne sont dès lors pas incompatibles avec les exigences du droit de l'Union européenne, notamment avec les objectifs définis par les articles 1err et 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qu'elles ont eu pour objet de transposer.

19. Dès lors que M. A... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement notifiée le 8 juin 2017, le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire pouvait être regardé comme caractérisé en vertu du 3° du II de l'article L. 511-1 précité, nonobstant la durée de sa présence en France. Le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait dès lors refuser à M. A... un délai de départ volontaire sans méconnaître les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entacher sa décision d'une erreur d'appréciation.

20. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus s'agissant du refus de titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

21. Aux termes des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) " et " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". L'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose par ailleurs que : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

22. Si le requérant soutient que la décision fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de son éloignement a pour effet de le mettre en danger compte tenu de son état de santé, les éléments produits ne permettent pas d'établir la réalité et le caractère personnel et direct des risques qu'il courrait en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays dont il a la nationalité pour destination de son éloignement méconnaîtrait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

23. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

24. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

25. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

26. L'arrêté attaqué mentionne notamment que M. A... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécuté ainsi que la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France. Dans ces conditions, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée au regard des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne résulte ni de cette motivation, ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait négligé de procéder à un examen approfondi de la situation personnelle de M. A....

27. Il ressort des pièces du dossier que l'ancienneté du séjour du requérant en France n'est que de six ans alors qu'il s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire français malgré une mesure d'éloignement à laquelle il n'a pas déféré. Il ne justifie d'aucune intégration particulière et n'apporte aucun élément de nature à établir une attache familiale en France. Dans ces conditions, M. A... n'établit pas que le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ou méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prononçant à son encontre une interdiction de retour de deux ans.

28. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

29. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.

La rapporteure,

E. JURINLe président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA00897 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00897
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-01 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Textes applicables.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : DIRAKIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-02-08;21pa00897 ?
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